Anne Thuot : une pièce de 1606 digérée

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
04/11/2013
(© Hichem Dahes)

Avec la complicité de l’écrivain belge Caroline Lamarche, Anne Thuot s’empare avec ses comédiens d’une pièce élisabéthaine de 1606, la décortique et l’interroge. Ça devient J’ai enduré vos discours et j’ai l’oreille en feu, où il est question de meurtres, de viols, de vengeances, mais surtout... de théâtre.

Anne Thuot, ancienne du Groupe Toc, propose une réécriture plutôt radicale de The Revenger’s Tragedy, pièce contemporaine d’Hamlet mais dont l’auteur reste incertain. Rencontre avec une metteuse en scène qui n’a pas peur d’aborder le drame avec les armes de l’humour et de l’ironie.

Pourquoi avoir choisi de travailler sur ce texte de 1606 ?
Anne Thuot : Ce que j’aimais dans ce texte, c’est qu’il n’est pas très bien construit, mais dans le bon sens du terme : il y a beaucoup d’incohérences, de questions, des enchaînements de scènes mal foutus... Par exemple, on dit que la Duchesse est relativement jeune, mais elle a des enfants de 20 ans, ce qui est impossible. Du coup, ça laisse beaucoup de place pour inventer. L’idée, dès le départ, n’était pas de monter la pièce mais plutôt d’essayer de la digérer pour en sortir nos points de vue, aujourd’hui.

Pour cette « digestion », vous avez fait appel à Caroline Lamarche. Pourquoi ce choix ?
Thuot : J’ai lu les Carnets d’une soumise de province. J’ai eu un gros coup de cœur pour son écriture et pour cette manière qu’elle a d’écrire « en étant à l’intérieur tout en étant à l’extérieur ». Elle a aussi un rapport à la fable qui n’est pas linéaire, ce qui m’intéressait beaucoup. Et aussi tout simplement pour la manière qu’elle a de parler du corps de la femme. Je ne suis pas auteur mais c’est important pour moi de participer à l’écriture de plateau et de m’associer à un auteur vivant. Je ne pourrais pas envisager de prendre un texte édité et de le monter à la virgule près.

Que reste-t-il de la pièce de départ dans J’ai enduré vos discours... ?
Thuot : On a gardé l’intrigue principale : l’histoire de Vendice et de sa fiancée, Gloriana, qui s’est refusée au Duc et qui a été empoisonnée par ce dernier. Neuf ans après sa mort, Vendice rentre en vengeance. On joue sur le fait qu’on ne sait pas si Gloriana a été violée ou pas. Dans le spectacle, il y a des extraits de la pièce originale, des textes écrits par Caroline Lamarche et des textes improvisés par les acteurs lors des phases de travail et qui ont été retranscrits.


Si on ajoute qu’il y a aussi de l’italien et de l’anglais, le résultat est assez hétéroclite...
Thuot : Il y a de l’italien parce que la pièce originale se passe en Italie et de l’anglais parce qu’elle a été écrite par un Anglais. Mais il ne faut pas comprendre ces langues pour comprendre la pièce. Le côté hétéroclite est voulu et assumé, notamment pour créer du décalage. C’est une espèce de va-et-vient continu entre plusieurs points de vue. Il y a beaucoup de distance, d’humour et d’ironie. C’est très ludique. On n’est pas du tout dans une pièce monolithique qui voudrait « dénoncer la noirceur du monde ». Il y a toujours des fractures pour se décoller de l’objet du drame. L’idée ici est de voir comment on reprend une écriture d’une certaine époque et en sortir des thèmes qu’on continue à questionner avec son écriture d’aujourd’hui. Il y a des thèmes – la vengeance, le viol, la place de la femme, la place de la parole... – mais ce qui est central, c’est un groupe, les acteurs, qui parle à un autre groupe, les spectateurs, avec l’objectif de questionner. Quel est l’espace de rencontre entre les deux ?

J’AI ENDURÉ VOS DISCOURS ET J'AI L'OREILLE EN FEU • 6 > 9 & 13 > 16/11, 20.30, €4/6/12, Théâtre de la Balsamine, avenue Félix Marchallaan 1, Schaarbeek/Schaerbeek, 02-735.64.68, www.balsamine.be

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