Je suis supporter du Standard

Gilles Bechet
© Agenda Magazine
05/06/2013
Pour son premier film, Je suis supporter du Standard, le comédien Riton Liebman se met en scène dans une comédie sur un quadra qui refuse de grandir, obsédé par l’équipe du Standard. Un prétexte à parler de l’addiction et à filmer Bruxelles comme on la voit peu au cinéma.

Milou a 40 ans. Pour reconquérir Martine, il décide se désintoxiquer de sa passion immodérée pour les Rouches. Acteur dans des seconds rôles pour le cinéma français, dont le récent Polisse, et auteur de seuls en scène pour le théâtre, Riton Liebman signe ici un premier film plein d’énergie et de nonchalance. De la cité du Logis au pont Van Praet, en passant par la place Flagey, c’est aussi un regard amoureux sur Bruxelles, filmée de haut en bas.

Vous avez mis beaucoup de vous dans le personnage de Milou, comment avez-vous fait la part des choses entre fiction et confession ?
Riton Liebman : Avec Gabor Rassov, le co-scénariste du film, le travail a été de me dépasser pour faire une comédie marrante sur l’addiction. Il y a beaucoup de moi, c’est sûr, mais je n’ai jamais sniffé des Panini dans les chiottes d’un café et je n’ai jamais bousculé d’enfants dans une librairie pour avoir mes magazines de foot. Et on a choisi le football pour être dans le ludique parce qu’on sait bien que ce n’est pas vrai. Personne ne va vraiment dans un centre de désintox, ne quitte sa femme, ni ne meurt pour du football, c’est juste une manière de parler de choses un petit peu plus graves en rigolant.

Vous vous dévoilez aussi dans votre rapport à la famille. Était-ce nécessaire pour rendre le personnage intéressant ou nécessaire pour vous ?
Liebman : C’est vrai qu’il y a beaucoup de moi, de mon rapport avec ma mère, avec mes oncles et ma famille juive. Mais le film est assez pudique et léger. Je reste dans la suggestion. Si j’ai des choses intimes à dire, je le ferai dans le bureau d’un psychothérapeute et pas dans un film. Quand je fais un film, c’est pour rigoler, pour être gentil avec les gens. Je ne règle pas du tout mes comptes. Par contre, je me ridiculise un petit peu pour rigoler. Quand je joue de la confusion entre l’ongle incarné qui me fait souffrir et l’oncle, dont je porte le nom, qui est mort à Auschwitz, c’est grave mais je mets la dérision en avant.

Le regard sur les personnages n’est jamais mordant.
Liebman : C’est un film belge. Le premier con de l’histoire, c’est moi. Les autres sont plutôt sympas. Je ne suis pas dans une comédie française où je prends un imbécile pour me foutre de sa gueule. D’ailleurs, je ne me permettrais jamais de me foutre de la gueule des gens dans un film. Je dirais même que ça ne se fait pas. Ce n’est pas poli.
Ça change aussi de voir un fan de foot issu d’un milieu bourgeois et pas prolétaire.
Liebman : Il n’y a pas que dans les quartiers ouvriers que les mecs sont supporters de foot. C’est comme la dépendance, elle touche tous les milieux. Je ne suis pas fils d’ouvrier et je suis supporter de foot. C’est ça qui est marrant. Je pense que la dépendance, tomber amoureux, souffrir, avoir de sentiments, rêver, être nostalgique, ça touche tout le monde.

Votre vision du monde du foot est assez bienveillante.
Liebman : Pour être honnête, je ne m’en occupe pas. Je m’intéresse aux supporters quand ils vont au stade, au café et quand ils en ressortent. Mais c’est la vie de Milou, ce n’est pas la vie d’un autre supporter. Ce qui est intéressant dans la vie, c’est qu’on est tous uniques. Tu peux parler avec n’importe qui et tu découvres très vite qu’il a une vie extraordinaire, des parents qui ont immigré, une mère qui s’est barrée, un père qui a changé de vie. On est tous marqués par notre destin, mais, quand on arrive au café, on ne peut pas dire : « Tiens, salut, ma mère s’est barrée quand j’avais 4 ans ». Par contre, on peut dire : « Putain, je suis dégoûté, Standard a perdu 4-2 à Lokeren ».

Un des enjeux du film, c’était l’envie de filmer Bruxelles ?
Liebman : Certainement. Je suis né ici et j’y ai passé mon enfance. Même si j’habite aujourd’hui à Paris, je reste Bruxellois. Filmer Bruxelles, c’est pour moi un retour aux rues de mon enfance et de mon adolescence. La manière de rendre une ville au cinéma est très importante. Luc Besson ne filme pas une ville comme Guédiguian ou comme Scorsese. Je voulais vraiment filmer ce mélange de quartiers populaires et de quartiers plus huppés. Ici, les gens sont sympas sans en faire des caisses. J’ai l’impression qu’on a filmé partout. Je suis très content du résultat. Le film n’aurait pas pu se passer ailleurs. En France, un producteur m’a demandé pourquoi je ne ferais pas Je suis supporter de l’OM, que je tournerais à Marseille. Ce n’était pas possible. Je ne voyais pas non plus Milou habiter à Liège. C’est vraiment un Bruxellois rebelle qui est supporter du Standard.
La musique est assez présente, quel rôle lui donnez-vous ?
Liebman : Pour moi, la musique, c’est la base de tout. La musique a toujours été l’élément qui me faisait rêver et me donnait envie de créer des choses. Depuis l’âge de 7 ou 8 ans, je passe de longs moments à écouter de la musique sans rien faire d’autre. Je m’enfermais dans ma chambre pour écouter des disques en me balançant sur ma chaise pendant des heures. Avec les gens que j’ai fréquentés pendant mon adolescence bruxelloise, j’ai toujours partagé la musique. J’ai même fait des disques alors que je n’étais pas spécialement bon musicien ou bon chanteur. Pour moi, c’est beaucoup plus facile de faire des films que d’écrire des livres, mais la musique toujours été le truc qui me faisait vibrer. Il était évident qu’elle allait rythmer le film. J’écoutais beaucoup de musique pendant l’écriture du scénario. Un jour, j’ai dû me décider et entrer dans le concret. J’ai contacté les artistes et j’ai eu quelques refus. Je voulais commencer le film par une poursuite en voiture depuis le stade au son du Radar Love de Golden Earring, un vieux morceau de mon enfance qu’on écoutait au café. Je l’ai pas eu. J’ai pris un autre groupe hollandais de l’époque, les Shocking Blue.

Que diriez-vous à un fan d’Anderlecht pour le convaincre d’aller voir le film ?
Liebman : Que ce n’est pas un film de foot, c’est un film de supporter. Tout ça, c’est un jeu. D’ailleurs, j’ai plein de copains qui sont supporters d’Anderlecht. Faut pas déconner. Ce qui est drôle, c’est de s’appeler le lundi quand l’autre a perdu.

Je suis supporter du Standard ●●●
BE, FR, 2013, dir.: Riton Liebman, act.: Riton Liebman, Léa Drucker, Jacky Berroyer, David Murgia, Samir Guesmi, 90 min.

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