Paul Banks : seul et à visage découvert

Nicolas Alsteen
© Agenda Magazine
22/01/2013
(Helena Christensen)

Paul Banks, chanteur du groupe new-yorkais Interpol, s’offre un second album solo. Baptisé Banks comme son auteur, ce disque met en avant sa voix sépulcrale et intense. L’artiste y couche ses souvenirs et ses expériences personnelles sur un lit new wave matelassé de pop moderne. Du travail de pro.

De ces jours-ci, on réédite en grande pompe l’album Turn on the Bright Lights, un condensé de rock intemporel mis en lumière dès l’entame du XXIe siècle par de ténébreux New-Yorkais, quatre gars regroupés sous la bannière d’Interpol. Ici, ni flingue ni police criminelle, juste une formation acquise à la cause des guitares mélancoliques et des mélodies new wave. Depuis la sortie de cette pierre angulaire du rock, Interpol a fait son chemin, partagé l’affiche avec les plus grands (The Cure, U2) et inscrit trois autres chapitres à sa discographie. Au micro de cette aventure collective, il y a Paul Banks, dandy à la voix fatale, habitée et sépulcrale. Après une première expédition solo sous le pseudo Julian Plenti, le chanteur avance désormais à visage découvert. Sous son nom, il signe un second album, Banks, chargé d’histoires et d’intrigues personnelles.
Si Paul Banks s’émancipe, il ne renonce pas pour autant à son image de crooner introspectif. Profonde, intense, sa voix de baryton hante l’espace et dessine des étoiles dans la nuit d’un ciel d’hiver. Seul sur le bitume de la pop new-yorkaise, l’artiste explore les recoins de son destin. À travers l’album Banks, l’homme fort d’Interpol parle de lui (Young Again), de ses vieux démons (Paid For That), de ses espoirs (The Base) et envies d’ailleurs (Lisbon). À 34 ans, Paul Banks est enfin libre de ses mouvements. Et cela s’entend.

Travailler seul, à l’écart du groupe, c’est une solution de facilité ?
Paul Banks : Avec Interpol, l’équation est totalement différente dans la mesure où je réponds aux idées du guitariste Daniel Kessler. J’aime sa manière de composer et de jouer. Dans le groupe, j’adhère à un ensemble. En solo, je fais ce que je veux. Sans aucune limite. Si je ne donne pas mes chansons à Interpol, c’est d’abord par respect pour notre mode de fonctionnement. Au sein de la formation, chacun a sa fonction. Chaque rôle est clairement défini. On a trouvé un équilibre et je ne tiens pas à le bouleverser.

En 2009, vous avez publié un album sous le pseudonyme Julian Plenti. Qui était ce personnage derrière lequel vous vous cachiez ?
Banks : Avant de rejoindre Interpol, j’avais signé quelques morceaux sous ce patronyme. C’était entre 1996 et 1998. Il s’agissait de mon premier nom de scène. Quand j’ai accepté de jouer avec le groupe, je me suis promis de revenir un jour à mes compositions. Ça me tenait à cœur. Au sein d’Interpol, je ne suis pas le compositeur principal. Alors, à l’approche de mes 30 ans, j’ai évacué la frustration et tourné la page en enregistrant mes chansons sous le nom de Julian Plenti. À l’époque, ma maison de disques aurait sans doute préféré que je joue sous mon nom : « Paul Banks, le chanteur d’Interpol ». Cela aurait peut-être amené plus de gens à écouter le projet. Mais je voulais vraiment que mon premier album sorte comme celui de n’importe quel autre artiste. Simplement. Sans aucune référence à Interpol. Je n’avais pas envie de capitaliser là-dessus. J’ai donc sorti mon disque sous ce pseudo. Cette fois, je reviens avec du matériel tout neuf, des chansons totalement indépendantes de mes premières expériences musicales. Jouer sous mon propre nom, ça correspond à l’envie d’aller de l’avant. Je préfère me projeter dans le futur plutôt que de regarder en arrière. Entre les deux albums, j’ai publié sous mon nom un EP intitulé Julian Plenti Lives. Je crois que cet enregistrement marque bien la transition entre les deux expériences.

Sur l’album, on trouve deux instrumentaux. Est-ce une façon d’aérer le disque ou une piste d’exploration à venir ?
Banks : J’adore la musique instrumentale. Je compose régulièrement des trucs sans poser ma voix dessus. Sur la longueur d’un album, ça crée de l’espace entre les chansons. Je pense que certains morceaux n’ont pas besoin de paroles pour exister : ils sont plus percutants sans le chant. Si j’avais la matière pour enregistrer un bon disque instrumental, je le ferais sans hésiter. Encore faut-il avoir les bonnes compositions. J’espère m’y consacrer pleinement un jour ou l’autre.
Une chanson du nouvel album s’intitule Young Again. Est-ce la traduction d’un sentiment personnel, d’un feeling actuel ?
Banks : C’est davantage un état d’esprit inspiré par mon adolescence. Je crois que la majorité des gens se définissent en tant qu’adultes entre 15 et 20 ans. C’est à cet âge-là qu’on se fixe des objectifs à atteindre. Young Again, c’est ma façon de dire « j’ai donné ». J’ai essayé de répondre à mes ambitions. D’un côté, cela me procure un sentiment de satisfaction, une forme d’accomplissement personnel. D’un autre côté, une certaine nostalgie pointe le bout du nez… Aujourd’hui, je n’ai plus l’impression de « devoir » quoi que ce soit à mes rêves d’ado. Young Again remet en perspective cette période de mon existence. Il y est question d’ambition, d’absolu, de romantisme et de rébellion. Ce sont des choses qui ressurgissent de temps à autre mais qui, je le sais, appartiennent au passé. J’aime ce genre de chanson à la fois énergique et totalement mélancolique.

La mélancolie, justement, est un trait de caractère qui façonne votre image de marque. À juste titre ?
Banks : C’est vrai que j’ai une propension à la mélancolie. Cela étant, Interpol n’est pas la tribune idéale pour afficher son sens de l’humour (sourire). On zappe souvent l’aspect ironique des choses quand on évoque ma musique. De nombreuses personnes pensent que je chante exclusivement des trucs sérieux et dépressifs. J’admets que mes morceaux évoquent souvent des histoires tragiques, que le ton employé est souvent sobre et dramatique mais, dans certaines chansons, on peut déceler d’autres facettes de ma personnalité. Ce serait dommage de passer à côté.

Récemment, Azealia Banks, nouvelle égérie du hip-hop américain, a déclaré dans les pages du célèbre magazine anglais NME qu’elle « bavait sur vous »… Par ailleurs, elle a repris le morceau Slow Hands d’Interpol. Quelle a été votre réaction en découvrant cette reprise ?
Banks : Je connaissais sa reprise bien avant son succès et avant le coup de projecteur médiatique qui a suivi la sortie de son single 212. D’ailleurs, j’en ai la preuve : elle était déjà au casting du précédent album d’Interpol ! Elle assure les chœurs sur le morceau Memory Serves. Sa présence était discrète, mais elle souhaitait vraiment faire quelque chose avec nous. C’est une fille géniale, énergique et spontanée. L’enthousiasme qu’elle suscite aujourd’hui ne m’étonne pas tant que ça finalement.

Paul Banks • 25/1, 20.00, €22/25, Ancienne Belgique, boulevard Anspachlaan 110, Brussel/Bruxelles, 02-548.24.24, info@abconcerts.be, www.abconcerts.be

Fijn dat je wil reageren. Wie reageert, gaat akkoord met onze huisregels. Hoe reageren via Disqus? Een woordje uitleg.

Read more about: Muziek

Iets gezien in de stad? Meld het aan onze redactie

Site by wieni