Les Nuits: Amadou & Mariam

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
06/05/2012
(© Benoit Peverelli)

Ils étaient déjà des stars chez eux, au Mali, avant de rencontrer Manu Chao et Damon Albarn et d’exploser au niveau international. Spécialistes du crossover musical, Amadou et Mariam défendront lors des Nuits Bota leur nouvel album enregistré avec une foule d’invités entre New York, Bamako et Paris.

« Nous ne voulons pas oublier notre Mali, nous ne voulons pas oublier l’Afrique ». Les mots d’Amadou Bagayoko sonnent aujourd’hui avec une étrange actualité. Il y a quelques semaines, Amadou et Mariam, le plus célèbre des couples maliens, étaient de passage à Bruxelles pour la promo de leur dernier album, Folila (« Musique » en bambara). C’était avant que le pouvoir civil ne soit renversé à Bamako et que le chaos ne s’abatte sur le pays.
Plus que jamais sans doute, le Mali a besoin de l’indéfectible optimisme de ces deux ambassadeurs de premier plan qui ont mêlé la tradition musicale si riche de leur pays au blues, à la soul, au rock et même aux boucles électroniques. À cheval sur trois continents, Amadou et Mariam n’en finissent plus de développer des collaborations artistiques souvent surprenantes. Sur Folila, ils ont notamment invité la chanteuse américaine Santigold, Tunde et Kyp de TV On The Radio, le rappeur Theophilius London, qui avait remixé le fameux Sabali, Jake Shears des Scissor Sisters, la jeune Londonienne Ebony Bones et, pour quatre morceaux, le Français Bertrand Cantat (ex-Noir Désir), qui semble peu à peu retrouver le sourire après sa nécessaire traversée du désert. «Tout le monde a droit à une seconde chance », dit Mariam.


Après Dimanche à Bamako et Welcome to Mali, le titre de votre nouvel album, Folila, est en bambara. C’est important pour vous d’utiliser cette langue dans vos chansons ?
Mariam :
Oui, c’est très important. Le bambara est la principale langue parlée du Mali. Chaque fois que nous composons, les paroles sont d’abord en bambara. Et c’est seulement après qu’on les traduit dans d’autres langues pour certains morceaux.
Amadou :
Dans tous nos albums, nous essayons de parler du Mali, d’une manière ou d’une autre, soit en utilisant le bambara, soit à travers le contenu des paroles. Nous ne voulons pas oublier notre Mali, nous ne voulons pas oublier l’Afrique.
Dans Africa mon Afrique, vous chantez le multipartisme, la transparence, les élections libres... Cet équilibre entre des morceaux engagés politiquement et des chansons plus légères, sur l’amour par exemple, vous le cherchez volontairement dans la composition d’un album ?
Amadou :
Non, c’est le hasard. On compose au feeling. Si notre musique intéresse les gens, c’est grâce à sa spontanéité. On se laisse guider par notre inspiration plutôt que de choisir un thème à l’avance. Sinon, ça devient forcé. Mais il y aura toujours des messages d’amour et des messages directement liés à la politique. Sur Dimanche à Bamako, c’était le morceau Politic Amagni, dans Welcome to Mali, c’était Ce n’est pas bon. Cette fois, c’est Africa mon Afrique.
...Que vous chantez avec Bertrand Cantat. Son passé est particulièrement lourd à porter et son retour sur scène est loin d’être une évidence. Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec lui ?
Amadou :
Nous pensons que si on laisse les gens dans leur passé, il n’y a pas moyen d’avancer. Il faut donner une chance de se racheter à ceux qui veulent se réintégrer.
Mariam :
Nous avons rencontré Bertrand il y a trois ans, lors de notre concert à Bordeaux. Nous avons discuté avec lui et sa voix nous a beaucoup plu. On aime aussi sa manière de jouer de la guitare et de l’harmonica. Nous l’avons invité au Mali et nous avons passé dix jours ensemble pour répéter et enregistrer.
Amadou :
Comme tous les gens qui y viennent pour la première fois, Bertrand a aimé le Mali. C’est un pays qui change le regard des gens. Le peuple malien est très accueillant, les gens s’intéressent à ceux qui viennent d’ailleurs, ils veulent les aider, voir s’ils peuvent leur être utiles. Tout le monde est souriant, même quand on a des problèmes. C’est très différent de l’Europe où chacun reste dans son coin et s’occupe de ses affaires.

Parallèlement à ce nouvel album, vous poursuivez votre projet Éclipse, entamé en juillet dernier : des concerts dans le noir total. Comment ce projet est-il né ?
Amadou :
Dans nos concerts, nous éteignons souvent la lumière pour un morceau, comme par exemple Je pense à toi. On s’est dit que l’on pourrait essayer de faire la même chose pendant un concert entier. Tout le monde a trouvé l’idée géniale. On nous demande souvent comment nous ressentons la musique en tant qu’aveugles, si nous avons les mêmes perceptions que les autres. Avec ce concert, les gens peuvent profiter autrement de notre univers. L’obscurité permet d’être beaucoup plus concentré. On n’est pas distrait par la tenue de la chanteuse, par les pas de danse des choristes... Il n’y a que la musique.
Mariam :
Éclipse était aussi le nom d’un orchestre auquel participaient des aveugles et des voyants quand nous étions à l’Institut des jeunes aveugles de Bamako.
Pour les musiciens, ça ne doit pas être simple de jouer dans ces conditions...
Mariam :
Au début. Puis on s’habitue.
Amadou :
Lors des premières répétitions dans le noir, il y a même un des instrumentistes qui s’est endormi. On ne dira pas lequel (rires). Quand on connaît bien son instrument, on peut facilement prendre des repères.
Un des morceaux de Folila s’intitule C’est pas facile pour les Aigles. Qui sont ces Aigles ?
Amadou :
Les Aigles, c’est le nom de l’équipe nationale de foot du Mali. On dit que ce n’est pas facile de marquer des buts mais on leur demande quand même beaucoup de courage pour essayer de gagner. Mais le message de la chanson dépasse le cadre du foot : la vie n’est pas toujours facile, mais il faut s’y mettre.
Et pour s’y mettre, votre musique donne une incroyable énergie...
Amadou :
La rythmique de notre musique fait toujours bouger. À la base, on veut transmettre de l’énergie parce qu’on veut donner l’espoir aux gens. Si nous avons réussi à en arriver là aujourd’hui, c’est parce que nous avons nous-mêmes reçu beaucoup d’énergie. Nous pensons que la musique est une fête. Nous voulons lancer des messages positifs, en disant que tout peut changer. Il ne faut pas se laisser abattre.
(© Benoit Peverelli)

> Amadou & Mariam 13/5 • 20.00, €22/25/26/29, Koninklijk Circus/Cirque Royal

Les Nuits
10 > 21/5 • Botanique Koningsstraat 236 rue Royale, Sint-Joost-ten-Node/Saint-Josse-ten-Noode, 02-218.37.32, www.botanique.be & Koninklijk Circus/Cirque Royal Onderrichtsstraat 81 rue de l’Enseignement, Brussel/Bruxelles, 02-218.20.15, www.cirque-royal.org

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