Cinéma Méditerranéen : du soleil dans les salles

Luc Joris
© Agenda Magazine
04/12/2013
Vous rêvez de Méditerranée ? Ou du soleil brûlant du Maroc ? Vous voulez en savoir plus sur le quotidien des femmes musulmanes dans les Balkans ? Alors on vous conseille de prendre vos quartiers au Festival Cinéma Méditerranéen, où la réalité sociale, politique et culturelle des pays méditerranéens sera centrale.

Avant, le festival était organisé tous les deux ans mais désormais, l’événement figurera annuellement au calendrier. Ce n’est pas une mauvaise décision vu que des pays comme l’Égypte ou la Tunisie sont à nouveau sous les feux de l’actualité politique suite au Printemps arabe. La locomotive du festival est la compétition de films de fiction, mais l’événement propose aussi des documentaires et des courts métrages et réserve une large place à des expositions, des débats et des concerts. Et vu que la Belgique fêtera l’année prochaine les 50 ans des accords d’immigration avec le Maroc et la Turquie, le festival prend les devants. Cela se traduira par une table ronde autour du thème « Cinéastes et comédiens issus de l’immigration : de l’ombre à la lumière ? », avec Mourad Boucif, Brahim Chkiri, Kadija Leclere, Ismaïl Saidi et Mourade Zeguendi. Nous avons rencontré à ce sujet Mourad Boucif, déjà connu pour Au-delà de Gibraltar et le documentaire La couleur du Sacrifice et qui vient de terminer le tournage de son nouveau film au Maroc, et Kadija Leclere, qui a tourné cette année son premier long métrage, Le sac de farine.
(La couleur du Sacrifice)

« La moitié des Flamands n’aime pas les immigrés » titrait récemment le journal De Morgen. Choquant ?
Kadija Leclere : Le racisme est en augmentation partout. Personne n’aime personne. Est-ce dû à la crise ? L’immigré est toujours pointé du doigt. Mais nous sommes tous des immigrés, nous venons tous de quelque part. Regardez l’histoire. Ça dépend juste de où l’on s’arrête dans le temps.
Mourad Boucif : La moitié des Flamands ? Ça me semble exagéré. Que l’on veuille une société mixte ou non, on ne peut plus y échapper. Je ne crois pas au choc des cultures. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’importantes questions qui se cachent derrière le résultat de cette enquête. Aller à la rencontre de l’autre, c’est comme un labo. Nous, les artistes, nous avons notre responsabilité là-dedans.

Dans les années 80, on a vu surgir en France le « cinéma des beurs », de jeunes cinéastes de la deuxième ou troisième génération d’immigrés. Ils trouvaient difficile de s’établir comme artiste à part entière. Vous partagez ce sentiment ?
Leclere : C’est difficile pour tous les artistes. Un asiatique dira exactement la même chose. À partir du moment où l’on vit en exil quelque part, c’est difficile. Mais la Belgique en général est plutôt généreuse. La ministre francophone de la Culture est d’origine marocaine, notre Premier ministre est d’origine italienne. C’est aussi important de le souligner.
Boucif : Les schémas n’ont pas changé. Il y a une forme d’évolution et certaines choses ont été acquises. Mais le monde du cinéma reste un des clans où il est difficile d’entrer. Certainement si on n’a pas le capital. Conséquence : on est marginalisé. En tant que réalisateur, on se facilite les choses si on veut embrasser les clichés. Si pas, il faut être prêt à commencer une croisade. Ce n’est pas pour rien qu’il m’a fallu huit ans pour financer mon nouveau film.
(Le sac de farine)

Est-ce plus facile aujourd’hui qu’avant pour un jeune réalisateur d’origine étrangère de faire un film ?
Leclere : Il y a en tout cas plus d’exemples, même s’il y a toujours une méconnaissance. Les immigrés avec des ambitions artistiques cherchent peut-être plus vite des conseils et du soutien parce que « l’autre côté » est plus fermé. Mais ça n’a rien à voir avec le racisme. Dès qu’on parle d’immigration, la discussion prend rapidement de grandes proportions. Les gens cherchent ce qui les relie. Quand on vient d’un milieu moins aisé, ce qui est souvent le cas pour les immigrés, on n’a pas non pas non plus le temps de penser à la culture. La première préoccupation, c’est survivre.
Boucif : On ne peut pas dire que le monde du cinéma se soit fortement démocratisé. C’est devenu plus accessible grâce aux nouvelles technologies. En Afrique du Nord, je vois des jeunes faire des films avec des micros et des caméras bon marché. On y trouve parfois des petites perles que l’on peut découvrir dans les festivals. Mais les mécanismes de financement et la distribution des films restent un problème. Il y a toujours des barrières culturelles et économiques « invisibles ». La communauté musulmane est très importante en Europe, il s’agit de 16 millions de personnes. Mais est-ce que cette communauté est représentée sur les petits et les grands écrans ? La différence culturelle est un fait mais les mécanismes institutionnels n’en ont pas encore intégré la véritable dimension.
Les attentats du 11 septembre ont fait monter l’islamophobie. Le Printemps arabe continue de secouer. Aujourd’hui, de nombreuses nouvelles plateformes de production de films sont créées au Moyen-Orient. Vous êtes optimistes ?
Leclere : C’est normal que les gens aient peur qu’on leur prenne leur culture. Mais en tant qu’immigré on s’enferme toujours dans sa propre tradition parce qu’on a besoin de se raccrocher à des gens qui partagent les mêmes valeurs culturelles ou la même religion. Et le fait que l’extrémisme relève aussi la tête dans le cadre du Printemps arabe fait du tort à tous les étrangers. On dit toujours qu’on ne nous entend pas. C’est la raison pour laquelle j’ai accepté de parrainer l’événement 50 ans d’immigration. Au début, j’hésitais, mais dans les médias, on entend souvent la voix des extrémistes et pas celle des plus modérés. Ce qui nous divise, ce sont les problèmes économiques. Il faut construire des ponts et trouver des solutions de manière à ce que tout le monde puisse vivre en harmonie, en respectant l’autre.
Boucif : Je suis optimiste mais il y a encore tout un chemin à parcourir. Le Printemps arabe n’est qu’une étape. Tout le monde avait espéré que ça irait beaucoup plus vite. Certains pays viennent de loin, certainement sur le plan de la liberté d’opinion et de la presse. L’Europe réagit aussi souvent hypocritement. Ce sont toujours les intérêts économiques qui priment. Et pourtant, c’est politiquement que ça doit se passer. En investissant plus et mieux dans l’enseignement et en donnant des moyens aux artistes. C’est seulement alors qu’on peut créer et viser un monde plus juste.


PERLES DE MÉDITERRANÉE
Le programme du festival propose à peu près 70 films issus des 20 pays baignés par la Méditerranée. Voici quelques conseils pour celui qui ne sait pas choisir.
(Gare du Nord)

Dans la section Panorama, on a repéré Die Welt. Dans ce premier film poético-réaliste, Alex Pitstra, habitant actuellement à Groningen, creuse ses propres racines tunisiennes à travers un remarquable portrait paternel. Le film donne aussi une belle image de la vie en Tunisie après la Révolution du jasmin. Parmi les films en compétition, on vous recommande Gare du Nord. Claire Simon, célèbre réalisatrice de documentaires, y dresse un portrait, flottant entre fiction et réalité, de la mythique gare parisienne. Le rôle principal a été confié à la toujours bluffante Nicole Garcia.
Jews of Egypt est une des valeurs sûres de la section documentaire. Dans ce document historique, le réalisateur Amir Ramsis zoome sur un sujet très sensible : la diaspora juive en Égypte. Et ceux qui veulent découvrir les talents émergents à Bruxelles iront voir la Carte blanche offerte au festival System D, avec un programme qui compile huit courts métrages où des jeunes jettent un regard sur la ville qu’ils traversent quotidiennement. Pour reprendre un titre d’un des films projetés : Caméra Quartier.


FESTIVAL CINÉMA MÉDITERRANÉEN • 5 > 12/12, Botanique, Koningsstraat 236 rue Royale, Sint-Joost-ten-Node/Saint-Josse-ten-Noode, 02-800.80.04, www.cinemamed.be

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