Le cinéma de Chantal Akerman

Luc Joris
© Agenda Magazine
17/09/2015
Chantal Akerman est de retour à Bruxelles avec un nouveau documentaire et un focus sur son travail. Le lien entre l’intimiste No Home Movie et sa filmographie précédente est I Don’t Belong Anywhere, un beau film de Marianne Lambert sur Akerman et son œuvre hors norme.

Avant de se lancer dans la réalisation, la Bruxelloise Marianne Lambert était surtout connue comme régisseuse générale et directrice de production. C’est dans cette fonction qu’elle a fait la connaissance de Chantal Akerman avec qui une complicité s’est créée. Cela aboutit aujourd’hui au documentaire I Don’t Belong Anywhere : le cinéma de Chantal Akerman, cinquième titre de la riche collection Cinéastes d’aujourd’hui de la Cinémathèque de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Qu’est-ce qui vous intrigue tellement dans l’œuvre de Chantal Akerman ?
Marianne Lambert : Je ne sais pas très bien mais il y a quelque chose qui me rapproche d’elle. Sa pensée ne m’est pas étrangère, ce qu’elle est ne m’est pas étranger non plus. Et puis ce qui m’a vraiment intriguée, c’est que tout le monde a l’impression que Chantal Akerman fait des films ennuyeux, des films pour intellectuels. Or quand je la fréquente, quand je suis avec elle, je ne la perçois pas du tout comme ça. J’ai vraiment voulu montrer Chantal comme je la voyais moi. Et j’ai voulu faire comprendre que pour moi, Chantal n’est pas une intellectuelle et que son cinéma n’est pas un cinéma intellectuel. J’ai aussi eu l’occasion de donner des cours à l’Institut des Arts de Diffusion (IAD), et à plusieurs reprises, quand je citais Chantal Akerman, je voyais des espèces de gros points d’interrogation sur la tête des étudiants. Aimer ou ne pas aimer le cinéma de Chantal, c’est une chose, mais ça me paraît un minimum de connaître son travail quand on étudie dans une école de cinéma en Belgique. Je voulais rendre son cinéma plus accessible.

Des cinéastes comme Claire Denis, Todd Haynes ou même Michael Haneke ont déclaré avoir été influencés par son cinéma. Vous avez réussi à interviewer Gus Van Sant sur la manière dont l’approche particulière d’Akerman lui a inspiré Last Days, son film sur Kurt Cobain.
Lambert : Gus Van Sant avait dit aussi qu’il avait été influencé par Jeanne Dielman notamment. Et je trouvais que c’était assez perceptible dans ses films. Chez Gus Van Sant il y a une réflexion sur le temps, sur les plans fixes. Il y a une manière de filmer assez similaire entre les deux cinéastes. Je voulais l’interroger là-dessus. J’ai eu son adresse e-mail par une amie productrice à Toronto, je lui ai écrit et il m’a répondu en une petite phrase : « I would love to do it ». Et nous sommes partis aux États-Unis où il a pris deux heures de son temps pour cette interview.

Un autre moment marquant du documentaire est quand Akerman parle de Jeanne Dielman, son film le plus connu. Elle exprime un certain regret.
Lambert : La question qu’elle se pose c’est : est-ce que vraiment j’ai pris la parole pour ma mère ou contre ma mère. Et est-ce que cette image que je lui renvoyais et qui était l’image d’une femme qui restait chez elle, dans une forme d’enfermement, est-ce que c’était si généreux que ça ? Je ne pense pas qu’elle regrette une seule minute avoir fait ce film-là et de cette manière-là. Cette scène du documentaire a été filmée en Israël, une dizaine de jours après l’enterrement de sa maman. Je pense qu’il y avait évidemment dans cette période de deuil beaucoup d’éléments de sa relation avec sa mère – qui non seulement figure au centre de son œuvre comme elle le dit elle-même mais qui a aussi occupé une grande place dans sa vie – qui remontaient à la surface. Je crois que cette question de savoir si elle fait un portrait négatif dans Jeanne Dielman se posait aussi dans un contexte réel particulier.

I DON’T BELONG ANYWHERE: LE CINÉMA DE CHANTAL AKERMAN
16/9 > 22/11, Flagey, www.flagey.be




AKERMAN HIER ET AUJOURD'HUI
La Cinematek a restauré récemment quelques courts et longs métrages de la première période de Chantal Akerman. Flagey les présente, ainsi que son nouveau documentaire No Home Movie.


Courts métrages (1968-1972)
27/9, 20.00
Les premiers courts métrages expérimentaux d’Akerman – Saute ma ville, La Chambre et Le 15/8 – portent en germes des aspects qui prédomineront plus tard dans son œuvre. Comme le sous-texte féministe, une ambiance claustrophobique et un formalisme radical qui ensorcelle.


Je, tu, il, elle (1974)
17/9 > 23/10
La solitude et l’aliénation existentielle figurent au centre de ce premier long métrage où une fébrile Akerman joue elle-même le rôle principal. La mise en forme radicale est remarquable : il n’y a pas de place pour un gros plan.


Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles (1975)
6 > 30 /11
Ce portrait étouffant en 201 minutes sur trois jours de la vie d’une femme au foyer (Delphine Seyrig) a marqué une étape dans le cinéma d’avant-garde. Même dans le rituel de l’épluchage des pommes de terre Akerman parvient à tirer quelque chose d’insoutenable.


News from Home (1976)
14/10 > 21/11
Un essai autobiographique atypique où Akerman lit hors écran des lettres de sa mère en Belgique, des moments privés qu’elle confronte avec des images de New York. Un poème hypnotique sur les liens familiaux et l’aliénation des grandes villes.


No Home Movie (2015)
25/9 > 21/11
Cet essai vidéo intime est comme un manuel du style provocant et des thèmes d’Akerman comme les racines et la routine ménagère. Mais c’est aussi un hommage, patiemment observé, à sa mère, une Polonaise immigrée à Bruxelles et décédée l’an dernier.

Fijn dat je wil reageren. Wie reageert, gaat akkoord met onze huisregels. Hoe reageren via Disqus? Een woordje uitleg.

Read more about: Film

Iets gezien in de stad? Meld het aan onze redactie

Site by wieni