Michelangelo Antonioni : la tentation du vide

Gilles Bechet
© Agenda Magazine
03/07/2013
(Antonioni sur le set de Zabriskie Point)

En parallèle à l’exposition à Bozar, Cinematek consacre une rétrospective à Michelangelo Antonioni. AGENDA fait un zoom sur Blowup, Zabriskie Point et Professione: reporter, trois films dans lesquels le cinéaste italien délaisse les démons intérieurs de Monica Vitti pour s’ouvrir aux bouleversements du monde.

La Palme d’Or en 1967 était décernée à Blowup, film radical et osé, qui fut couronné tant de succès public que d’une critique unanimement positive. Avec ce film, Antonioni quittait l’Italie pour une trilogie immergée dans des sociétés prêtes à basculer. Il quittait aussi ses portraits de femmes (dont quatre films avec Monica Vitti) pour trois films centrés sur des personnages masculins. Trois films où son imaginaire, sa modernité formelle et narrative se nourrissent des mutations politiques et culturelles de son temps. Première étape, le swinging London.
(Blowup)

L’Italie austère de ses films en noir et blanc s’efface devant une capitale britannique vibrante de couleurs et d’excentricités. La révolution sexuelle, la drogue, la musique pop, l’op art et la mode, tout y est. Plongé dans l’hédonisme insolent des sixties, le photographe de Blowup garde pourtant la distance. Que cherche-t-il en agrandissant toujours plus ce cliché pris à l’improviste dans le désert vert d’un parc londonien ? Sans doute ce qu’il ramasse dans la superbe scène finale où il voit une bande de comédiens enfarinés mimer une partie de tennis, c’est-à-dire faire rebondir le vide. Avec Zabriskie Point, Antonioni s’intéresse à la contre-culture côté révolutionnaire. Direction cette fois Los Angeles et la contestation étudiante qui y fait rage. Là-bas, le cinéaste préfère la révolte intérieure et la fuite vers le vide du désert aux slogans politiques d’une vision un peu romantique de la révolution.
(Zabriskie Point)

Les deux séquences les plus fameuses, la scène d’amour dans le sable et l’explosion finale étirent le temps en jouant sur le ralenti et la musique. Amorcé dans un style presque documentaire, le film s’achève sur une méditation visuelle sur l’inanité de la révolte.

L’homme qui fuit mais qui observe
Après un détour documentaire en Chine (Chung Kuo, la Chine), Antonioni boucle son aperçu de l’état du monde en Afrique dans l’univers trouble des guérillas post-coloniales et du trafic d’armes. David Locke, le reporter personnage central de Professione: Reporter est encore un homme qui fuit. Las de lui-même et de couvrir les ambiguïtés du monde, il usurpe l’identité d’un collègue terrassé par une crise cardiaque. C’est comme si dix ans après, le photographe londonien avait renoncé à courir derrière une réalité qui lui échappait.
(Professione: Reporter)

Récit flottant entre l’Europe et l’Afrique, miroir de l’identité dissolue de son personnage, le film reprend certains codes du film d’aventure pour s’en éloigner et jouer avec l’espace et le temps. Passionné de voyages, Antonioni était curieux des différentes cultures et sociétés, et transposait cet intérêt dans sa fiction. Observateur actif, il sondait en profondeur et de façon documentaire les lieux et les sociétés qu’il explorait afin de renforcer son écriture poétique. Par son traitement du paysage, pouvant aller jusqu’à l’abstraction, son cinéma participe à une forme de détachement du réel. De Londres au désert tchadien, en passant par la vallée de la Mort, Antonioni nous happe dans son errance labyrinthique entre le réel et l’imaginaire et, en même temps, nous laisse un témoignage vibrant sur les lieux et les époques qu’il a traversés.

Rétrospective Michelangelo Antonioni • 4/7 > 30/8, Cinematek, rue Baron Hortastraat 9, Brussel/Bruxelles, 
02-551.19.19, www.cinematek.be

> SUR L'EXPO À BOZAR

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