FILM La Fievre de Petrov

Tout commence par une vilaine quinte de toux dans un bus bondé à Iekaterinbourg.

Review
Score: 3 op 5

'La fièvre de Petrov' : un rêve délirant à la fois repoussant et intriguant

Niels Ruëll
© BRUZZ
29/03/2022

Kirill Serebrennikov n'avait pas besoin de l'invasion de l'Ukraine pour savoir que la Russie était malade. Le réalisateur russe se défait de ses démons dans La fièvre de Petrov.

Tout commence par une vilaine quinte de toux dans un bus bondé à Iekaterinbourg. Ce qui suit et la fin du film est plus difficile à expliquer. Même après avoir vu La fièvre de Petrov à deux reprises, le film vous échappe aussi vite qu'un rêve au réveil. Compliqué donc de dire où et quand la réalité dystopique se transforme en une fièvre délirante grotesque et absurde. Ou vice versa.

La bonne nouvelle est que cette folie aux relents de vodka et puant la grippe est forte d'un point de vue cinématographique. Une nouvelle éventuellement moins bonne est que, même avec la meilleure volonté du monde, il est difficile de comprendre quelque chose. Repousser pour attirer, c'est une technique connue mais risquée.

Ce délire fiévreux, composé de très longues prises, ne fonctionne pas grâce à l’intrigue mais plutôt grâce à l’étrange ambiance et les zestes d’humour archi noir

Quelques repères auraient été les bienvenus pour ne pas totalement se perdre dans ce délire fiévreux, composé de très longues prises, qui ne fonctionne pas grâce à l'intrigue mais plutôt grâce à l'étrange ambiance et les zestes d'humour archi noir.

L'homme en état grippal dans le bus bondé s'appelle Petrov. Il est mécanicien automobile et dessinateur de bandes dessinées. C'est le dernier jour de l'année. Son ex est une bibliothécaire avec des fantasmes violents. Son fils doit aller à un concert de Nouvel An, et cela le replonge dans une époque où, enfant, il devait se rendre à un concert de Noël. C'était pendant l'ère soviétique. La différence entre le présent du film et le futur proche n'est pas tout à fait claire. La Russie ne veut pas vivre avec son temps.

Critique satirique et poétique
Alexeï Salnikov a décrit ce labyrinthe dans un roman. Le réalisateur Kirill Serebrennikov a incorporé ses propres angoisses dans son adaptation cinématographique. Suite à une interdiction de voyager, il n'a pas pu assister à la présentation du film au Festival de Cannes l'an passé, où il avait déjà fait parler de lui avec Leto, un film en noir et blanc poétique et nostalgique sur la scène musicale underground à Leningrad au début des années 1980.

1793 Petrovs flu

Le film vous échappe aussi vite qu’un rêve au réveil.

Après des propos critiques et un soutien visible à la communauté lgbtq+, il est accusé de détournement de fonds publics et assigné à résidence. Mais cela ne l'a pas empêché de commencer à travailler sur un nouveau film sur le compositeur Piotr Tchaïkovski.

La fièvre de Petrov peut être interprété comme une critique d'un pays malade, violent et chaotique. Serebrennikov détruit – avec son imagination, pas avec des balles – l'image idéale de Poutine d'une nation puissante et exemplaire. Mais l'objectif visé est avant tout l'expression artistique et la poésie, pas la dissidence politique. Sans l'invasion de l'Ukraine, on n'aurait parlé que de l'épidémie de grippe qui hante l'entièreté du film, même si le tournage date d'avant la pandémie.

Quoi qu'il en soit, regarder ce film est une expérience qui désoriente et laisse un sentiment d'étrangeté difficile à oublier après coup.

LA FIÈVRE DE PETROV
RU, dir.: Kirill Serebrennikov, act.: Semyon Serzin, Chulpan Khamatova

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