Berberian Sound Studio : écouter un film

Niels Ruëll
© Agenda Magazine
03/04/2013
“Je suis allé écouter un film”, voici une expression rarement utilisée. Peter Strickland partage la vision d’un David Lynch selon laquelle l’élément sonore d’un film serait tout aussi important que l’élément visuel. Il nous en fait la démonstration dans l’exceptionnel Berberian Sound Studio.

Quiconque n’a pas peur de vivre une aventure cinématographique ne doit rater sous aucun prétexte Berberian Sound Studio. Toby Jones y joue le rôle de sa vie : Celui d’un britannique angoissé qui perd son sens de la réalité en allant travailler dans un studio italien sur la bande son d’un film d’horreur réalisé par un metteur en scène tout simplement abominable. Berberian Sound Studio est à l’affiche à Flagey. Son metteur en scène Peter Strickland y présenta le film à l’occasion du dernier festival Offscreen.

J’ose espérer que vous ne vous êtes pas inspiré pour le modèle de ce metteur en scène dément des grands maîtres italiens du film d’horreur tels que Dario Argento, Lucio Fulci ou Mario Bava ?
Peter Strickland : Pas du tout ! Santini n’est pas un vrai metteur en scène mais plutôt un riche playboy qui préfère assister à un défilé de mode plutôt qu’être sur un plateau de tournage.

Santini en revanche soutient que l’horreur ordinaire de ses films traite de la condition humaine.
Strickland : Précisément ! (riant). Je n’en reviens pas du nombre de metteurs en scène qui osent dire des choses pareilles. Je ne veux pas donner de noms mais vous en connaissez aussi sûrement: ces metteurs en scène qui justifient la présence d’une violence extrême dans des films mainstream sous prétexte qu’ils voudraient donner à voir combien cela colle à la réalité. Les croyez-vous ? Et en outre, que cela corresponde ou non la réalité, ce qu’ils recherchent au fond, c’est le sensationnel. Berberian Sound Studio montre que l’on ne peut montrer la violence sans que cela ne vire au sensationnel. Même quand l’on est quelqu’un d’aussi sérieux et supérieur comme Michael Haneke. Un metteur en scène n’a jamais le contrôle entier de ses prises de vue. Le public utilise nos images, consomme la violence. Le négliger, c’est méconnaître la puissance des images. Je ne plaide certainement pas pour leur interdiction mais bien au contraire pour une reconnaissance de leur force, de leur puissance.
A quel âge avez-vous découvert que le son avait un grand impact sur notre expérience d’un film ?
Strickland : A mes seize ans. Avant cela, certains effets sonores m’avaient déjà interpellé: ceux utilisés pour les navettes spatiales, les explosions etc...Mais cela restait du son illustratif. Eraserhead me révéla que le son pouvait être beaucoup plus que cela: un moyen d’expression par lequel vous pouvez déterminer l’atmosphère d’une scène, et convoquer un monde en soi. Je commençais à m’intéresser à tous ces sons que les gens négligent la plupart du temps: les radiateurs, l’air conditionné, le trafic. Du son que l’on ne remarque que quand il n’y a plus rien.

Le sol du studio de son de Berberian Sound Studio se retrouve jonché de melons écrasés, de tomates estropiées et de laitues torturées. Est-ce que l’on procède encore de façon aussi artisanale de nos jours ?
Strickland : Même à l’ère digitale, cela se produit encore ! Drôle, non ? On peut trouver par ordinateur tous les bruits possibles et imaginables mais la main de l’homme reste nécessaire pour conférer rapidement au son le rythme qui convient à l’image. Nous avons tout réalisé en live, à l’exception de quelques bruits vraiment grotesques. Un désavantage des archives de sons digitales, c’est que l’on ne fait plus que rarement des expérimentations sonores. Même si en cherchant tel ou tel son souhaité, on fait souvent par hasard les découvertes les plus dingues.

Berberian Sound Studio ●●●
UK, 2012, dir.: Peter Strickland, act.: Toby Jones, Antonio Mancino, 92 min.

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