Local Natives : des nuages sur L.A.

Tom Zonderman
© Agenda Magazine
29/11/2012
(© Bryan Sheffield)

Le deuxième album de Local Natives, attendu depuis longtemps, sort bientôt. Pour l’enregistrer, les petits frères West Coast de Grizzly Bear se sont rendus dans la tanière de l’Ours, à New York. «Une idée complètement idiote, mais ça a bien fonctionné».

Hummingbird (« Colibri ») – ainsi s’intitule leur second album – volettera dans notre direction seulement fin janvier, mais nous avons déjà pu l’écouter. Sous le charme, nous avons contacté par téléphone le multi-instrumentiste, chanteur et auteur Ryan Hahn, membre du noyau du groupe avec Kelcey Ayer et Taylor Rice. Ce matin-là, il faisait gris à L.A. « Nous avons beaucoup, beaucoup tourné avec notre premier album. À présent, nous pouvons enfin jouer de nouveaux morceaux », déclare-t-il comme si un grand poids était tombé de ses épaules.

Cette semaine, le combo de Silver Lake présente son nouvel album en primeur dans la Rotonde du Botanique. Nous les avions vu au même endroit début 2010, juste avant la sortie de leur premier effort, Gorilla Manor. Un concert phénoménal. Malgré l’interminable tournée qui a conduit le groupe aux quatre coins du monde, Hahn se rappelle encore bien de cette soirée. (Enthousiaste) « C’était vraiment formidable ! Quand on nous demande quelle est notre prestation favorite, ce concert nous revient toujours en tête. L’énergie était incroyable. Depuis, nous jouons pour des publics bien plus grands, mais cet endroit intime est tellement chouette qu’on y revient avec plaisir ». En bonus, le groupe s’était risqué à une reprise acoustique, sans amplification, de Cecilia de Simon & Garfunkel. « C’était une décision de dernière minute qui a bien tourné », dit Hahn en riant. « Mais en fait, depuis ce jour-là, on n’a plus jamais joué cette chanson ».

Bricolages

Sur Gorilla Manor, on pouvait lister les influences du groupe grosso modo comme ceci : des harmonies à la Crosby, Stills & Nash avec une pincée de post-punk et de guitares afro-pop. On épinglait aussi la cover significative de Warning Sign des Talking Heads. Sur le nouvel album, ce sont d’autres artistes qui ont influencé les morceaux. Ainsi, les membres du groupe sont passés par une phase Dylan-et-Cohen. « Neil Young s’imposait aussi régulièrement », précise Hahn. On the Beach, Live at Massey Hall 1971... Songs of Leonard Cohen, Songs from a Room et Songs of Love and Hate de Leonard Cohen ont tourné en boucle. Et puis Death of a Ladies’ Man, qui est moins connu. C’est l’album que Phil Spector a produit et que manifestement, Cohen détestait profondément (rires). Mais Cohen est tellement bon que même là, il y a des chansons magnifiques ».
La musique de ces incontournables song-writers a surtout influencé les paroles, qui sont beaucoup plus directes, plus expressives, plus sincères, explique Hahn. Mais il n’a certainement pas fait de Hummingbird un album de singer-songwriter folky et acoustique. « D’autres influences se sont glissées dans la musique. Nous avons beaucoup joué avec des éléments rythmiques. Pas des polyrythmies ou des beats afro-pop, mais des loops et une batterie électronique ». Et le batteur Matt Frazier alors ? « Est-ce qu’il n’avait plus de boulot ? Non, au contraire, il fait vraiment des merveilles sur cet album. En fait, nous avons deux batteurs puisque Kelcey se débrouille aussi pas mal avec une batterie, mais maintenant, Matt joue les passages compliqués tout à fait seul. Ça a donné une nouvelle dimension à notre musique parce que de cette façon, Kelcey avait plus de place pour les claviers ». Il y a effectivement pas mal d’electronica dans ce nouvel album. You & I est propulsé par une batterie électronique et Three Months se compose principalement de samples. « J’ai toujours des bouts de chansons sur mon laptop, une grosse caisse d’un vieux morceau de northern soul, des cymbales un peu rocksteady. Je bricolais avec ça dans ma chambre, mais cette fois, je l’ai fait avec une chanson de Local Natives. Ça rendait les autres un peu nerveux, mais ils ont vite été amadoués » (rires).

Mammouth

Pour l’enregistrement de leurs albums, les groupes de la scène new-yorkaise – Dirty Projectors, Grizzly Bear – se rendent souvent loin de leur zone de confort, loin des distractions. Local Natives a fait plus ou moins la même chose et a troqué L.A. pour... New York. « Une idée idiote (rires). S’il y a bien un lieu rempli de distractions, c’est New York. Mais heureusement, ça a bien fonctionné ». Le groupe a trouvé refuge chez Aaron Dessner de The National, qui a un petit studio dans le garage de son logement à Ditmas Park, un quartier tranquille de Brooklyn. Pour Gorilla Manor, le quatuor avait essayé autant que possible de capturer une atmosphère live, mais là, il découvrait le studio. « Nous avions déjà pas mal travaillé sur les démos. Ainsi, nous sommes allés loger une semaine dans le désert de Joshua Tree, dans une de ces dome houses, où nous avons mis Wooly Mammoth en boîte. Nous avons ensuite pu assez bien recréer en studio la résonance de ce vaste espace. Aaron nous donnait beaucoup de conseils. Il a été comme un grand frère pour nous ».
(© Bryan Sheffield)

Leur marque de fabrique, ces harmonies qui filent droit vers le ciel, est à présent enfouie un peu plus loin. Les cassures à la batterie sont un peu moins impétueuses et les guitares édifient un mur de son plutôt que de minauder avec des solos cinglants. « Nous avons vraiment décortiqué de nouvelles sonorités », poursuit Hahn. « Du krautrock et de la pop eighties, de Cocteau Twins, New Order, Joy Division. Portishead aussi. Dans l’ensemble, c’était plus sombre ». Sur Hummingbird, les vibes ensoleillées qui ont valu au groupe le surnom de « West Coast Grizzly Bear » sont un peu cachées derrière les nuages. « Il s’est passé beaucoup de choses ces deux dernières années. Nous avons vécu des hauts incroyables mais aussi des bas très profonds. Quand tu es constamment en tournée, tu vis dans une sorte de bulle. Quand tu reviens chez toi, le retour à la réalité est d’autant plus grand ».

Andy Hamm a quitté le groupe, ce qu’ils ont appelé eux-mêmes un « heartbreaking split ». Et l’été dernier, la mère de Kelcey Ayer est décédée, une disparition qu’il a canalisée dans le morceau Colombia. « C’est dur. Mais ça nous a permis de nous rendre mieux compte du côté formidable
de notre vie de musiciens. Nous avons perdu une partie de notre innocence ces deux dernières années, mais avec la musique, nous restons jeunes et enthousiastes. Le côté happiness qu’il y avait dans Gorilla Manor est devenu une joy. Une émotion plus profonde, plus adulte ».

Local Natives • 5/12, 19.30, SOLD OUT!, Botanique, Koningsstraat 236 rue Royale, 
Sint-Joost-ten-Node/Saint-Josse-ten-Noode, 02-218.37.32, www.botanique.be

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