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| 'On peut planifier, mais il faut toujours s’adapter. Comme le dit le proverbe yiddish : l’homme planifie et Dieu rigole', dit Effi Weiss.

Interview

Cabin Fever: Effi et Amir

Gilles Bechet
© BRUZZ
28/04/2021

Le couple d'artistes et cinéastes Effi et Amir (Sous la douche, le ciel, Chance) ont traversé cette période de confinement avec un réflexe d'adaptation permanente. Avec les films qu'ils ont redécouverts, ils ont aussi adapté leur regard, créant une empathie nouvelle avec tous ceux qui subissent un enfermement.

"Depuis un an, on a l'espoir que les mesures sanitaires vont changer pour le mieux. On peut planifier, mais il faut toujours s'adapter. Comme le dit le proverbe yiddish : l'homme planifie et Dieu rigole", glisse Effi Weiss. Installée depuis 2005 à Bruxelles, avec son compagnon Amir Borenstein, elle a pris l'habitude de mener plusieurs projets en même temps.

Au cours de l'année qui vient de s'écouler, le couple d'artistes et cinéastes israéliens a développé un projet participatif dans le cadre de l'exposition BXL UNIVERSEL II : multipli.city à la Centrale et puis Places of Articulation, un projet qui mêle installation, film documentaire et performance, montré dans le cadre de l'exposition collective Regenerate au Wiels.

"C'est un projet démarré en 2017 qui s'intéresse aux liens entre la langue et l'identité autour de la pratique du shibboleth. Ce mot hébreu qui apparaît déjà dans la Bible est une manière de déterminer l'appartenance d'une personne à un groupe ethnique ou culturel à partir de la langue", explique Effi. "On s'est intéressé aux manifestations contemporaines de cette pratique et au besoin humain d'établir un système pour définir, catégoriser et exclure par la création de frontières. On a aussi cherché les zones grises où la réalité échappe et s'émancipe de ces contraintes", précise Amir.

L'intérieur et l'extérieur
Pendant les périodes de confinement imposées par la pandémie, Effi et Amir ont beaucoup regardé des films, mais c'était une plongée en apnée dans des films plus anciens à l'écart de ce qui apparaissait ou de ce qui faisait le buzz sur les plateformes de streaming. Le premier film qui les a marqués est Diary, un documentaire réalisé par David Perlov en 1983. Dans ce journal filmé, le cinéaste israélien, bloqué chez lui, a planté sa caméra devant la fenêtre de son appartement à Tel Aviv.

"C'était surprenant de voir la pertinence de cette œuvre par rapport à notre situation actuelle. En regardant le monde, il essaie de connecter l'intérieur et l'extérieur. C'est un autre type de regard. On passe de la vision à l'observation", ajoute Effi.

Dans 'Diary', le cinéaste israélien David Perlov, bloqué chez lui, a planté sa caméra devant la fenêtre de son appartement à Tel Aviv

Comme une thérapie
Autre film à les avoir marqués, c'est Ghost Hunting de Raed Andoni. Le cinéaste palestinien a rassemblé d'anciens prisonniers du centre de détention Al-Moscobiya à Jérusalem où lui-même a été enfermé à l'âge de 18 ans. Dans un hangar, on les voit construire un décor qui transpose leur lieu d'enfermement. À mesure qu'ils reconstruisent les parois de leurs cellules ou du centre d'interrogatoire, la mémoire de ce qu'ils y ont vécu leur revient.

"C'est encore une situation d'enfermement. Il a fait ce film comme une thérapie pour lui-même pour arriver à maîtriser sa mémoire et ne pas être dominé par cette expérience douloureuse", note Effi. "Dans une même scène, on passe des souvenirs à la reconstitution. Il y a plusieurs couches de réalité qui se chevauchent et on y croit. C'est un film très très fort et assez dur à regarder", confie Amir.

1751 100 enfants qui attendent un train

100 Enfants qui attendent un train

100 enfants qui attendent un train est encore un documentaire, que Ignacio Agüero a tourné au Chili dans un quartier de Santiago. Il y suit un groupe d'enfants qui participent à un atelier cinéma. "Ce qui est intéressant, c'est le sous-texte politique qui n'est jamais explicite mais qui se manifeste parfois au détour d'une conversation. On voit aussi la puissance de l'éducation et du savoir, et comment ça affecte les enfants qui peuvent à leur tour le transmettre à leurs parents", reprend Effi.

La performance est en principe un art qui se vit en direct. Le regarder en streaming pose la question des choix qu’on fait quand on filme et en tant que spectateur

Effi et Amir

Effi et Amir ont surmonté leur réticence au streaming pour Bâtard, le festival de performance en ligne. "La performance est en principe un art qui se vit en direct. Le regarder en streaming pose la question des choix qu'on fait quand on filme et en tant que spectateur." Lands of Concert de Jija Sohn, Andrea Zavala Folache, Lucy Wilke et Oneka Von Schrader les a particulièrement touchés. "Ce n'était pas quelque chose que je m'attendais à aimer. Ça parle des limites et des besoins corporels. C'était radicalement intime sans être embarrassant ou intrusif."

BXL UNIVERSEL II : MULTIPLI.CITY
> 12/9, La Centrale, www.centrale.brussels
REGENERATE
1/5 > 15/8, Wiels, www.wiels.org

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