BIFFF - L'invité d’honneur: Terry Gilliam

(Terry Gilliam sur le tournage de The Wholly Family)

Le trentième anniversaire du Bifff attirera pas mal de beau monde à Tour & Taxis. Trois personnalités seront élevées au rang de Chevalier de l’Ordre du Corbeau : William Friedkin (L’Exorciste), Barbara Steele (La maschera del demonio) et Terry Gilliam. Agenda a discuté avec l’homme qui, après les Monty Python, a signé des films aussi marquants que Brazil, L’Armée des douze singes et Las Vegas Parano.

Terry Gilliam n’arrive pas au Bifff les mains vides. Lors de la soirée d’ouverture sera projeté The Wholly Family, qui lui a permis de décrocher l’année dernière le Prix du meilleur court métrage européen. Bien. Mais cela aurait été encore mieux si Gilliam avait pu présenter un nouveau long métrage. « Tout était prêt pour lancer Don Quichot avec Ewan McGregor et Robert Duvall. Mais le financement s’est effondré. Horrible. Je me sentais comme un athlète fin prêt à qui on annonce que les Jeux Olympiques sont annulés. Et que doit-on faire avec toute cette énergie qui ne peut pas sortir ? En général, ça prend la forme d’une grosse dépression. On dit que j’ai abandonné l’industrie du cinéma, mais ce n’est pas vrai : c’est l’industrie du cinéma qui m’a abandonné (rires).

Quel a été le moment le plus sombre de votre carrière ?
Terry Gilliam : Mon cauchemar, c’est que ma carrière ne semble pas démarrer. Là, je suis en train de parler de mon travail avec vous et ça flatte mon ego, mais je devrais être en train de faire des films. Le moment le plus sombre a sans aucun doute été le décès soudain de Heath Ledger pendant le tournage de The Imaginarium of Doctor Parnassus. C’était non seulement mon acteur principal qui mourait, mais aussi mon meilleur ami. Je ne veux plus jamais vivre ça. Le fait que trois grandes stars (Johnny Depp, Jude Law et Colin Farrell, NDLR) l’aient remplacé pour que le film puisse être bouclé prouve à quel point Heath était estimé. Nul doute qu’il était le meilleur acteur de sa génération. En plus d’être charmant, intelligent et particulièrement talentueux, il était aussi très viril. Un vrai mâle ! Il y a peu de jeunes acteurs dont on peut dire cela.
Quelle place les Monty Python prennent encore dans votre vie aujourd’hui ?
Gilliam : On n’aura plus jamais plus de projet ensemble, mais on se voit encore régulièrement, la plupart du temps pour des petits dîners. On arrive rarement à y être tous les cinq. Le plus souvent, nous sommes quatre et nous cassons du sucre sur le dos du cinquième. On essaie de se charrier aussi en public. On trouve ça chouette, mais ça provoque pas mal de réactions. Comme si c’était un crime d’injurier quelqu’un... On continue de recycler le matériau des Monty Python : ça rapporte de jolies sommes (rires). Pas assez pour être vraiment riche, mais suffisamment pour rembourser un prêt hypothécaire et refuser les projets dont nous ne voulons pas. Il n’y a que pour John Cleese que ça ne suffit pas : il a tellement à payer en pension alimentaire (rires).
Il paraît qu’il a un jour été question que ça soit vous qui portiez Harry Potter à l’écran.
Gilliam : J.K. Rowling voulait que ce soit moi. Elle avait pourtant vu les Monty Python et Bandits, bandits (rires). En fait, elle avait raison. Lorsque j’ai lu le script, j’ai pensé : je tournerai ça les yeux fermés. J’étais parfait pour cela, mais ça rendait les studios nerveux.
Avec quels films avez-vous grandi ?
Gilliam : Comme tous les petits Américains, j’ai surtout vu les comédies avec Jerry Lewis et Dean Martin. Mes yeux se sont ouverts lorsque j’ai été confronté aux Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick. « Ah bon ? Le cinéma peut aussi parler de choses importantes ? » Lorsque j’ai vu les films d’Ingmar Bergman, ça a été une révélation. Bref, j’ai grandi avec le vrai cinéma. C’est pour cela que je suis si furieux quand je vois le nombre de films médiocres que l’on fait aujourd’hui.

The Wholly Family + The Raven (opening ceremony)
5/4 • 20.00, €12/13
Thurn/Tour & Taxis Havenlaan 86C avenue du Port,
www.bifff.net