Nabil Ayouch : genèse de kamikazes

Niels Ruëll
© Agenda Magazine
13/02/2013
« On ne naît pas martyr », affirme l’affiche des Chevaux de Dieu. Le réalisateur franco-marocain Nabil Ayouch fait une tentative audacieuse de comprendre comment les jeunes d’un bidonville près de Casablanca peuvent se radicaliser au point d’être prêts à se faire exploser.

Dans le bidonville de Sidi Moumen, Yachine et son frère Hamid apprennent à se défendre. Les Chevaux de Dieu, inspiré du roman Les étoiles de Sidi Moumen de Mahi Binebine, pourrait être la suite d’Ali Zaoua, le magnifique film sur les enfants des rues qui a fait la réputation de Nabil Ayouch à la fin des années 90. Hélas. Après une peine de prison, Hamid est totalement sous l’emprise de Dieu et d’une communauté extrémiste. Son frère veut lui aussi être à la hauteur. « Ali Zaoua parlait déjà des enfants de Sidi Moumen », explique Ayouch. « Je connais les gens qui vivent là-bas. Ils sont paisibles. J’ai vraiment été choqué quand j’ai appris que les terroristes des attentats suicides du 16 mai 2003 à Casablanca étaient des jeunes de Sidi Moumen, et non des adultes entraînés en Afghanistan. Beaucoup de Marocains pensaient qu’une chose pareille était impossible. J’ai pris ma caméra et j’ai filmé les victimes et leur famille. Quelques années après, j’ai compris que c’était une erreur, qu’il fallait aussi que je regarde de l’autre côté. Je devais aussi filmer les autres victimes : ces jeunes dont on a bourré le crâne et qu’on pousse si loin qu’ils se font sauter et tuent des innocents ».

Le problème et la cause
L’enquête sur les motivations des terroristes n’a pas abouti à des conclusions tranchées. « Il n’y a pas une seule raison qui pousse quelqu’un à commettre un attentat suicide. C’est une erreur de mettre seulement ça sur le compte de la pauvreté et de la misère. Si c’était vrai, alors il y aurait des millions de kamikazes.
La pauvreté économique est un facteur, mais il y a aussi la pauvreté intellectuelle et culturelle. Si on n’a pas de journaux, de musées, de cinémas dans son environnement, alors on n’a pas de fenêtre sur le monde. À mes yeux, ces jeunes sont les victimes d’un manque de scolarisation, de l’injustice, d’un manque de sécurité au niveau social. C’est significatif qu’ils n’aient encore jamais quitté le bidonville. Les circonstances dans lesquelles ils ont grandi, les traumatismes qu’ils ont vécus les rendent prédisposés à une idéologie ».
N’est-ce pas aller un peu trop loin de considérer les kamikazes comme des victimes ? Ayouch pense que non. « Ce n’est pas du tout le but du film que l’on pardonne à ces jeunes. Même si on leur a lavé le cerveau, ils décident eux-mêmes de commettre un attentat. On a toujours le choix. J’essaie seulement de comprendre comment ils ont pu aller jusque là. Pour résoudre un problème, il faut d’abord se pencher sur les causes. Dire que ces gens ont un problème mental est beaucoup trop facile. Et c’est faux. Derrière leurs actes se cache une idéologie dangereuse. La question est de savoir à quel point ils peuvent combattre cela ».
Dans la première partie (l’enfance), le réalisateur attire plusieurs fois l’attention sur une sexualité problématique. « C’est une société sans mélange, tant au niveau social qu’entre hommes et femmes. Les garçons n’ont pas de contact avec les filles. Les époux se rencontrent seulement lors du mariage. Comment peut-on alors faire l’expérience de l’amour, de sa sexualité ? Comment apprendre à mettre l’amour en pratique ? Les garçons l’apprennent entre eux, dans les fourrés. Ce n’est pas bon. La sexualité et l’amour sont trop importants. Être amoureux et pouvoir être aimé, c’est fondamental ».

Les Chevaux de Dieu ●●
MA, FR, BE, 2012, dir.: Nabil Ayouch, act.: Abdelhakim Rachid, Abdelilah Rachid, 115 min.

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