Cali : retour à Vernet-les-Bains

Nicolas Alsteen
© Agenda Magazine
29/01/2013
Sur son nouvel album, Cali le Catalan rend hommage à Vernet-les-Bains, village de sa prime jeunesse et théâtre de ses premières expériences amoureuses. Le chanteur y parcourt les chemins de son enfance pour reconquérir ses souvenirs.

Sur Vernet-les-Bains, Cali jette un coup d’œil attendri dans le rétro. Il y évoque des histoires de cœur (Est-ce que tu te souviens de ton premier baiser), des lieux oubliés (La grotte des amoureux) et de longues soirées estivales (Je rêve de voir l’été). Sur sa route, Cali fait aussi le point sur le temps qui passe (Une femme se repose) : une manière comme une autre de mesurer le poids des années. Assagi, mais pas calmé, l’artiste français se détache ici de son image d’éternel ado en délimitant les contours de chansons épurées, apaisées. Un autre monde.

Quand on évoque votre nom, on imagine toujours un mec qui déboule sur scène sueur au front et poing levé, un chien fou qui prend volontiers son bain de foule en se jetant dans le public. Avec l’album Vernet-les-Bains, la performance physique passe au second plan. Vous ressentiez le besoin de souffler ?
Cali : C’est la suite logique de mon parcours. J’ai écrit les nouveaux morceaux au cours de ma dernière tournée en compagnie du pianiste anglais Steve Nieve. Les chansons de Vernet-les-Bains découlent de cette expérience, elles ont été influencées par ces ambiances feutrées. J’ai vraiment ressenti le besoin de poser ma voix. Pour ça, je reste admiratif d’un gars comme Bruce Springsteen. Il est polyvalent, capable de signer des classiques du rock et de s’affirmer en toute sobriété sur un album comme Nebraska. L’idée de marcher sur les traces d’un mec comme lui, ça me motive terriblement.
Si la chanson française reste votre mode d’expression, l’esprit qui vous anime est plutôt rock. En vous regardant dans le miroir, vous voyez plutôt un chanteur ou un rockeur ?
Cali : Je me reconnais partout. À la maison, l’essentiel de ma discothèque se compose d’albums anglo-saxons. Si mes émotions passent à travers le français, c’est qu’il s’agit de mon vocabulaire quotidien. Depuis toujours, mes artistes de référence sont Tom Waits, Johnny Cash, Bruce Springteen, U2, Yo La Tengo, Nick Cave, The Waterboys et Simple Minds. En Belgique, mes préférences vont à dEUS, Sharko et Dead Man Ray. Tout ça me touche énormément. Je ne renie pas la chanson française pour autant. J’adore Léo Ferré et Jacques Brel, par exemple. J’aime piocher ici et là, m’inspirer d’univers différents.

Vernet-les-Bains, vous y habitez toujours ?
Cali : Je vis dans un bled juste à côté. Vernet-les-Bains, c’est le village où j’ai grandi, là où j’ai embrassé quelqu’un pour la première fois, où j’ai fait l’amour pour la première fois. Habituellement, je suis très mauvais pour trouver les titres de mes albums. Cette fois, bizarrement, c’était facile. Vernet-les-Bains, c’est comme une promenade dans ma mémoire : des fantômes et des histoires du passé surgissent de toutes parts.

Pourriez-vous vivre ailleurs, déménager à mille lieues de Vernet-les-Bains ?
Cali : Oui, mais toujours pour y revenir. La musique m’a donné le goût du voyage. L’envie de bouger est là, mais elle correspond d’abord au besoin de ramener des souvenirs chez moi. Quand je reviens à Vernet-les-Bains, je trouve une odeur qui me ramène à l’enfance, quelque chose qui me bouleverse. Je me retrouve entièrement. J’ai l’impression d’être en phase avec moi-même.

Cet album raconte-t-il des épisodes précis de votre vie ?
Cali : Je l’ai baptisé Vernet-les-Bains, mais j’aurais pu l’intituler La vie des gens parce que ce que j’ai vécu là-bas arrive à tout le monde. Chacun vit ses premières fois et affronte des souvenirs. On doit tous faire face à la maladie, à la mort, composer avec le temps qui passe, avec la vieillesse. Dans cet album, tout est vrai. Un morceau s’intitule La grotte des amoureux. C’est l’endroit où on se retrouvait pour embrasser les filles. Mais il s’agit d’une histoire universelle : chacun l’a vécue à sa façon.

Votre personnage est indissociable d’un certain engagement politique. Vos critiques à l’égard de l’ancien gouvernement français étaient incessantes. Aujourd’hui, la gauche est au pouvoir. Tout va pour le mieux ?
Cali : Disons que je suis soulagé. Moi, je n’ai de problèmes avec personne. On peut être de gauche ou de droite. Mais je reste persuadé que la composante humaine est essentielle dans la vie d’un homme politique. L’ancien gouvernement a élevé le mépris en valeur nationale. Un jour, il y a eu cette phrase horrible : « Travailler plus pour gagner plus ». Ou comment, en quelques mots, exclure toute une partie de la population. C’est quoi ce délire ? Tout le monde voudrait travailler, évidemment ! En plus, à l’époque, la politique d’immigration était terrifiante. En cas de victoire aux élections présidentielles, des bruits de couloir évoquaient même la possibilité de retrouver Marine Le Pen au Ministère de l’Intérieur… Les conseillers de Sarkozy étaient dingues. Pour tout ça, je suis soulagé. Maintenant, je ne dis pas que tout va mieux. Il faut laisser du temps au nouveau président. J’apprécie sa composante humaine : il n’est pas en dehors de la société. Il ne véhicule pas l’image d’un roi qui décide unilatéralement de toutes choses. Il est avec les Français.

Ceci dit, avec Vernet-les-Bains, vos revendications sont nettement moins virulentes. Vos manifestations gravitent davantage au niveau local…
Cali : En attendant, je me suis quand même présenté à deux reprises aux élections communales de Vernet-les-Bains ! Une première fois sur la liste Jeunesse Incorruptible et une seconde fois sur une autre, baptisée « Ça va chier ! » Celle-là, c’était ma préférée. J’avais réalisé une superbe affiche : « Bruno Caliciuri, sanibroyeur municipal », avec un rouleau de papier-toilette en relief. C’était magnifique. Même les touristes s’arrêtaient dans le village pour la prendre en photo ! Cette année-là, j’ai récolté 20 % des voix. Pas mal, non ? Aujourd’hui, je reste cet homme de gauche qui milite modestement. Mais je ne m’oblige pas à écrire des chansons engagées. Au-delà des convictions, ce qui m’anime, c’est de voir les jeunes descendre dans la rue. Quand ils gueulent, généralement, ça fait avancer les choses. Ce qui s’est récemment passé au Québec le démontre avec beaucoup de justesse. On ne peut pas baisser les bras. L’important, c’est de gueuler. Parce qu’on n’est pas des moutons !

(Photos © Patrick Swirc)

CALI • 2/2, 20.00, €28/31, Ancienne Belgique, boulevard Anspachlaan 110, Brussel/Bruxelles,
02-548.24.24, info@abconcerts.be, www.abconcerts.be

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