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Les Mybalés font bouger le KVS au rhythme du hip-hop

Gilles Bechet
© BRUZZ
24/10/2017

La scène hip-hop bruxelloise est en ébullition. Caballero, Damso et Roméo Elvis ont ouvert le bal en scandant que « Bruxelles arrive », c’est maintenant au tour de la danse urbaine de passer de la rue à la grande scène (du KVS) avec le Festival Lezarts Danses Urbaines. Faites place au duo gémellaire Les Mybalés.

Les sœurs jumelles de 25 ans Doris et Nathalie Bokongo Nkumu qui ont grandi dans la danse, ont trouvé dans le hip-hop la culture et le langage pour enchanter leur monde. C’est dans les halls des gares qu’elles ont exploré et développé leur gestuelle, leur énergie et leur complicité. Avides d’apprendre, elles ont goûté à d’autres danses dans les cultures urbaines et en dehors.

Avec leur premier spectacle créé avec l’appui de la chorégraphe Marion Motin, elles ont commencé à se produire en salle en Belgique et à l’étranger. Au KVS, elles ont participé au spectacle transculturel Malcolm X. Les voici de retour rue de Flandre pour le Festival Lezarts Danses Urbaines où elles présenteront, au KVS Box, la première ébauche de leur nouvelle création autour de la gémellité. Évidemment fusionnelle.

D’où vient votre passion pour la danse hip-hop, comment cela a-t-il commencé ?
Doris Bokonga Nkumu : Il y avait toujours beaucoup de musique à la maison et on a toujours aimé danser et bouger. On faisait des petits spectacles pour la famille. En grandissant, on a découvert le hip-hop qu’on a commencé à danser entre amis. On savait qu’il y avait des crews qui se réunissaient à la gare du Luxembourg pour danser. On est allées voir par curiosité.

Et tout de suite ça nous a plu, on a eu envie de rester. On est venues s’entraîner trois fois par semaine. On se regardait danser les uns les autres et on faisait des exercices. Il n’y avait pas vraiment de professeurs, c’était généralement les plus anciens qui montraient aux plus jeunes ce qu’ils savaient faire.

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Comment un hobby est-il devenu une occupation à plein temps ?
Nathalie Bokonga Nkumu : Quand on était jeunes, c’était en mode: on va s’entraîner et danser avec des amis. Et puis on a commencé à voir ça autrement que comme un simple amusement. On a eu envie de participer à des battles et on s’est mises à structurer nos mouvements, établir un programme d’entraînements et réfléchir à ce qu’on voulait faire passer. Le déclic n’est pas venu directement. On s’est dit qu’on pourrait peut-être vivre de ça et toucher plus de monde en travaillant des spectacles pour la scène.

Et vous avez commencé par développer votre propre style.
Doris : Dans notre danse, il y a différents styles qui se mélangent, on s’est beaucoup inspirées de tous les courants du hip-hop, de la danse africaine, du reggae ou de la danse contemporaine. On a toujours eu la curiosité de s’intéresser aux autres danses par des workshops et des masterclass.

Et vous avez même été jusqu’aux États-Unis pour apprendre ?
Doris : On a eu envie d’aller aux sources du hip-hop et de rencontrer les piliers du mouvement. On a passé un mois à New York où on a profité de l’énergie et de la vibe de la ville. On avait bien préparé le séjour. Dès le premier jour, on s’est inscrites aux cours qui nous intéressaient. On a fait de la danse contemporaine, du jazz, de l’afro. On est parties pour la danse et on a fait que ça pendant un mois, ça nous a ressourcées.

Quand vous vous êtes produites en salle avec un premier spectacle, ça a dû vous changer des gares ?
Doris : Oui, c’était très différent. Notre première scène à deux, c’était à Bozar. C’était très intimidant, mais on était très confiantes. On a pris plaisir à être sur scène pour partager nos mouvements, notre énergie et notre connexion.

Une fois que vous avez commencé à tourner dans des salles, avez-vous continué à vous entraîner à la gare ?
Nathalie : On a besoin de garder ce contact avec nos racines. Ça nous fait du bien de nous retrouver avec les danseurs. C’est de là qu’on vient et ce n’est pas parce qu’on présente un spectacle en salle qu’on va effacer nos origines. Pour nous c’est revenir à la source, c’est comme un repère.

Doris : Avant d’être des danseuses, on est d’abord des filles du mouvement hip-hop, c’est ça qui nous a donné notre manière de voir, de penser, de danser. On est dans cet esprit-là et on le restera. Quand on est sur scène, on a envie de faire parler notre âme hip-hop, c’est au cœur de tout ce qu’on fait et on ne veut certainement pas l’effacer.

D’où vient le nom Les Mybalés ?
Nathalie : C’est en lien avec nos racines. On est d’origine congolaise, mybalé veut dire « deux » en lingala. C’est en fait le danseur Zach Swagga qui nous a initiées à la house dance qui nous avait proposé ce nom. On s’est vite senties bien avec et maintenant presque plus personne ne nous a plus appelées Doris et Nathalie.

Vous avez participé à pas mal de battles, comment ça se passe ?
Doris : On se rencontre deux contre deux ou plus généralement un contre un et il y a toute une série d’éliminatoires jusqu’à la finale. À chaque étape, on a de 45 secondes à une minute pour se défendre. Une battle, il faut la préparer, revoir des mouvements, des enchaînements, c’est comme un athlète qui prépare les jeux olympiques. Il y a bien évidemment une bonne dose de stress parce qu’on veut bien faire.

Qu’est-ce que ça vous apporte ?
Doris : Il faut s’adapter parce qu’on ne connaît pas à l’avance les breaks ou les mix que le DJ va balancer, mais ça s’apprend. Tu ne dois pas prendre ton temps, il faut être efficace. Toujours dans l’énergie. On te juge sur ton groove, sur ta technique, sur ton originalité. Tu es là pour montrer ce que tu as, si tu as gagné quelque chose en plus, c’est top. Si tu vas en finale, tu as eu l’occasion de montrer l’éventail de ce que tu sais faire. On n’en fait plus pour le moment parce qu’on n’a plus le temps, mais on y reviendra certainement.

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Vous avez fait une performance à Bozar dans le cadre de Yo!. Qu’est-ce que ce genre d’exposition représente, la récupération ou la consécration culturelle ?
Doris : Tout le monde a le droit de s’intéresser à la culture hip-hop. Parmi les gens qui viennent pour la première fois à l’un de nos spectacles, il y en a qui sont attirés par ça et d’autres qui ont entendu ou vu des choses complètement fausses sur le hip-hop. Il vaut toujours mieux se faire une idée par soi-même. C’est comme quand on dit : « je n’aime pas les chicons », il faut d’abord les goûter avant de se prononcer.

Au KVS, vous avez aussi participé au spectacle Malcolm X de Fikry El Azzouzi et Junior Mthombeni.
Doris : C’était une expérience complètement nouvelle pour nous. C’était magnifique. On a pu rencontrer beaucoup de gens. De là où on vient on n’aurait jamais imaginé participer à un spectacle comme ça avec une bande de ouf, des comédiens, des rappeurs, des danseurs.

Nathalie : Pour le peu qu’on nous demandait de réciter, une seule phrase, on a reçu des conseils très utiles. Comme on n’a jamais suivi des cours de comédie, ça nous donne des astuces pour nos propres spectacles. C’est vraiment une bonne expérience.

Votre nouveau spectacle aborde le thème de la gémellité, c’était une évidence ?
Doris : C’est un nouveau challenge pour nous puisqu’on va le chorégraphier et l’interpréter. Ça nous tenait à cœur. Le but n’est pas d’expliquer la vie de jumelles. On a fait beaucoup de recherches, on a regardé des documentaires, des fictions et des témoignages. Ma sœur et moi, nous sommes fusionnelles, mais entre jumeaux, ce n’est pas toujours l’amour fou ou la fusion. On a rencontré d’autres jumeaux. On a parlé avec notre entourage pour avoir un regard extérieur et entendre les questions que les gens peuvent se poser sur la gémellité.

Après ça, on a commencé à structurer notre travail par étapes au cours de différentes résidences. On a fait des exercices où on se donnait des contraintes comme, par exemple, se regarder et ne plus se quitter des yeux, quel que soit le mouvement. On essaie de travailler vraiment en symbiose pour avancer plus loin.

Ça fait quelle différence de travailler à deux quand on est jumelles ?
Doris : On se connaît toutes les deux. On aime travailler ensemble, c’est plus évident. Quand je m’entraîne avec une autre personne, c’est différent.

Nathalie : Travailler avec Doris, c’est plus facile, on se comprend. Il y a une connexion, une énergie qui est là, elle est naturelle, pas calculée.

Cherchez-vous à vous surprendre aussi ?
Doris : Comme elle sent ce que je fais, on aime bien se surprendre. On aime bien se challenger. Elle va voir que j’ai une idée de feu. Dans la danse, c’est comme dans la vie, on aime se surprendre. Même si on se connaît, c’est toujours bien de se surpasser, sinon on stagne. On veut évoluer, grandir, entre nous.

Comment vous verriez-vous dans cinq ans ?
Nathalie : Je voudrais bien chorégraphier une compagnie et voyager avec notre production.

Doris : J’ai envie que notre spectacle soit un succès pour qu’on puisse le présenter dans différents endroits. J’aimerais aussi travailler avec d’autres gens, danseurs, artistes ou musiciens. Comme on fait maintenant, en fait, mais encore plus.

> Festival Lezarts Danses Urbaines. 28/10, KVS, Bruxelles

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LEZARTS DANSES URBAINES
Depuis quinze ans, le Festival Lezarts Danses Urbaines prend le pouls de la danse hip-hop qui se réinvente sans cesse depuis la rue et les salles de quartier jusqu’aux scènes plus officielles où elles rencontrent un autre public. Explications avec Kristin Rogghe, dramaturge urbaine au KVS et Flora Chassang, responsable du chantier danse chez Lezarts Urbains.

Tu crump ou tu lock ?
Hip-hop, breakdance, pop and lock, new style, afro house ou crump. Si tout ça c’est encore du chinois pour vous, ne paniquez pas, le Festival Lezarts Danses Urbaines, organisé par Lezarts Urbains en partenariat avec le KVS, devrait vous permettre d’y voir plus clair dans tous ces styles de danses urbaines. Pendant une journée, des crews d’amateurs, venus d’écoles de danse, des personnalités émergentes ou des danseurs pros de la scène hip-hop vont vous surprendre par leur créativité et leur technique.

La maison du hip-hop ?
Le KVS est une maison ouverte sur la ville qui a déjà accueilli des spectacles qui laissent parler la danse hip-hop, mais c’est la première fois qu’ils accueillent une journée de festival. « À Bruxelles, c’est une scène créative et dynamique à laquelle nous voulons donner de la place en nous associant avec ceux qui ont l’expertise et l’expérience de cette culture », explique Kristin Rogghe.

« Nous avons fait quelques suggestions dans la programmation en invitant Sheyda Darab, une chorégraphe d’Amsterdam en collaboration avec Right About Now Inc. Ce qui nous permet aussi de proposer à un des artistes que nous soutenons, Yassin Mrabtifi, une résidence à Amsterdam pour son spectacle From Molenbeek with love qui sera présenté en avril 2018 au KVS. »

Bruxelles, une ville hip-hop ?
Le festival, qui en est à sa quinzième édition, a suivi l’évolution de la scène hip-hop dans la capitale. « Il y a énormément de danseurs urbains à Bruxelles comme dans les autres grandes villes. Ce sont des jeunes très motivés qui ont envie de se professionnaliser, mais malheureusement, il y a encore très peu de formations et de scènes en dehors du tremplin hip-hop au centre culturel Jacques Franck. Aux Lezarts Urbains, nous soutenons et accompagnons à l’année quelques groupes », explique Flora Chassang.

Des danseurs qui en veulent plus ?
« Il y a des danseurs urbains qui ont envie d’évoluer vers la danse contemporaine et d’autres qui veulent approfondir le style hip-hop. Je crois qu’il est important de créer des conditions pour qu’ils puissent, les uns comme les autres, travailler dans de bonnes conditions techniques et partager leurs expériences », poursuit Flora Chassang.

« C’est aussi la raison pour laquelle nous venons de commencer, avec des théâtres partenaires, le projet européen Mind Your Step qui offre à des danseurs urbains en résidence les moyens techniques et logistiques pour développer leurs propres créations dans le cadre qu’ils ont choisi. Nous leur proposons aussi des workshops et masterclass autour, par exemple, de la production et de la gestion financière d’un spectacle », conclut Kristin Rogghe.

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