Under The Skin: Qu'est-ce qui remue l'âme artistique de Marc-Henri Wajnberg?

Niels Ruëll
© BRUZZ
06/05/2022

Marc-Henri Wajnberg - Kinshasa Now

Marc-Henri Wajnberg réalise des films depuis les années septante. Si l'on compte ses courts-métrages, il a déjà plus de 2 800 oeuvres à son actif. Dans son dernier film I Am Chance, il donne la parole à Chancelvie et ses amies, enfants des rues dotées d'assez de force et d’imagination pour survivre à Kinshasa. « Je n’ai pas envie de n'évoquer que le Congo qui souffre. »

C’est une période chargée pour le réalisateur Marc-Henri Wajnberg, mais il aime ça. Entre un atelier de pitching au Brussels Short Film Festival et la sortie au cinéma de son documentaire congolais I Am Chance, le Cinéma Nova projette le film avec lequel tout a commencé pour lui, il y a 45 ans : Heureux comme un bébé dans l’eau (1978), à propos des naissances sans violence. « Le gynécologue qui a introduit les naissances sans violence en Belgique était un ami à moi. Le documentaire a eu un impact énorme », explique Wajnberg.

Il estime le nombre de films qu’il a tournés depuis à 2 800. Dont 1 200 épisodes de Clapman, des petites vidéos comiques de huit secondes dans lesquelles il interprète un clap de cinéma, et 40 courts films d’animation qu’il a réalisés avec Wolinski, le dessinateur français qui n’a pas survécu aux attentats de Charlie Hebdo. « La Belgique a envoyé mon long-métrage Just Friends (1993), avec Josse De Pauw dans le rôle d’un musicien de jazz, aux Oscars. J’ai aussi réalisé différents documentaires. Pour un manager musical ami, je suis allé à Kinshasa pour filmer un groupe de musique qui ne parvenait pas à obtenir de visa pour voyager. Finalement, ils n’ont pas réussi à venir, mais Kinshasa a changé ma vie. J’étais fasciné par le côté hallucinant, bruyant et pollué de cette métropole de 17 millions d’habitants, pleine d’énergie, de puissance et de débrouillardise. »

1798 Marc-Henri Wajnberg

| Marc-Henri Wajnberg

Après un web film sur Kinshasa, le Bruxellois a aussi réalisé un long-métrage à propos d’un groupe d’enfants des rues qui essayaient d’avoir une vie meilleure en créant un groupe de musique. Venise, Toronto et New York sont trois des septante festivals de films à avoir sélectionné Kinshasa Kids (2012). « Par la suite, je me suis occupé des enfants. Pendant le casting, ils osaient à peine me regarder dans les yeux. Après le film, ils se considéraient vraiment comme des acteurs et prenaient même la parole. Tout à coup, ils avaient des projets. Dans un pays très riche où il y a surtout énormément de gens pauvres, c’est tout bonnement magnifique. »

KIDS IN KINSHASA
En 2020, Wajnberg a surpris avec un film de réalité virtuelle immergeant les spectateurs à 360 degrés dans la réalité des enfants des rues de Kinshasa. Kinshasa Now (2020) était en avant-première au festival du film de Venise. À Bozar, des vidéos montraient ce qui était advenu aux enfants du film. « L’un d’entre eux est devenu pâtissier. » La fille de Kinshasa Now, la marquante Chancelvie, a choisi de continuer à vivre dans la rue. Quand Wajnberg a appris qu’elle était enceinte, il s’est empressé d’aller à Kinshasa pour tourner le documentaire I am Chance. « Chancelvie vit dans la rue depuis ses huit ans mais déborde de vitalité. Elle est tellement précieuse, bavarde, énergique et puissante. Elle avait aussi très envie du film. » Dans I am Chance, Chancelvie et ses amies Shekinah et Dodo prennent le parole. « Il y a 35 000 enfants des rues à Kinshasa. Ils tiennent à leur indépendance et à leur liberté. Mais c’est une fausse liberté tragique. Leur espérance de vie est très basse. Ils sont victimes de viols et d’abus et sont obligés de se réunir en bandes. La vie dans la rue leur coûte souvent la vie. Mais je n’ai pas envie de n’évoquer que le Congo qui souffre. Je veux montrer la beauté des enfants et des artistes. »

« En Belgique, les enfants pleurnichent pour une Playstation. À Kinshasa, ils se battent pour manger. »

Marc-Henri Wajnberg

TENTER LA CHANCE
L’engagement social fait partie de l’ADN de Wajnberg. « C’est peut-être dû à mon éducation ? Je sais que j’ai reçu une éducation de gauche. Enfant, j’étais Pionnier. J’ai réalisé les documentaires Evgueny Khaldei, photographe sous Staline et Oscar Niemeyer, un architecte engagé dans le siècle. Le domaine social m’attire. Si je ne faisais pas de films, je sais que je voudrais aider ces enfants congolais. C’est dans ma nature. Mes amis congolais l’ont bien compris, je reçois sans cesse des appels avec des demandes d’aide. Ça ne me dérange pas. J’aime ça. Ce que je fais est utile. Je me rends compte maintenant que notre vie ici est très confortable. Ici, les enfants pleurnichent pour une Playstation. À Kinshasa, ils se battent pour manger. Et ça me touche. » « Je ne suis pas forcément à la recherche des difficultés, même si ça peut sembler être le cas. Un blanc qui tourne un film en réalité virtuelle à une époque tendue juste avant les élections, ce n’est pas évident. J’aime bien me promener dans les rues. Par conséquent, il m’est déjà arrivé plein d’aventures. Des bonnes, des moins bonnes et des mauvaises. Ça me permet d’être proche des gens. À chaque fois que je reviens d’un tournage à Kinshasa, je suis épuisé. Mais après quelques jours, Kinshasa me manque déjà. I am Chance était un défi mais je suis fier du résultat. C’est un film fort, triste, joyeux, énergique et il montre le talent des artistes et des enfants. Dès qu’on s’occupe de ces enfants, on découvre leurs talents. »

I AM CHANCE
Sortie au cinéma le 11/5,

avant-première au Festival Millenium le 7/5

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