Couleur Café: Seun Kuti

Benjamin Tollet
© Agenda Magazine
24/06/2014
Tout comme son père, ce Nigérian de 31 ans déborde de charisme, de vitalité et de sex-appeal, avec des textes tranchants qui font grincer des dents les politiciens africains corrompus. Depuis le décès du « Black President » en 1997, Seun est le chanteur-leader d’Egypt 80, le backing band de Fela. Il avait alors 14 ans mais avait déjà de l’expérience vu qu’il jouait depuis des années avec Egypt 80 et qu’il a appris le métier auprès du meilleur.

Il a pourtant fallu attendre 2006 avant que Seun ne sorte son premier album, Think Afrika. Avec ce troisième opus, A Long Way To The Beginning, Seun juge qu’il est prêt à porter l’afrobeat vers de nouvelles hauteurs. « Ça n’a pas été facile de remplacer quelqu’un comme Fela. Tout ce que nous avons fait jusqu’à présent, c’est revenir en tant que groupe au niveau d’autrefois. Maintenant, on y est et nous sommes prêts à aller de l’avant ».

La mort de Fela a-t-elle provoqué un élan international ?
Seun Kuti : Oui, bien sûr. Les groupes d’afrobeat poussent partout à travers le monde comme des champignons et ils sont toujours meilleurs. Ils donnent leur propre interprétation artistique du genre et utilisent l’afrobeat comme plate-forme pour parler de ce qui se passe dans leur région. En Afrique aussi. Nous commençons à atteindre notre potentiel pour libérer les esprits des chaînes des anciennes générations et du néocolonialisme. L’Afrique va commencer à représenter les Africains d’abord.

Le premier single IMF est une critique sévère du Fonds Monétaire International. Qu’est-ce qui ne va pas ?
Kuti : Tellement de choses... Ils ont eux-mêmes reconnu en 2010 que leur politique était dommageable pour les pays en développement. Ils ont promis d’améliorer ça, mais ça va de mal en pis. Et pas seulement en Afrique et en Asie. Aujourd’hui même certains pays du sud de l’Europe ressentent l’impact des conditions imposées lors de l’attribution d’un prêt. Ces prêts, distribués par des gens corrompus en Occident, ne vont pas du tout aux habitants des pays en développement, mais aux dignitaires et aux politiciens qui les emploient pour stimuler les multinationales. Je préfère ne pas parler de néolibéralisme mais de néocolonialisme. L’Europe de l’Est a son propre Big Brother : la Russie.
Dans le clip, vous recevez une valise avec de l’argent, et des menottes en même temps ?
Kuti : Le FMI passe les menottes à l’Afrique. Il impose des crédits qui n’améliorent absolument pas la vie des gens ordinaires. Le peuple n’en tire aucun bénéfice mais il doit payer. Nous devrons rembourser ces prêts pendant des générations. Dans le clip, en acceptant cette valise, je deviens un zombie assoiffé d’argent.

Votre père a aussi parlé de zombies, mais cette chanson me fait plutôt penser à ITT.
Kuti : Oui, je m’en suis inspiré. Mon père était très fort dans l’utilisation des abréviations. ITT, c’est ici International ThiefThief, une accusation contre les multinationales qui ont dévalisé le Nigeria à l’époque. Et qui le font encore aujourd’hui.

Vous vous battez donc contre les mêmes personnes que votre père ?
Kuti : Ce sont toujours les mêmes qui contrôlent et exploitent l’Afrique. Mais aujourd’hui, c’est pire qu’il y a 20 ans. Regardez les statistiques sur la pauvreté. Les Africains n’ont tiré aucun bénéfice de leurs propres richesses naturelles... Les profits vont aux banques et aux grandes sociétés en Occident. Mais il y a de l’espoir. La nouvelle génération d’Africains a été bien formée, elle comprend mieux le système. Ensemble, on peut commencer à améliorer les choses.

Revenons à la musique. Cet album a été produit par Robert Glasper. Quelle a été son influence ?
Kuti : Il a apporté un cool sound. Ma musique est assez dure, ça tape fort. Robert a fourni un parfait contraste. Il a aussi apporté beaucoup de savoir-faire musical, ce qui est idéal pour de la musique live comme l’afrobeat.

En parlant de musique live, votre méthode d’enregistrement va à contresens : de la scène au studio !
Kuti : L’afrobeat doit se créer dans le monde réel, parmi les gens, inspiré par l’endroit où l’on vit. Je n’aime pas le fait de rester enfermé dans un studio pour avoir des idées. L’afrobeat est une musique de groupe, le son est créé par tous les membres. C’est pour cela qu’il faut jouer, beaucoup. Et la seule manière de savoir si un morceau est bon, c’est de le jouer en public.

J’ai toujours trouvé que votre manière de chanter se rapproche du rap. Sur cet album, vous franchissez ce pas, avec M1 de Dead Prez et le rappeur ghanéen Blitz the Ambassador (aussi présent à Couleur Café).
Kuti : Ces sont des soldats de la conscience, dans l’armée de la vérité ! Ils comprennent mon message et le transmettent dans une autre forme artistique. M1 est une légende de la conscious rap music, Blitz est un jeune rappeur africain avec un talent fou et un grand engagement.

Vous avez aussi emmené la chanteuse germano-nigériane Nneka dans cette aventure. Elle apporte une touche féminine et sensuelle au morceau Black Woman.
Kuti : C’est le morceau le plus décontracté. C’est un message qui est adressé à ma fille. Je veux mettre en garde les jeunes Africaines contre la propagande capitaliste et les publicités sur ce que la beauté devrait être : ressembler aux femmes blanches, avec des cheveux lisses, etc. Black Woman, pour moi, c’est le black power. Les femmes jouent un rôle central dans le développement de l’Afrique. Ce sont les gardiennes de notre culture, qui est transmise par l’éducation.

(Photo: Romain Rigal)

27/6, 23.00, Move

COULEUR CAFÉ • 27/6, 16 > 3.00, 28/6, 15 > 3.00, 29/6, 15 > 2.00, €42 (combi: €95), THURN/TOUR & TAXIS, rue Picardstraat 3, Brussel/Bruxelles, www.couleurcafe.be

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