Armel Roussel : éventail librement composé

Nurten Aka
© Agenda Magazine
08/03/2013
Ivanov Re/Mix, Nothing Hurts, La Vecchia Vacca, L’archéologue et l’écran plat, Villes Mortes, Yukonstyle, NousLoveChachach, etc.: le metteur en scène Armel Roussel, artiste en résidence aux Tanneurs, y orchestre une carte blanche alléchante et polymorphe.

Au tempo « vie furieuse » des spectacles « pop et baroques » d’Armel Roussel (41 ans, prof à l’Insas) s’est rajoutée ces dernières années la question de la joie et de l’empathie entre soi, la vie, le temps... Comme dans sa dernière création, La Peur, qui vient de se terminer au Théâtre National. Artiste en résidence au Théâtre Les Tanneurs, il enchaîne avec une carte blanche qui réunit ses récents succès : Ivanov Re/Mix (photo) d’après Tchekhov, tragédie festive à treize acteurs où tombe la neige, et Nothing Hurts de Falk Richter, pour un quatuor de jeunes individus en perte de repères et en quête existentielle. Deux superbes spectacles qu’il reprend à côté de créations de jeunes metteurs en scène, de quelques performances, de surprises théâtrales, de lectures dédiées à Sarah Berthiaume, d’un concert, de danse avec des « fous furieux »… Rencontre, avant les joyeuses festivités.

Vous reprenez vos deux derniers succès. Dans de nouvelles versions ?
Armel Roussel :
Pas directement. Ivanov Re/Mix tourne tel quel. Nothing Hurts est particulier et se module au fil des lieux, dans un théâtre, dans un squat de gare, etc. On le rejoue cette fois-ci dans une grande salle, en version « longitudinale », comme Ivanov. C’est un travail très direct, générationnel et sensoriel, dont la perception varie en fonction de la manière dont on place les gens face à l’objet.

(Ivanov Re/Mix)

« Sensoriel », c’est-à-dire ?
Roussel :
Nothing Hurts vise l’hébétude, l’inconscient. J’aime toucher le sentiment profond sans passer par une narration plate. C’est comme une échappée, qui avance par petites touches, dans une atmosphère de perte de repères, de métaphysique existentielle.

Et Ivanov Re/Mix ?
Roussel :
Pareil. Mes spectacles – comme ma dernière création La Peur – sont liés à mes obsessions, dont la question « est-ce qu’on vit la vie qu’on a vraiment choisie ? » Ivanov est un personnage de 35 ans qui se - et nous - pose cette question. Tchekhov a su capter la vie, il est le premier auteur de la « Nouvelle Vague ». Quand on l’interroge sur le sujet de sa pièce, il répond : « il n’y a pas de sujet dans mes pièces, mon sujet est la vie et si vous vous demandez c’est quoi le sujet de la vie, qu’est-ce que vous pouvez répondre ? » Je me reconnais dans ce travail sur la vie, à travers des écritures classiques comme celle de Tchekhov ou contemporaines comme celle de Falk Richter.

(La Peur © Zeno Graton)

Comment s’est opéré le choix pour cette carte blanche ? Avec des invités à votre image ?
Roussel :
Pas du tout. J’ai souhaité donner un coup de pouce à de jeunes metteurs en scène, mes élèves à l’Insas, dont la singularité artistique me touche. Ils vont réaliser ici leur premier spectacle et ils ne sont pas du tout dans la même théâtralité que moi. Par contre, on partage une sourde inquiétude face au monde mais aussi une certaine poésie joyeuse à faire du théâtre. Jean-Baptiste Calame, d’origine suisse, présentera L’archéologue et l’écran plat, un univers absurde ancré dans le réel, avec quelque chose d’inquiétant, comme si ses personnages étaient toujours débordés par eux-mêmes. Salvatore Calcagno, né à La Louvière, présentera La Vecchia Vacca où il traverse les figures de la famille, la mère, la grand-mère, comme un objet de désir et de répulsion. Presque du Fellini. Il n’y a donc pas de filiation avec mon travail, mais un échange de nos théâtralités différentes.

Quid du volet gratos : petites surprises et lectures-découvertes ?
Roussel :
Ce sont des formes théâtrales courtes, de 5 à 20 minutes, proches du haïku. Je me laisse pour l’instant surprendre par les propositions. Quant aux lectures, c’est un focus sur Sarah Berthiaume, une jeune auteure québécoise, avec Yukonstyle, un road-movie théâtral et deux autres textes, Villes Mortes et Le déluge après. Il y a à la fois un côté onirique dans son écriture et un côté concret, très intime.



Et Mélo, votre « work in progress » dont vous présentez une première étape ici ?
Roussel :
J’ai voulu rendre hommage à un spectacle que j’ai vu en 1992, une véritable déflagration pour moi. C’était The Hip Hop Waltz of Eurydice de Reza Abdoh, mort du sida à 32 ans, qui a été comme un mentor dans mon travail. J’ai fini par trouver le texte… d’une faiblesse absolue ! J’ai donc vécu pendant 20 ans sur un mythe et travaillé sur un objet qui, pour moi, est dépassé. J’ai lancé Mélo sur un élément important de ma vie pour conclure que j’étais passé complètement ailleurs. Donc, Mélo va parler de la jeunesse, de la mémoire, de l’oubli, du sentiment amoureux, de la « main tendue », symbole d’espoir, de joie et signe de la rencontre.

D’où un final très festif, en danse et un concert au Bazaar, lieu voisin des Tanneurs ?
Roussel :
Oui, avec les NousLove-Chachacha, une bande d’anciens comédiens de l’Insas qui se sont lancés dans la danse, un truc inclassable, proche du voguing. Des fous furieux qui prendront en charge la soirée de clôture à côté d’un concert de The Philharmonik Bubblicious Show, le groupe du comédien Philippe Grand’Henry, dans un style proche du punk rock taré. Des « fous joyeux », sympa pour clôturer cette carte blanche en toute convivialité…

Armel Roussel & Guests: Focus [e]utopia &&&
• 12 > 30/3, Pass 4 spectacles: €20/30, Théâtre Les Tanneurs, Huidevettersstraat 75-77 rue des Tanneurs, Brussel/Bruxelles, 
02-512.17.84, reservation@lestanneurs.be, www.lestanneurs.be

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