Catherine Corsini : le délit de fuite sous la loupe

Niels Ruëll
© Agenda Magazine
05/12/2012
Mariées mais pas trop, Les Ambitieux, Partir : Catherine Corsini est tout doucement devenue une valeur sûre du cinéma français. Cannes a intégré Trois Mondes dans sa sélection officielle. « Depuis Partir, je sais qu’on peut faire des drames assez noirs avec des fins sinistres et dures sans lâcher le public ».

À la veille de son mariage et de la reprise de la florissante concession automobile de son beau-père, Al renverse un ouvrier du bâtiment et commet un délit de fuite. Juliette, étudiante fiancée, a tout vu et ne peut pas oublier cet incident. Elle recherche la veuve moldave de la victime, Vera, et négocie avec le coupable. Vera n’est pas une sainte, Al n’est pas un monstre. On ne peut pas remonter le temps. Avec l’aide de trois acteurs excellents, Raphaël Personnaz, Clothilde Hesme et Arta Dobroshi, la réalisatrice Catherine Corsini signe un drame tendu qui respecte la complexité 
de la vie.

Quels sont ces Trois Mondes qui s’entrechoquent ?
Catherine Corsini :
Le monde de Juliette est le monde des mots et de la pensée. Elle est à l’aise avec les institutions. Le monde de Al est celui de l’ascension sociale et de l’entreprise. Et puis il y a le monde de Vera : le monde de la mondialisation, des sans-papiers, des gens qui travaillent mais qui n’ont pas de droits, de ceux qui ont du mal à exister et à se faire reconnaître. Ce sont presque des archétypes : la jeune fille bobo, le jeune homme arriviste et la Moldave sans papiers. Le défi était d’en faire des êtres en chair et en os. C’est possible par exemple en montrant les bons et les mauvais côtés, subtils, des personnages. On compatit totalement avec Vera. Jusqu’à ce que soudain, elle commence à exiger plus d’argent. Il n’y a pas d’attendrissement. Elle aussi peut être dure et impitoyable. Ils sont tous prisonniers de leurs émotions. Personne n’est complètement blanc ou noir.

Dans une scène forte, Vera s’emporte contre le médecin qui lui demande s’il peut utiliser les organes de son compagnon décédé.
Corsini :
« Quel est le prix d’un homme ? », demande-t-elle. Son mari travaillait dans des conditions difficiles pour un salaire dérisoire. Il n’a jamais reçu beaucoup et maintenant, on voudrait aussi avoir son corps. On lui prend tout et elle devrait en plus être généreuse. « Chez nous, un œil vaut 5.000 euros », dit-elle. C’est à la fois kakfaïen et un cri de détresse poignant.



Pourquoi en faites-vous un thriller ?
Corsini :
Je voulais vraiment faire un film noir et urbain, un peu dans la ligne des films américains qui m’ont impressionnée quand j’étais jeune. Je pense entre autres aux films de Sidney Lumet. Les héros ont des problèmes moraux très forts, qui sont source de conflits dans leur vie. Le sujet de Trois Mondes est ambitieux, avec ces trois points de vue et ces trois mondes qui s’enchevêtrent. Mais je ne veux pas de film qui ennuie. Je ne veux pas que le spectateur se désespère. Je veux des personnages actifs et vibrants qui prennent des décisions. Je crois dans la possibilité d’un cinéma ouvert, large et populaire. Depuis Partir, je sais qu’on peut faire des drames assez noirs et des fins sinistres et dures sans lâcher le public.

Pourquoi aborder le délit de fuite ?
Corsini : Interrogez votre cercle d’amis : beaucoup de gens se sont déjà faits renverser par une voiture ou ont été témoins d’un délit de fuite. À 13 ans, j’ai été fauchée par une voiture en traversant et la voiture est partie. Je me trouvais dans le camion des pompiers sans savoir ce qui m’était arrivé. Cette question a continué à me hanter : qu’est-ce qui se passe dans la tête du conducteur et des passagers ? Comment peuvent-ils partir 
comme ça ?

Trois Mondes ●●
FR, 2012, dir.: Catherine Corsini, act.: Raphaël 
Personnaz, Clotilde Hesme, Arta Dobroshi, 101 min.

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