Rebelle : Kim Nguyen en route pour un Oscar ?

Au Festival de Berlin, la Congolaise Rachel Mwanza, 15 ans, a remporté à juste titre un Ours d’argent pour son rôle de sorcière dans Rebelle. Un an plus tard, le film du Canadien Kim Nguyen est nominé pour l’Oscar du meilleur film étranger.

Afrique. Sa vision des plans de l’ennemi vaut à Komona, 12 ans, une place de sorcière aux côtés d’un chef de rebelles. Avec son ami Magicien, elle veut s’échapper. Elle doit enterrer ses parents le plus vite possible pour qu’ils ne soient pas condamnés à errer en tant qu’esprits. Dans son ode à l’énergie humaine, Kim Nguyen combine des images réalistes de la violence de la guerre avec des séquences oniriques. « Avec Rebelle, j’ai pris un tournant radical », raconte le Canadien. « Mon film précédent était beaucoup trop construit. La ligne narrative était légèrement démagogique, ça manquait de vie. Je voulais revenir à ce qui est pour moi l’essence du cinéma : la photographie et la volonté de capter le moment sans trop tenir compte de ce qui précède et de ce qui suit ».

Rachel Mwanza
Le réalisateur doit beaucoup à l’interprétation bluffante de Rachel Mwanza. « J’ai eu beaucoup de chance. Rachel nous avait été recommandée par les réalisateurs d’un documentaire sur les enfants des rues de Kinshasa. Nous avons vu des centaines d’enfants, dont de nombreux enfants des rues, mais Rachel se détachait vraiment du lot. Je ne sais pas ce que l’avenir lui réserve. Elle a déjà une reconnaissance en tant qu’actrice. Mais à présent, il faut qu’elle acquière les connaissances de base : apprendre à lire et à écrire, un peu de mathématiques. Notre encadrement se concentre là-dessus. Elle a beaucoup à rattraper. Nous nous sommes engagés pour quatre ans. Tous les trois mois, nous donnons de l’argent pour son logement, pour son éducation et pour sa nourriture. Nous cherchons encore une bonne façon de lui donner de l’argent de poche. Comme elle n’a pas encore 18 ans, son compte est géré par des tuteurs. Ceux-ci ont dépensé l’argent de son film précédent sans qu’elle puisse en profiter. On veut éviter ça ».

Enfant soldat
Il n’était pas question de travailler avec un protagoniste européen ou nord-américain. « Trop de films qui se déroulent en Afrique centrale obligent le spectateur à compatir avec un héros blanc déchiré par ce qu’il voit. Je voulais donner la parole aux vrais héros de cette situation. Qui est plus rejeté et plus méprisé qu’une fille soldat ? Je ne voulais pas de violence graphique. Je voulais que le spectateur puisse se placer dans l’état émotionnel d’un enfant soldat. Comment se sent-on et comment pense-t-on quand on est sous l’influence de drogues, de la foi et de la superstition ? Ces trois éléments créent en effet une sorte de voile qui vous fait accepter la violence. Je n’ai jamais eu l’intention de tourner un film didactique sur les enfants soldats. Il s’agit de l’histoire de Komona. Elle est enlevée et forcée par des rebelles de faire la guerre. Mais elle tombe aussi amoureuse et apprend à se connaître elle-même.

Résistance
Rebelle aborde une réalité cruelle, mais sans céder au désespoir. « Se complaire dans la misère d’un autre pays, je trouve que c’est une forme de paternalisme. Rebelle parle de résistance. Au Congo, j’ai été frappé par l’énergie et l’appétit de vivre des gens », explique Nguyen. « Komona est un personnage que ses contradictions internes rendent fort. Elle est enfant et adulte, naïve et coupable, victime et meurtrière. J’espère que le film répond à cette complexité ».

Rebelle ●●
CA, 2012, dir.: Kim Nguyen ,act.: Rachel Mwanza, 90 min.