Sébastien Van Malleghem: le Nord mystique

La série North Road du photographe Sébastien Van Malleghem est le résultat d'une quête intérieure menée le long des routes montagneuses de Scandinavie. Un univers en noir et blanc qui célèbre les mythes associés au Nord et à l'errance. Entre rêve et réalité.

"Il y a eu un moment où psychologiquement j'ai eu besoin de partir loin, là où on ne trouve presque plus personne et de me confronter à des grands espaces", raconte Sébastien Van Malleghem dont la série North Road - qui fera l'objet d'une publication en 2017 (Ed. Crymogea) - est exposée en ce moment au Botanique aux côtés de William Klein, légende vivante de la photographie contemporaine. Le photographe bruxellois indépendant âgé de 30 ans, lauréat du prix Lucas Dolega et du Nikon Monography Series Award, s'est forgé une place dans le monde du photoreportage grâce à une approche singulière et empathique caractérisée par des travaux au long court en grande partie autofinancés.

Avec une esthétique faite de noirs et blancs contrastés, Van Malleghem confronte le spectateur à des réalités crues et souvent tragiques - la guerre en Lybie, la police, les toxicomanes, la prison, la mort - tout en le transportant vers des sphères qui transcendent les codes classiques du reportage, traduisant davantage un univers mental, presque poétique, et des obsessions personnelles.

North Road, qui se situe – c'est le cas de le dire - à des milliers de kilomètres des thèmes noirs auxquels Sébastien Van Malleghem nous a habitués, a vu le jour en août 2012 à la suite d'une résidence d'artistes effectuée sur l'île norvégienne d'Halsnøy. "Je me suis retrouvé sur une petite île où il n'y avait pas grand-chose à faire d'autre que de la photo 'pure'. Mis à part des pêcheurs et un petit commerce local, il n'y avait rien. J'ai vraiment pris mon pied. Même si mes photos n'étaient pas bonnes parce que je sortais complètement de mon champ de travail".

De 2012 à 2016, à l'occasion de plusieurs voyages, la Scandinavie devient pour le photographe à la fois un refuge lointain lui permettant d'échapper aux réalités violentes de son métier et un lieu d'errance où, libéré des codes stricts du photoreportage, il peut exprimer ses émotions sans retenue, se laisser aller à des formes de représentation plus personnelles, de l'ordre de l'intime. "Je suis quelqu'un de très sensible et le Nord m'a permis de trouver un certain équilibre, une sérénité. Si j'étais à fond dans le photoreportage tout le temps, je deviendrais fou."

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North Road rejoint la dimension mystique que la peinture et la littérature attribuent au Nord: davantage un lieu fantasmé et imaginaire qu'une zone géographique délimitable sur une carte. "Dans le Nord, tout est extrême. La pluie qui tombe est forte, la nature se déchaîne. Les montagnes sont immenses et les distances énormes."

À la fois lieu de danger et de liberté, le Nord force par ses extrêmes à la quête intérieure. L'homme est tout petit face à l'immensité des montagnes noires tatouées par la neige. Au bord d'un lac, trois silhouettes avancent en titubant vers un réservoir d'eau infini. Nul n'est à l'abri de la folie lorsqu'il s'aventure dans le Nord. Cette femme au profil gracieux qui expulse délicatement dans la nuit noire la fumée blanche de sa cigarette, est-elle bien réelle, ou est-elle sortie de l'imagination du voyageur solitaire ? À la tombée du jour, une bande d'adolescents font la pose, l'un d'entre eux s'est complètement déshabillé. Derrière eux une immense croix de Jésus fluorescente semble annoncer une mort prochaine.

North Road, c'est aussi une ode à l'errance, à la "route" telle que la fantasmaient les auteurs de la beat generation comme Jack Kerouac. La route génératrice de spiritualité opposée à la ville et tout ce qu'elle représente de matériel. Tous les symboles y sont: le vieux cabriolet des années soixante, les masques vaudous et les totems, les clopes, beaucoup de clopes. "Cette série peut être vue comme un film : tu montes dans une bagnole et puis tu découvres tout un univers. Ce monde, je l'avais déjà dans la tête mais c'est dans le réel que je suis allé le chercher."

> North road. 15/12 > 15/01, Botanique, Saint-Josse-ten-Noode