Balkan Trafik! : ratatouille à la grecque

Benjamin Tollet
© Agenda Magazine
02/05/2014
Imam Baildi est le premier groupe à faire sortir la musique traditionnelle grecque des années 40 à 60 en dehors des ses frontières. Les frères Falireas ont mélangé leurs racines au hip-hop, à l’électro, aux musiques latines et balkaniques pour amener ce grand répertoire dans les plus grands festivals d’Europe et aujourd’hui au sein de Balkan Trafik!

Les frangins Lysandros et Orestis Falireas ont grandi dans une famille musicale. Leur père avait un label spécialisé en musique grecque et un magasin de disques au centre d’Athènes. Ses fils ont donc grandi entourés des nouveautés, cette musique est entrée dans leurs veines. Les deux frères se sont mis à expérimenter avec la musique de leur jeunesse, en la mélangeant avec celle de leur propre génération, en particulier le hip-hop et l’électro. « Mais aussi beaucoup d’autres styles, comme la musique latino, le rock ‘n’ roll, le dub... », souligne Lysandros Falireas.

Comment êtes-vous arrivés à l’idée de mixer ces styles ?
Lysandros Falireas : Mon frère faisait déjà pas mal de production vers l’an 2000 et il avait un sampler. Aujourd’hui, il suffit d’avoir un logiciel pour faire du sampling, mais à l’époque il fallait une machine spécifique. On s’intéressait au travail de DJ Shadow, de Thievery Corporation et de Moby, qui utilisaient des samples pour créer de nouveaux morceaux. On voulait faire la même chose avec la musique grecque, qui a connu un véritable âge d’or dans les années 40 à 60 avec des chanteurs et des compositeurs qui ont sans cesse alimenté le répertoire de la musique traditionnelle et le rembétiko.
Cette musique est devenue votre combustible ?
Falireas : Exactement. Notre premier album était entièrement basé sur des samples. Pour le second, on a fait quelques compositions propres et dans quelques mois sortira notre troisième album sur lequel on a donné encore plus de nous-mêmes. C’est le résultat du fait de se produire avec un groupe en live : en jouant des remix sur scène avec de vrais musiciens, on a de plus en plus trouvé notre propre son et il était temps d’enregistrer cela en studio.

On peut s’attendre à quoi ?
Falireas : En fait, ça part dans plusieurs directions. Ce sont les vieux thèmes que l’on remixe qui nous poussent dans l’un ou l’autre sens. On vient de terminer un morceau en surf music parce qu’une chanson des années 60 s’y prêtait parfaitement. Il y a aussi un morceau plus latino, un mélange de cha-cha-cha et de mariachi, alors que nos propres compositions sont plutôt centrées sur le mix de rembétiko avec une base de dub.

Quel est le secret de votre succès international ?
Falireas : La musique grecque est une musique axée sur les mots. Pour un public étranger qui ne comprend pas les paroles, ce n’est pas facile de capter la musique. Notre défi est de faire danser les gens, faire en sorte qu’ils passent du bon temps. La musique est une manière de communiquer avec ceux qui ne parlent pas notre langue.

Mais qu’est-ce que les bases de hip-hop, d’électro, de mambo, de swing manouche, etc. ont à voir avec les Balkans ?
Falireas : En fait, un tiers de ce qu’on joue en live est de la musique balkanique. Quand on a commencé à donner des cocnerts, en 2007, on ne voulait pas faire de simples DJ sets et on a donc invité deux cuivres du nord de la Grèce qui ont grandi en jouant dans les mariages et les fêtes de quartier. Ce sont de vrais interprètes de musique balkanique, une musique qui ne s’apprend pas au conservatoire mais en jouant dans les rues ! On a choisi des cuivres balkaniques plutôt que des cuivres jazz car la musique des Balkans était alors en plein boom, c’était juste avant l’ascension de Shantel (DJ allemand qui a collaboré avec plusieurs fanfares et orchestres des Balkans, NDLR).

Un choix dicté par la mode ?
Falireas : Quelque part, oui. Aujourd’hui ça fait sept ans qu’on joue ensemble et les influences balkaniques se sont atténuées. Il y a eu une overdose. Mais la musique balkanique reste néanmoins un pilier de nos concerts parce qu’elle est tellement puissante, elle peut vraiment enflammer les foules ! L’autre pilier du live, c’est le hip-hop, avec notre magnifique MC qui est très bon dans l’interaction avec le public. Et puis on a un joueur de bouzouki (luth grec, NDLR) à fond dans tout ce qui est rembétiko, un guitariste qui est plutôt rock progressif... C’est ce grand métissage de styles et de personnes qui fait la force d’Imam Baildi.

Imam Baildi 3/5, 1.00, Hall Horta


AU-DELÀ DES BALKANS
Pour la huitième fois déjà, le festival Balkan Trafik! s’empare du Palais des Beaux-Arts, en utilisant tous ses espaces – de la salle Henry Le Bœuf aux petits couloirs – pour en faire une grande fête des Balkans. Des concerts, des films, des débats et des ateliers autour de l’Europe du Sud-Est sont proposés, avec une nouvelle ouverture vers l’Ukraine et la Pologne. Balkan Trafik a toujours essayé de rester loin des clichés sur les Balkans. Certes, les fans des films d’Emir Kusturica sont à la bonne adresse, mais il y a aussi du jazz, du rock, du rap et de l’électro venus des pays balkaniques. On trouve à l’affiche un beau mélange de légendes vivantes et de virtuoses de la musique traditionnelle, de jeunes talents issus de la culture urbaine et de groupes belges qui n’ont pas peur d’infuser leur musique avec des saveurs balkaniques. Jeudi soir, la légende vivante du rembétiko George Dalaras ouvrira le festival avec un hommage acoustique à ce blues venu de Grèce. Le vendredi est le premier « gros jour » de musique, avec presque vingt groupes qui montreront la diversité de la musique des Balkans. Outre Selda Bagcan, icône de la contre-culture turque des années 70, le groupe KAL nous fera goûter à l’underground serbe alors que le Mahala Raï Banda poussera à la danse sur son funk balkanique. Le samedi, les femmes sont au pouvoir avec le projet Femmes des Balkans. Les trois déesses Amira Medunjanin, Biljana Krstic et Tamara Obrovac seront aux côtés du pianiste de jazz serbe Bogan Z. Ne ratez surtout pas la voix phénoménale de la gypsy queen macédonienne Esma Redzepova. Imam Baildi fera rentrer le rembétiko dans le XXIe siècle (voir interview ci-contre), alors que le Kristijan Azirovic Orchestra, lauréat du Guca Trumpet Festival, n’aura aucun problème pour enflammer la foule. Largement de quoi se défouler donc, mais ceux qui préfèrent découvrir les Balkans dans le calme pourront boire un verre dans le Rembetiko Kafé ou au tout nouveau Istanbul Meyhane, sans oublier la sélection de films de Corneliu Porumboiu le dimanche.

BALKAN TRAFIK! • 1 > 4/5, Bozar, rue Ravensteinstraat 23, Brussel/Bruxelles, 02-507.82.00, www.balkantrafik.com, www.bozar.be

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