Alice au pays intérieur

Gilles Bechet
© Agenda Magazine
02/10/2014
C’est à l’occasion de son exercice de fin d’études en Master de mise en scène à l’IAD qu’Ahmed Ayed a pour la première fois suivi Alice sur les traces du Lapin blanc. Deux ans plus tard, il se replonge dans le chef-d’œuvre de Lewis Carroll avec les mêmes comédiens et à peine plus de moyens. Alice a grandi et a perdu son innocence. Plus qu’un rêve, le voyage au pays des merveilles est devenu le sombre terrain d’une quête intérieure. Débarrassée du rassurant vernis du passé, l’Alice d’Ahmed Ayed nous tend un miroir angoissant sur nos questionnements identitaires.

Alice au pays des merveilles appartient à l’imaginaire collectif. Avez-vous choisi la fidélité au texte ou une adaptation plus libre ?
Ahmed Ayed : C’est une adaptation subjective. J’ai pris ce qui m’intéressait. On a enlevé ce qui nous paraissait un peu daté, victorien, mais le texte reste très beau, avec des passages très forts. On oscille donc entre les moments de fidélité et des séquences plus subjectives. Entre les deux versions, on a encore enlevé une demi-heure de texte, ce qui nous a permis de raconter autrement ce qui est dit par les mots. Une image m’intéresse davantage parce qu’elle peut hanter un esprit plus longtemps que des mots. Comme une espèce de mirage.

Un premier spectacle est souvent une carte de visite et un acte d’affirmation. Quel théâtre vous fait vibrer ?
Ayed : Pour ce spectacle, j’avais envie d’un théâtre d’images, conçu comme un spectacle total. Je viens aussi de la danse et j’attache beaucoup d’importance au travail du corps. Tous les personnages que rencontre Alice sont masqués, ce qui demande beaucoup au corps et permet un jeu plus expressionniste. J’ai envie qu’Alice soit comme une œuvre complète avec des procédés proches du cinéma où les lumières et la musique sont également essentielles.
Avez-vous vécu le manque de moyens comme une contrainte ou au contraire comme un aiguillon à la création ?
Ayed : Le manque d’argent crée d’abord des problèmes pour le salaire des comédiens, cela joue sur ce que l’on ose demander aux gens. Mais ça a amené à un côté « récup » qui a déterminé notre esthétique, mais qui est aussi un univers dans lequel je me sens bien. Alice est un grand spectacle avec le budget d’une toute petite production. Ce qu’on a réalisé en scénographie est extraordinaire. On a une vingtaine de personnages avec souvent une machinerie intégrée à leur costume. Je suis fier de la patience et du courage de toute l’équipe.

Avec quoi avez-vous envie de voir les spectateurs quitter la salle ?
Ayed : J’ai envie qu’ils sortent avec plein de questions. On a énormément parlé de ça avec les comédiens. Qu’est-ce qui termine le spectacle ? Ce sont trois points de suspension et un point d’interrogation. Une quête de soi ne finira jamais, quoi qu’on fasse. L’être humain est tellement complexe qu’on ne pourra jamais répondre à la question « qui es-tu ? », que tout le monde pose à Alice. J’aimerais donner aux gens l’envie d’accepter qu’une chose soit multiple, qu’elle ne soit pas ce qu’on avait décidé qu’elle soit, ce qui nous ramène à l’idée des objets récupérés.

ALICE 7 > 10, 14 > 18 & 21 > 25/10, 20.30, €10/15/18, Atelier 210, Sint-Pieterssteenweg 210 chaussée Saint-Pierre, Etterbeek, 02-732.25.98, www.atelier210.be

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