Nos petites madeleines : de mémoire d’hommes

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
13/10/2014
(© Hichem Dahes)

Avec son intitulé en forme de clin d’œil à Proust et d’invitation à la dégustation, le festival Nos petites madeleines met pendant deux semaines l’accent sur de jeunes créateurs et les nouvelles technologies. Un mélange secouant de théâtre, de performances, de concerts et d’installations interactives.

Cette saison de la Balsamine se décline sur le thème de l’animalité. Et c’est en raison de sa mémoire réputée phénoménale que l’éléphant a le privilège de présider le visuel du festival Nos petites madeleines. Un festival sur la mémoire - outil fondamental du comédien - sous toutes ses formes, individuelle ou collective, à plus ou moins long terme, cérébrale ou corporelle... On jette un coup d’œil sur le programme avec Fabien Dehasseler, co-directeur de La Balsamine avec Monica Gomez et programmateur du festival.

D’où est venue l’idée de créer un festival autour de la mémoire ?
Fabien Dehasseler : C’est parti de Thomas Israël (lire ci-contre) qui avait déjà travaillé avec nous dans le cadre de performances lors de la saison 2012-13. C’est vraiment avec lui qu’on a construit la première semaine du festival, qui s’est précisée autour des arts numériques, en partenariat avec La Quinzaine numérique. La mémoire est très présente dans ses œuvres de manière générale et on s’est dit que c’était un intéressant point de départ pour une réflexion autour de cette thématique. Thomas nous a présenté Laura Colmenares Guerra dont nous programmons l’installation interactive Lungs. Il y aura aussi une print party : une performance de nos graphistes, OSP. Pour présenter leur travail au Japon, ils avaient utilisé leurs outils graphiques qu’ils avaient injectés dans un ordinateur pour en faire une sorte de chanson. Les éléments graphiques sont transformés en une sorte de karaoké vivant. Ils vont le refaire en partant de toute la construction graphique de notre saison. On va voir ce que ça va donner...

Si la première semaine du festival est « numérique », la deuxième est-elle plus « classique » ?
Dehasseler : Les formes sont en effet plus « traditionnelles », mais elles restent quand même assez particulières puisque ce sont des artistes qui ont des univers bien à eux. Il y aura Vieil de Jean Le Peltier, qui est vraiment un coup de cœur. C’est une fable réinventée, contemporaine, qui parle de l’Europe, avec une écriture très affirmée et une forme très épurée. Ça joue aussi sur la mémoire d’une personne qui est morte un peu avant. Il y aura aussi Jean-Baptiste Calame, qui sera présent plus tard dans la saison avec L’écolier Kévin. Il a un univers très foutraque, avec des objets et des vêtements de récupération que les comédiens s’échangent selon les personnages qu’ils jouent. Son écriture - et je ne sais pas s’il s’en rend toujours compte - présente un humour très corrosif, avec une confrontation de références qui peuvent être de haut niveau et d’autres qui peuvent être tout à fait anodines, télévisuelles, venant d’un peu partout... Dans le festival, Jean-Baptiste Calame va présenter une première étape de ce qui sera sans doute sa prochaine création, Le nu civil.

Et quel est le lien de ce spectacle avec la mémoire ?
Dehasseler : L’événement déclencheur, c’est la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Qu’est-ce qui change, qu’est-ce qui se transforme, comment on se reconstruit après ça ? Ça parle des traces d’un événement passé, de la distance que l’on peut avoir par rapport à un événement et ce qu’on en retient. C’est la mémoire en tant que trace. Cette notion de trace - les traces laissées par le corps - est aussi présente dans Human Brush, la performance de Vincent Glowinski et Jean-François Roversi.

Il y aura aussi des concerts...
Dehasseler : Les concerts sont des sortes de bonus qui sont venus s’accoler à la programmation. Après Human Brush, pour clôturer le festival, on accueillera Lazarine+Ext’int, deux jeunes musiciens qui font de l’électro acoustique. Et on aura aussi Joy, dans une sorte de petite avant-première, puisqu’ils viennent de sortir leur deuxième album et qu’ils seront en novembre au Botanique. À la Balsamine, ce sera leur premier concert à Bruxelles. Mais là, c’est vrai, il n’y a pas vraiment de lien avec la mémoire (rires).


THOMAS ISRAËL : LE CORPS QUI SE SOUVIENT
Comédien devenu plasticien vidéaste qui fait depuis quelques années son retour sur scène, l’artiste bruxellois Thomas Israël est le pivot du festival Nos petites madeleines. Il sera présent à la Balsamine avec une installation vidéo interactive et deux spectacles/performances. Sous-titrée There is no spoon en référence au film Matrix (rappelez-vous : Neo face à un petit garçon au crâne rasé), La casserole identitaire est une vraie casserole dans laquelle le spectateur est invité à plonger la tête. « C’est une œuvre qui n’existe que par sa mémoire », explique Thomas Israël, « puisqu’elle enregistre les visages des gens et les re-mélange en direct avec toutes les autres personnes qui ont fait l’expérience précédemment - plus de 4.000 déjà. Ça parle de cette identité multiple, du fait qu’on est composé des gens qu’on a rencontrés. C’est une de mes œuvres les plus ludiques ». Créée à La Balsamine il y a deux ans, la performance solo Skinstrap utilise le corps comme support de projection (body-mapping) pour proposer une exploration à travers différentes strates de la mémoire. « C’est une plongée intérieure où je vais à la recherche de sensations, d’émotions passées, de fragments d’histoire. C’est une auto-fiction qui se nourrit de poésies écrites à différents stades de mon existence et qui trace un chemin mémoriel un peu surréaliste ». Poussant sa démarche encore plus loin, et cette fois avec une partenaire sur scène, Thomas Israël présentera pour la première fois, à l’occasion du festival, Dualskin : « Dualskin parle du couple mais toujours par la bande, que ce soit à travers l’histoire du couple et de la sexualité en Occident au XXe et au XXIe siècle ou à travers l’histoire personnelle ». Le deux performances bénéficient de la musique de Gauthier Keyaerts, qui englobe l’assistance pour la transporter dans cet univers intime où les frontières se brouillent entre l’intérieur et l’extérieur du corps.

Skinstrap + Dualskin: 13 > 17/10, 20.30
La casserole identitaire - There Is No Spoon: 13 > 17/10, avant, entre et après les spectacles


NOS PETITES MADELEINES • 13 > 25/10, €5 > 15 (Pass: €15/18/27), Théâtre la Balsamine, avenue Félix Marchallaan 1, Schaarbeek/Schaerbeek, 02-735.64.68, www.balsamine.be

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