Les Nuits #2014: Mulatu Astatke

Benjamin Tollet
© Agenda Magazine
21/05/2014
L’éthio-jazz a secoué Addis-Abeba dans les années 60 en fusionnant la diversité rythmique de la musique traditionnelle éthiopienne avec la soul et le jazz fraîchement arrivés des États-Unis. C’était l’âge d’or de la musique éthiopienne et la capitale bouillonnait de clubs de jazz où les grands orchestres se produisaient. Mulatu Astatke, aujourd’hui considéré comme le père de l’éthio-jazz et un des musiciens africains les plus influents du XXe siècle, était alors un jeune vibraphoniste, percussionniste et compositeur qui faisait fureur en ajoutant des sonorités latinos et un peu d’afro-funk pour produire une musique tantôt à écouter, tantôt pour danser.

Grâce aux compilations Éthiopiques de Francis Falceto (Buda Musique), ce style a connu une véritable renaissance à partir de l’an 2000. En 2005, le film Broken Flowers de Jim Jarmusch a utilisé plusieurs morceaux de Mulatu Astatke, ce qui lui a ouvert les portes de la reconnaissance mondiale. Après une collaboration réussie avec les Londoniens The Heliocentrics sur l’album Inspiration Information Vol. 3, Mulatu est de retour, à l’aube de son septantième anniversaire, avec Sketches of Ethiopia sur lequel il dessine littéralement son pays à travers ses différents rythmes traditionnels.

Vous utilisez une panoplie de rythmes issus de différents peuples. Comment se fait-il qu’il y ait autant de traditions musicales en Éthiopie ?
Mulatu Astatke : Crois-moi mon ami, l’Éthiopie est le pays le plus riche du monde en musiques. Il y a des instruments que vous ne trouverez nulle part ailleurs. Ce sont les Bochimans qui ont inventé tous ces instruments. Ce sont de vrais scientifiques, ils ont créé les prototypes d’instruments modernes comme le saxophone, le piano, la flûte, le trombone... Le masenqo est l’ancêtre du violon et le toom, comparable au mbira zimbabwéen, est en quelque sorte le piano africain : une main joue la basse alors que l’autre joue la mélodie. J’utilise plusieurs de ces magnifiques instruments traditionnels, et en même temps, je suis en train de les moderniser. Certains instruments n’ont que cinq notes, d’autres n’en ont que deux. Je les adapte pour qu’ils soient plus compatibles avec les instruments modernes du jazz comme le piano ou le saxophone.
Vous allez bien au-delà de l’éthio-jazz sur cet album. On sent une forte influence malienne.
Astatke : L’éthio-jazz a vu le jour il y a plus de 40 ans et c’était déjà une fusion de styles. Ce métissage continue, on expérimente avec différents genres. J’aime beaucoup la musique malienne. Notre manière de composer est fort différente, mais les notes et les échelles sont similaires, ce qui fait que ces musiques fusionnent à merveille. Je trouve cela important de créer des ponts entre pays africains, des liens forts entre les peuples de ce continent. C’est ma manière de contribuer à une Afrique plus unie.

Sur Surma, on entend la star montante de la musique malienne Fatoumata Diawara.
Astatke : Oui, j’adore sa voix ! Ça faisait un petit temps que je voulais enregistrer avec elle. En plus, elle aime la musique éthiopienne, ce qui est important dans ce genre de collaboration. J’aimerais faire plus de choses avec elle. Pourquoi pas enregistrer un album...

Comment voyez-vous le regain d’intérêt pour l’éthio-jazz un peu partout dans le monde ?
Astatke : C’est tellement beau que tous ces gens jouent si bien la musique éthiopienne. En Angleterre, en France, mais aussi Japon, en Colombie, au Brésil... partout on m’accueille les bras ouverts. C’est le plus grand hommage qu’on puisse faire à ma musique.

Mulatu Astatke • 23/5, 19.00, €20/23, Koninklijk Circus/Cirque Royal, Onderrichtsstraat 81 rue de l’Enseignement, Brussel/Bruxelles, 02-218.37.32, www.cirque-royal.org, www.botanique.be

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