La supportable légèreté de Romain Duris

Niels Ruëll
© Agenda Magazine
28/11/2012
Il voulait peindre, mais il est devenu acteur. Pas n’importe lequel: un des meilleurs de sa génération. Déjà sept fois l’alter ego de Cédric Klapisch, vagabond pour Tony Gatlif, des personnages intenses pour Jacques Audiard et Patrice Chéreau: Romain Duris semble pouvoir tout jouer. Il transforme même les comédies romantiques en succès. Après Vanessa Paradis dans L’Arnacœur, c’est Déborah François qu’il regarde au plus profond des yeux dans Populaire.

Populaire est une comédie romantique française sur un championnat de rapidité à la machine à écrire. Dans une petite ville normande, Louis Echard, assureur, met sur pied un ambitieux programme d’entraînement pour faire de sa secrétaire maladroite Rose Pamphyle une championne du monde de dactylographie. Imaginez un Rocky de la machine à écrire avec une comédie de Billy Wilder comme modèle et par-dessus, une bonne dose de Mad Men : le film se déroule en 1958 et on a pu s’en donner à cœur joie pour les costumes et les décors. Populaire doit faire de Déborah François une star du cinéma français. Romain Duris, lui, l’est déjà. Il doit rameuter le grand public.

On compte sur vous. Sans votre collaboration, le budget n’aurait pas été bouclé. Vous êtes conscient de ce pouvoir ?
Romain Duris :
En ce moment, j’ai effectivement la chance que mes films soient bien reçus. Ça ne veut pas dire que je rameute les foules. Je ne le crois pas. Mais ça veut dire que ma collaboration fait en sorte qu’il y a suffisamment d’argent sur la table. Je me sens honoré que l’on m’attribue une place si importante. Mais je fais tout pour ne pas me laisser influencer par ça. Jouer, ça doit être léger. Il vaut mieux se détacher de tout le business, du pouvoir et des intérêts. Je refuse d’être mis sous pression. Ils peuvent aussi proposer leur projet à quelqu’un d’autre.

Vous êtes bankable. Ça a des conséquences.
Duris :
J’ai la chance d’avoir du travail. Pour de nombreux acteurs, la réalité est différente. Je ne connais pas le revers de la médaille du fait d’être bankable. Peut-être que je suis un peu trop explicitement présent. Je pourrai vous le dire à la fin de l’année. Il y a trois films très attendus qui se suivent. Je comprendrais bien que bientôt, certains en aient marre de me voir. En tant qu’acteur, trop écouter les producteurs et les gens du business est dangereux. Je ne peux pas tenir compte de la taille du budget. Ce que je trouve super important, c’est de pouvoir jouer, pour oser prendre des risques, essayer des choses parfois excellentes et parfois mauvaises. Ça ne se voit peut-être pas dans Populaire. Même si nous nous permettions beaucoup de liberté, les scènes étaient plus ou moins fixées. Mais ensuite, il y aura L’écume des jours de Michel Gondry et je vous assure qu’il n’y avait pas une seule chose établie définitivement. On partait dans toutes les directions. Michel, d’abord, et puis les acteurs.

Est-ce que vous vous êtes plongé dans les années 50 pour Populaire ?
Duris : Avec Régis Roinsard (le réalisateur, NDLR), j’ai regardé beaucoup de coupures de journaux et de magazines de mode. J’étais déjà familier avec la décoration intérieure et le design des années 50. J’aime le travail de gens comme Jean Prouvé ou Charlotte Perriand. Je connaissais déjà aussi les comédies américaines des années 50 - James Stewart, Cary Grant, Billy Wilder, Frank Capra. J’ai regardé des films français - Carné, Chabrol – pour apprendre les codes d’un provincial. Les provinciaux étaient plus réservés que les habitants de la capitale, un peu arrogants, hautains. Cette différence existe encore aujourd’hui. Ce qu’on oublie aussi, c’est à quel point la Seconde Guerre mondiale était encore proche en 1958. Mon personnage a participé activement à la guerre. D’abord, je pensais qu’on avait glissé ça là pour l’émotion. Mais c’était une réalité.

Quelle était l’importance des costumes ?
Duris :
Ils étaient très importants. La créatrice des costumes avait raison de se montrer pointilleuse. Une coupe courte, des jambes larges, de beaux tissus, tout précisément sur mesure. Les détails devaient être justes. Et nous n’avons presque pas ajouté de sauce moderne là-dessus. Même les costumes de Mad Men sont plus modernes que les nôtres.

Votre personnage fait tout pour gagner. Est-ce qu’il y a en vous une bête de compétition ?
Duris :
Enfant, je voulais toujours gagner. C’est sûr. Mais dans mon travail, je n’aime pas la compétition. S’écouter les uns les autres et jouer ensemble, c’est bien plus important. Je comprends qu’il y ait des acteurs un peu plus ambitieux que les autres. Personnellement, je suis modéré. Mais encore une fois, j’ai la chance d’avoir beaucoup de travail. Peut-être que je changerais de discours si je n’apparaissais que dans un seul film.

Vous avez l’impression qu’on vous colle une image ?
Duris :
Oui. C’était déjà le cas après mon premier film, Le Péril jeune. J’ai été pendant dix ans l’adolescent rebelle qui fume des joints. Maintenant, on me voit plutôt comme le séducteur cool dans les comédies. Malgré le fait que je ne sois pas cool.

Alors que ce qui frappe surtout, c’est que vous changez souvent de ton et de registre.
Duris : Je suis content que vous disiez ça. Pourtant ce n’est quand même pas si insensé de ne pas vouloir faire la même chose que l’année précédente ? Je veux faire des choses différentes. Heureusement, je reçois aussi des propositions très diverses. L’année passée, j’ai joué dans une pièce de théâtre de Patrice Chéreau. C’était génial.

Vous faites du cinéma depuis que Cédric Klapisch vous a tiré de l’académie de dessin pour jouer dans Le Péril jeune (1993). Est-ce que votre métier devient plus facile avec l’expérience ?
Duris :
Plus facile, ce n’est pas le terme exact. Mais pendant le tournage de Casse-tête chinois (pas encore sorti, NDLR) de Cédric Klapisch, j’ai remarqué que je profitais de tout ce que j’avais appris au théâtre chez Chéreau. Tout à coup, je me sentais plus à mon aise. Les émotions venaient plus vite et se laissaient plus facilement maîtriser. Je reste nerveux et méfiant, mais jouer de manière légère et spontanée comme dans L’Arnacœur me réussit mieux qu’avant.

Vous voyez-vous un jour réalisateur ?
Duris :
Non. Je peins et je dessine déjà. Alors je préfère poursuivre là-dedans. Je ne suis pas assez patient pour travailler sur un seul film pendant trois ou quatre ans. Je n’ai peut-être pas non plus le culot pour diriger une équipe et devoir trancher continuellement.

Votre vie privée est restée privée. Comment y êtes-vous parvenu ?
Duris :
C’est quoi ça, la popularité ? Être dévisagé dans le métro ? J’ai tout de suite acheté un scooter. Depuis le début, j’étais conscient du danger. À 18 ans, j’ai refusé les apparitions à la télé. On voulait m’envoyer partout. Les gens ne comprenaient pas qu’on choisisse un métier où l’on se met à nu et qu’ensuite on veuille garder le reste pour soi. Mais je voulais me protéger. J’ai grandi sans télévision. À la télé, je vois beaucoup de gens qui ne sont clairement plus dans la vraie vie. Je n’appartiens pas à la famille. Avant, ça m’inquiétais. Maintenant que j’ai plus de recul, je sais que tout ça n’est pas grave. Je fais aussi ce que je dois faire. Dans ce métier, l’image que les gens ont de vous est importante. Mais je ne me plains pas. Ça va. On ne m’emmerde pas trop. On respecte la personne que je suis.

Populaire ●●
FR, 2012, dir.: Régis Roinsard, act.: Déborah François, Romain Duris, 111 min.

Fijn dat je wil reageren. Wie reageert, gaat akkoord met onze huisregels. Hoe reageren via Disqus? Een woordje uitleg.

Read more about: Film

Iets gezien in de stad? Meld het aan onze redactie

Site by wieni