Ivan Paduart: Ibiza, loin des paillettes

Georges Tonla Briquet
© Agenda Magazine
06/06/2013
(Ivan Paduart avec le bassiste Philippe Aerts)

Avec Plays Burt Bacharach, le pianiste de jazz Ivan Paduart nous a livré récemment un hommage très réussi au célèbre compositeur américain. Avec son tout nouvel album Ibiza, il revient au trio piano classique, assisté de deux musiciens de haut vol : le bassiste Philippe Aerts et le batteur Hans Van Oosterhout.

Ivan Paduart, pianiste et compositeur, a fait ses débuts au sein du courant de la fusion européenne, tout en développant un style personnel qui l’impose comme un des musiciens jazz les plus lyriques du vieux continent. Dans son nouvel album, il nous livre un jazz mélodique en trio qui associe un lyrisme raffiné et un swing subtil.

Ibiza est un retour à une formule jazz traditionnelle, celle du trio piano.
IVAN PADUART : J’avais tout un tas de nouvelles compositions, et je voulais les coucher sur cd. En plus, la dernière fois que j’étais entré en studio avec un trio, c’était en 2004 pour Blue Landscapes.

Qu’est-ce qui vous plaît dans cette configuration ?
PADUART : Je ressens toujours énormément de plaisir à pouvoir jouer dans un petit ensemble avec de super musiciens, surtout en live. Le bassiste Philippe Aerts et le batteur Hans Van Oosterhout font partie de cette catégorie. Ils se connaissent depuis des années. Nous ne voulons pas aller vers des expérimentations extrêmes, mais simplement raconter une histoire ensemble. Certains trouveront sans doute à redire que je revienne avec un trio. Mais j’ai quarante-sept ans et je veux surtout être honnête avec moi-même. Je laisse les dernières tendances et les trucs à la mode aux autres. Tout en étant persuadé que je peux offrir quelque chose d’intéressant à ceux qui veulent écouter. D’ailleurs je ne pourrais rien faire d’autre, c’est tout ce que je sais faire (rires).

Ibiza n’est pas forcément l’endroit que l’on associe immédiatement avec votre musique...
PADUART : L’île est évidemment connue aujourd’hui pour les grandes fiestas hédonistes et tout le cirque VIP. Cette vie nocturne ne m’intéresse pas. Peu de gens savent que l’intérieur de l’île offre aussi une nature incroyablement belle. C’est d’ailleurs le sens du titre de l’album. On peut trouver un repos absolu dans cet endroit. Il n’y a pas de perturbateurs externes et cela pousse à l’introspection. Voilà comment son nés les morceaux, cela donne un album très personnel.

La présentation de ce nouvel album ne se fait pas dans un jazz-club mais bien dans le temple de la pop et du rock bruxellois. Pourquoi avoir choisi l’Ancienne Belgique?
PADUART : C’est un choix bien réfléchi. Je suis convaincu que j’ai des choses à offrir aux amateurs de musique en dehors du monde du jazz. Et c’est vrai aussi pour d’autres musiciens. Et comme le public n’est peut-être pas assez curieux pour faire le premier pas, j’ai décidé de jouer dans un lieu qu’ils connaissent. Des crossovers comme celui-là devraient aussi être possibles dans les médias. Pourquoi ne sommes-nous pas invités dans des émissions populaires à la radio ou à la tv ? Pourquoi le jazz reçoit-il aussi peu d’attention alors qu’il recèle un énorme potentiel ? Heureusement, il y a aussi des gens qui osent franchir les frontières.

Des trios jazz comme celui de Brad Mehldau and The Bad Plus s’attaquent au répertoire de groupes pop célèbres pour attirer un nouveau public.
PADUART : Effectivement, c’est aussi une manière de faire. Je ne l’ai pas encore essayée parce que je ne suis pas encore prêt, je pense. Mais l’approche m’intéresse. Récemment, j’ai écouté le pianiste suédois Jacob Karlzon dans une version du hit de Michael Sembello, Maniac. Très fort, tout comme The New Standard d’Herbie Hancock. Qui sait ? J’aurai peut-être envie de m’y mettre plus tard.

Avec Plays Burt Bacharach, vous avez récemment rendu hommage au fameux compositeur américain.
PADUART : Hans Kusters, qui est responsable du label September Music, m’a proposé l’idée à la base de ce cd. Il voulait me pousser vers un projet dans lequel je m’appropriais le travail d’un autre compositeur, avec l’idée de proposer une autre facette d’Ivan Paduart sur disque. C’est vrai que d’habitude j’enregistre surtout mes propres compos. Ce n’était pas aussi évident qu’il paraît. Je devais vraiment sortir du bois. Il fallait que je m’immerge d’abord totalement dans son univers, en mettant mes idées et mes a priori de côté. C’était une sorte d’hygiène musicale. Mais quel plaisir j’y ai pris ! Ce bonhomme a écrit des choses fantastiques. De magnifiques mélodies, bien sûr, mais aussi des harmonies si riches qu’il y a plusieurs manières de les aborder. Plays Burt Bacharach est en fait une manière idéale de faire connaissance avec le jazz. La mélodie est le point de départ et tout se développe par le jazz.

Vous êtes allé à New York pour enregistrer. Était-ce vraiment nécessaire pour obtenir le résultat que vous vouliez ?
PADUART : C’était surtout une question pratique. Je voulais travailler avec le saxophoniste Bob Malach. Nous nous connaissons depuis plus de quinze ans. Il proposait d’embarquer le bassiste Jay Anderson et le batteur Clarence Penn. Comme cela n’a pas été possible de synchroniser les agendas de tout le monde pour faire ça en Belgique, je me suis rendu là-bas. Et on a eu la chance de pouvoir compter sur les services de James Farber, qui a été technicien son pour Chick Corea et Pat Metheny, entre autres. Ces musiciens américains sont évidemment familiers avec tous ces morceaux. Ça fait partie de leur culture.

Pourquoi n’assiste-t-on pas au même phénomène en Europe, avec la reprise du travail de compositeurs européens ?
PADUART : Il faut d’abord dire que la culture mélodique des Américains est bien plus forte que la nôtre. Chez nous, le champ est moins vaste, et il y a peu d’artistes qui s’y risquent. On a évidemment L’Âme Des Poètes qui traduit Brel, Trenet ou Brassens en langage jazz. Il y en a d’autres bien sûr, mais on a vite fait le tour. Personnellement, je trouve que l’on n’accorde pas assez d’attention à la mélodie. De plus en plus, on met l’accent sur les grooves, les rythmes asymétriques et les gimmicks de riffs super sexys. Je n’ai pas envie de passer pour un vieux croûton, mais, à part Bert Joris et Diederik Wissels, il y a malheureusement peu de compositeurs capables d’écrire une pure mélodie. On voit plus de bricoleurs que de mélodistes.

Cette tendance des soundscapes sans ligne mélodique peut pourtant conduire à des trips incroyables sur scène.
PADUART : Attention, je n’ai certainement rien contre toute l’évolution de l’électronique et son utilisation dans la musique. Il y a beaucoup de bonnes choses dans ce courant. Je pense, par exemple, à la collaboration entre le génie des machines Craig Armstrong et Bono sur le morceau Stay (Farway So Close). Tout simplement magnifique. Mais pourquoi ? Parce qu’on y retrouve une mélodie.

Ivan Paduart • 8/6, 20.00, €12, Ancienne Belgique, boulevard Anspachlaan 110, Brussel/Bruxelles, www.abconcerts.be & 13/9, 20.15, €10/15, FLAGEY, Heilig Kruisplein/place Sainte-Croix, Elsene/Ixelles, www.flagey.be

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