Alpenstock : sur les alpages du racisme ordinaire

Catherine Makereel
© Agenda Magazine
08/01/2015
(© Lou Herion)

Avec Occident, Rémi De Vos nous décochait déjà une sacrée (extrême) droite. Le dramaturge français continue de boxer cette xénophobie qui gangrène l’Europe avec Alpenstock, farce domestico-politique mise en scène par Axel De Booseré et Maggy Jacot. Après avoir fait sensation au Théâtre de Liège, la pièce s’installe au Public.

On était sorti tout groggy de sa pièce précédente, Occident et sa claque, pleine de classe, à coups de noire misère conjugale sur fond de xénophobie, qui vous terrassait comme un alcool fort. Avec Alpenstock, Rémi De Vos monte d’un cran dans la caricature farcesque et installe son couple, Fritz et Grete, dans les alpages verdoyants de l’Autriche. Et même si la vue donne sur ses montagnes d’une blancheur immaculée, le constat du repli identitaire y est tout aussi sombre et gerbant. Elle, femme d’intérieur, passe ses journées à laver, nettoyer, récurer parce que, quoi qu’on fasse, « la saleté revient tous les jours ». Lui, fonctionnaire sans histoires, rumine son avis sur le monde tout en tamponnant ses proprettes piles de documents. Un jour, l’irruption d’un exilé balkano-carpato-transylvanien va secouer ce petit univers plus blanc que blanc.

Pourquoi avoir appelé vos personnages Fritz et Grete ? Ces prénoms germaniques installent une distanciation. Le public peut se rassurer en se disant que ça ne se passe pas en France ou en Belgique ?
Rémi De Vos : Au départ de la pièce, il y a une commande pour écrire un court texte de 20 minutes sur ce qui se passait en Autriche au moment du succès du leader populiste Jörg Haider. Je ne connais pas l’Autriche et je sentais le danger de tomber dans une parole moralisatrice, surtout qu’en tant que Français, on est souvent taxé de donneur de leçons. Je me suis alors pris au jeu de rassembler tous les lieux communs, les stéréotypes que je pouvais avoir dans la tête sur une pseudo-germanité. Je suis parti de tout ce qui peut être caricatural sur la question, et ça commence par le nom des personnages. C’est parti de tout ce que je peux avoir de déglingué dans la tête sur cet imaginaire-là. Finalement ça a fait hurler le commanditaire du texte qui ne l’a pas pris mais moi, j’ai continué à l’écrire et c’est devenu Alpenstock.
(© Lou Herion)

Finalement, la caricature, mêlée à la farce, fait poindre la montée des nationalismes en Europe.
De Vos : Je fais par exemple mourir « l’étranger » au bout de 10 minutes mais il fallait inventer une manière de faire exister ce personnage plus longtemps. Alors, je le fais revenir et il se fait tuer à chaque fois, puis ses cousins débarquent. Finalement ça dit beaucoup du fantasme de l’invasion en Europe. Après, pour que la farce ne soit pas ridicule, c’est un long travail de précision. La farce est le seul moyen de faire passer ce propos. Plus c’est atroce, plus ça devient drôle et noir à la fois. C’est de la tragi-comédie.

On a l’impression, tristement, que vos pièces deviennent toujours plus actuelles au fil du temps.
De Vos : J’ai écrit Occident et Alpenstock il y a une quinzaine d’années. Je me souviens avoir fait une lecture d’Alpenstock en 2002, au moment où Jean-Marie Le Pen accédait au deuxième tour des élections présidentielles. Tout ce que dit Fritz sur la « majorité silencieuse » résonnait étrangement. L’évolution du Front National depuis quelques années accentue incontestablement le propos de la pièce. En dix ans, en France, on est passé de la nature improbable de la situation à une inquiétude réelle.

ALPENSTOCK • 13/1 > 14/2, 20.30 (di/ma/Tu > za/sa/Sa), €4 > 25, Théâtre Le Public, rue Braemtstraat 64-70, Sint-Joost-ten-Node/Saint-Josse-ten-Noode, 0800-944.44, www.theatrelepublic.be

Fijn dat je wil reageren. Wie reageert, gaat akkoord met onze huisregels. Hoe reageren via Disqus? Een woordje uitleg.

Read more about: Podium

Iets gezien in de stad? Meld het aan onze redactie

Site by wieni