Expo: Gustav Mesmer, libre dans sa tête

Si Gustav Mesmer n'avait pas connu l'enfermement psychiatrique, se serait-il mis à inventer des machines volantes? Focus sur un artiste outsider à l'imagination débordante dont l'œuvre résonne comme un appel à la liberté.

Enfermé depuis l'âge de 26 ans (1929) dans un hôpital psychiatrique sur base d'un diagnostic expéditif et douteux - "schizophrénie à progression lente", il ne restait à Gustav Mesmer qu'une seule liberté : celle de rêver. Alors il se mit à rêver qu'il pouvait voler. Glanant ça et là le peu de matériel que pouvait lui offrir l'hôpital psychiatrique de Bad Schussenried (sud de l'Allemagne): dos de feuilles usagées, bouts de crayons, Gustav Mesmer se mit à dessiner avec obsession les plans de machines volantes ingénieuses actionnées par la force musculaire: vélos à ailes multiples, harnais avec une hélice, etc.

Une façon comme une autre de se réfugier dans l'imagination pour ne pas sombrer. On sait que Gustav Mesmer vivait très mal son internement. En témoignent les centaines de lettres écrites à ses parents les suppliant de venir le chercher. En vain.

Un vieil adage ne veut-il pas que c'est quand on n'y croit plus que la vie vous tend les bras? Le transfert en 1964 de Mesmer, alors âgé de 61 ans, dans un hospice pour personnes âgées atteintes de maladies mentales à Buttenhausen va changer le cours de son existence.

Considéré toute sa vie comme un inadapté, il est enfin pris au sérieux et valorisé pour son savoir-faire. On lui confie un atelier où il peut mettre à exécution ses plans d'engins volants. Ravivée par l'air de la liberté, son imagination explose, déborde. Mesmer invente, construit, dessine, colorie. Il prend aussi des photos de ses inventions et de la vie dans l'hospice. Petit à petit, c'est une œuvre artistique riche et cohérente qui voit le jour et qui ne va pas tarder à attirer l'attention du monde extérieur.

Artiste outsider
Stephan Hartmaier, qui s'est lié d'amitié avec l'homme qui dévalait les chemins de campagne de son enfance à bord d'un vélo-volant fabriqué à partir de matériaux de récupération, lui dédie une première exposition au début des années 1980, Mesmer a presque 80 ans. D'autres suivent: Vienne, Mannheim, Lausanne, ... La télévision lui consacre même un reportage. À l'écran, on observe un homme radieux, tout simplement heureux de faire connaître ses inventions. La consécration artistique vient en 1992 lorsqu'un de ses vélos-volants est présenté à l'Exposition Universelle de Séville dans le pavillon allemand.

Aujourd'hui, Gustav Mesmer est considéré et exposé comme un artiste emblématique de l'art outsider - l'art créé de manière spontanée par des autodidactes opérant en marge de la société, ce qui leur garantit une certaine authenticité. Son œuvre est visible jusqu'au 11 juin au Musée Arts et Marge, rue Haute.

Sitôt le seuil franchi, vous plongez dans le monde onirique et intemporel d'un savant fou (pas dans le sens pathologique du terme!) dont les engins volants - souvent comparés à ceux de l'artiste belge Panamarenko - vous ramènent au temps où vous aussi vous nourrissiez le rêve, pas si fou, de voler. Et pour ceux dont les lèvres brûlent de demander si les avions de Mesmer ont vraiment décollé. Nous répondrons simplement: Non, mais quelle importance, au fond?

> Gustav Mesmer. > 11/06, Art et Marges Musée, Bruxelles