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Dans 'La Nuit des Rois', Bakary Koné incarne un jeune détenu désigné comme conteur par le roi de la prison Barbe Noire pour divertir les détenus assoiffés de sang les nuits de lune rouge.

Review
Score: 4 op 5

'La Nuit des Rois' : Shakespeare en Afrique

Niels Ruëll
© BRUZZ
05/10/2021

Avec un immense talent narratif, Philippe Lacôte signe un drame carcéral shakespearien qui tend un miroir à la Côte d'Ivoire déchirée. La Nuit des Rois est un film qui fait peur, vous voilà prévenu.

Il n'y a aucune raison de ne pas appeler La Nuit des Rois un drame carcéral, sauf peut-être le fait que ce superbe film ne ressemble en rien à un drame carcéral. Agréablement vous y perdre est une option, mais quelques points d'attache ne gâcheront certainement pas la narration diverse et colorée. Au contraire.

L'imagination du réalisateur Philippe Lacôte s'emballait à chaque fois que, enfant, il allait visiter sa mère à la Maison d'Arrêt et de Correction d'Abidjan (Maca), détenue pour son engagement politique. Dans cette prison d'État ivoirienne notoire et immense, en bord de forêt, les détenus sont plus ou moins livrés à eux-mêmes. On imagine donc la suite.

Dans son film, Maca se prépare à un rituel particulier. La tradition veut que les nuits de lune rouge, un "Roman" ou conteur est désigné afin de divertir les détenus assoiffés de sang avec ses histoires fortes. S'il n'y parvient pas ou s'il est en manque d'inspiration, il ne survit pas. Le roi de la prison dantesque Barbe Noire (Steve Tientcheu, croisé dans Les Misérables de Ladj Ly), dangôro malade et par conséquent menacé, désigne un gringalet et jeune nouveau venu (Bakary Koné). Ce dernier est un peu dépassé mais après un début chancelant, il parvient à capter l'attention des détenus avec l'histoire poignante, violente et virile de la montée et du déclin du chef de bande récemment assassiné Zama King.

Grâce à l’imagination, plus personne n’est emprisonné, et c’est le début d’une véritable extravagance

Sauvés par l'imagination
Même si parfois, l'histoire n'a ni queue ni tête, le public devient tellement euphorique qu'il commence à mettre en scène l'histoire épique en chantant et en dansant, prenant ainsi progressivement le relais de l'horrible réalité de la prison.

Grâce à l'imagination, plus personne n'est emprisonné, et c'est le début d'une véritable extravagance. Attendez-vous à de la pantomime, à l'acteur culte français Denis Lavant comme personnage farfelu avec un poulet sur l'épaule et même d'une guerre des tribus spectaculaire avec des guerriers disposant de pouvoirs magiques.

Lacôte en fait parfois un peu trop dans le délire énigmatique et utilise parfois trop la carte du mysticisme et des effets spéciaux, dont la valeur ajoutée est discutable. Mais en marge de son film délirant, sauvage et magico-réaliste, unique en son genre, on retrouve toutes sortes de magnifiques images particulières et passionnées.

1770 La nuit des rois

Et bon à savoir, le personnage de Zama King a réellement existé et est en quelque sorte le symbole du cauchemar (guerre civile, enfants-soldats et horrible dictature du président Laurent Gbagbo) de la Côte d'Ivoire du début du XXIe siècle.

Au lever du soleil, La Nuit des Rois s'est transformée en métaphore obscure et critique de ce pays victime de violences cycliques. Le film ravive également un souvenir passionnant d'histoires narrées dans le style des Mille et Une Nuits.

LA NUIT DES ROIS
CI, dir. : Philippe Lacôte, act. : Bakary Koné, Steve Tientcheu, Issaka Sawadogo, Denis Lavant

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