Silence Is Sexy: Hauschka

Nicolas Alsteen
© Agenda Magazine
10/04/2014
Volker Bertelmann endosse le costume d’Hauschka et pose les doigts sur un piano. Seul derrière son instrument, le compositeur et musicien allemand rénove les préceptes de John Cage, Steve Reich et autres Philip Glass. Il sera de passage à l’AB dans le cadre du cycle Silence is Sexy.

Conçu comme un périple à travers plusieurs villes fantômes du globe, Abandoned City, le nouvel album d’Hauschka, traverse des paysages abandonnés par les hommes (de Prypiat à Craco) et imagine une symphonie sombre et majestueuse. Entre grandeur et décadence, fascination et (dés)enchantement, Hauschka compose une œuvre immense : un disque où il fait bon vivre.

À quand remonte votre passion pour le piano ?
Volker Bertelmann : J’ai commencé à prendre des leçons de piano juste avant de fêter mon dixième anniversaire. À l’époque, je vivais à Ferndorf, un village près de Cologne. Un soir, j’ai accompagné ma mère à l’église. Durant la messe, un type jouait du piano. Ça me fascinait. Je suis allé le trouver et il m’a expliqué qu’il interprétait du Chopin... Suite à cette rencontre, je suis allé voir ma mère pour lui proposer de m’inscrire à un cours de piano avec lui. Elle n’a pas eu trop le choix : il n’y avait pas d’autres profs dans le coin. Après cinq années de cours, j’étais devenu meilleur que mon professeur. Alors, j’ai dû changer d’air… Je me suis procuré un synthétiseur – un Moog – et j’ai rejoint un groupe de rock. À partir de là, j’ai commencé à expérimenter sur les sons, à essayer de nouvelles choses. À 18 ans, j’ai eu l’opportunité de composer la bande-son d’une série télé. Pour la première fois, on me donnait de l’argent pour ma musique… Je crois que cette expérience a changé ma vie. C’est comme ça que j’ai arrêté mes études de médecine pour me consacrer pleinement à la musique.

Vous avez composé votre nouvel album juste après la naissance de votre petit garçon. Pourtant, l’ambiance musicale d’Abandoned City n’est pas vraiment à l’euphorie…
Bertelmann : C’est mon troisième enfant. Il s’appelle Luka. Ma plus grande a déjà 16 ans. Autrement dit, je suis coutumier de l’extase post-natale et, surtout, beaucoup plus conscient de ce qui m’attend… (Sourire) Juste après la naissance de mon fils, j’ai été submergé par des émotions contradictoires. Quand un enfant voit le jour, il arrive qu’on éprouve des sentiments étranges. La naissance de mon petit garçon m’a ainsi confronté à mon âge, au temps qui passe, à l’usure des années… Parallèlement, je ressentais le besoin de composer, de me poser derrière un piano. Mais mon temps libre avait fondu comme un glaçon sous le soleil… Finalement, cette situation d’urgence a dopé ma créativité. En dix jours, Abandoned City était bouclé.
Abandoned City est la bande-son imaginaire des villes désaffectées ou quasiment inhabitées. D’où vient cette idée ?
Bertelmann : Quand j’ai achevé mon travail, j’ai constaté les dégâts. (Sourire) L’ambiance des compos était assez sombre et dramatique. Les morceaux contenaient une véritable dynamique et répondaient à des logiques symphoniques. Partant de là, j’ai essayé de trouver une idée susceptible d’englober tous les morceaux... La naissance de mon enfant m’a donné l’impression d’être seul au monde, seul face à mon bonheur, ma tristesse, mes satisfactions et mes désillusions. Je cherchais donc un titre pouvant contenir cet état d’âme. Un jour, je suis allé à San Francisco pour rendre visite à un ami. Chez lui, sur un mur, il y avait une photo encadrée : un building abandonné. Cette image m’a renvoyé à une idée de solitude, de plénitude et d’abandon. Je me suis alors penché sur le thème des cités désertées et j’ai trouvé ça terriblement inspirant.

Qu’avez-vous appris de cette thématique ?
Bertelmann : Que chaque ville a une histoire différente. Ces déserts urbains ne s’expliquent pas toujours par une guerre ou des conflits. J’ai développé une sorte de fascination pour ces endroits. Pour le disque, je me suis d’abord intéressé à une trentaine de lieux. Mais en cherchant, j’ai appris qu’il existait plus de 2.500 villes abandonnées dans le monde. C’est énorme ! Celle qui m’intrigue le plus, c’est Sanzhi Pod City. C’était une cité de science-fiction constituée de buildings futuristes. Elle se situait dans une région paumée au bord de l’eau, à quelques kilomètres de Taïwan. Pour d’obscures raisons, la ville n’a jamais été habitée. Elle a été construite en 1978 et est restée inoccupée pendant 30 ans. Suite à de récentes décisions politiques, les lieux ont été démolis. Au final, je n’ai visité aucun des endroits mentionnés dans l’album. C’est juste un fantasme et quelques projections musicales opérées a posteriori.

Silence Is Sexy: Hauschka • 12/4, 20.00, €12/15, Ancienne Belgique, boulevard Anspachlaan 110, Brussel/Bruxelles, 02-548.24.24,www.abconcerts.be


Le son du silence

Depuis quelques années, l’AB a instauré le cycle Silence Is Sexy : l’occasion rêvée pour surfer sur la vague des nouveaux compositeurs contemporains. À la croisée des chemins, ceux-ci explorent des lignes d’expressions alternatives, souvent à cheval entre l’électronique et les mélodies pop. Véritable ambassadeur de cette vision hybride, Hauschka ouvre cette semaine la voie à une série de concerts délicats. Le vendredi 18 avril, l’affiche de Silence Is Sexy s’abandonne ainsi dans les bras de l’Américaine Christina Vantzou. Installée à Bruxelles depuis quelques années, la réalisatrice délaisse le monde du cinéma le temps d’une symphonie imprégnée de mélancolie. Violon, synthétiseur, harpe et violoncelle se bousculent au cœur de son univers. Quelques jours plus tard, le vendredi 9 mai, l’AB accueille la violoncelliste Lori Goldston. Héroïne d’un soir sur le plateau de MTV, elle restera dans les annales du rock pour avoir enlacé de ses cordes majestueuses les chansons de Nirvana lors du fameux Unplugged in New York. Par ailleurs, la musicienne américaine a déjà prêté ses talents classiques à de nombreux artistes du circuit alternatif. Cat Power, David Byrne, Earth ou Matana Roberts lui doivent notamment quelques arrangements. Silence Is Sexy nous propose cette fois de découvrir son œuvre personnelle.

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