Dans les pas d'Anne Teresa De Keersmaeker

Patrick Jordens
© Agenda Magazine
12/06/2014
(© Bart Grietens)

P.A.R.T.S., la célèbre école de danse d’Anne Teresa De Keersmaeker, fait rayonner ses élèves : 22 étudiants de dernière année, originaires de 14 pays différents, investissent ce mois-ci plusieurs scènes belges et étrangères avec leur projet de fin d’études. Le choix se compose de leur propre création ou d’une participation à Another Song, remake de The Song, chorégraphie-clé (de 2009) d’Anne Teresa De Keersmaeker. AGENDA a rencontré trois étudiants en danse contemporaine en fin de cycle, avant qu’ils n’effectuent leur baptême du feu public.

Ben Van Buren
États-Unis - The Eternity Ship Question
Contrairement à ce que son nom laisse penser, Ben Van Buren, 25 ans, vient du Vermont, aux États-Unis. « J’ai étudié la danse et la philosophie à New York. Lorsque je travaillais là comme bénévole pour un festival d’arts scéniques, j’ai reçu par hasard un prospectus de P.A.R.T.S. Ils organisaient à ce moment-là une audition pour le cycle Research (la formation à P.A.R.T.S. se compose de deux cycles : Training, où la technique de la danse est centrale, et Research, où l’accent est mis sur la recherche en création, NDLR). C’était la bonne formation au bon moment. Avoir eu ici à Bruxelles le temps, l’espace et les moyens pour explorer ma propre créativité me semble être un incroyable privilège ».
« Pour notre travail de fin d’études, nous avons commencé à écrire à trois des fragments séparés et ultra courts de 5 minutes. Et cela pendant plusieurs jours, mais avec chaque fois des paramètres différents. Nous avons ainsi constitué d’énormes archives. Au final, nous avons réalisé avec notre coach, le metteur en scène Jan Ritsema, une compilation condensée de cette centaine de textes. Ce n’est pas du théâtre pur. On fait un peu de tout dans ce spectacle : jouer de la guitare, danser sur Prince, se jeter de la salade les uns aux autres... Il y a même un petit morceau de Johnny Cash, mais interprété avec nos voix techniquement déformées. Moi-même j’ai été surpris par notre création, je n’aurais jamais pensé pouvoir intéresser les gens avec une sorte d’assemblage de culture populaire. Il n’y a pas non plus d’ironie, dans ces fragments de culture populaire réside inévitablement quelque chose de notre être plus profond. Jusqu’à quel point peut-on exercer son influence dans le cours de l’histoire, d’une manière intelligente et digne ? Voilà une des questions qui nous a occupés pendant la création. Le titre, The Eternity Ship Question, que l’on a en fait trouvé de manière associative, pourrait être interprété dans ce sens ».
End of Studies A 24 & 27/6, 20.30, Kaaitheaterstudio’s

Rósa Ómarsdóttir
Islande - Chatter, Clatter and Other Arrangements
Rósa Ómarsdóttir, 26 ans, née à Reykavik, a commencé à la danse à 8 ans. « Mais à 12 ans, j’ai arrêté. J’en avais marre du côté trop formaliste de la danse classique. À 16 ans, par curiosité, j’ai participé à un atelier de danse contemporaine et ça m’a tellement plu que je me suis réinscrite à l’académie, mais cette fois en danse contemporaine. P.A.R.T.S. me semblait être une suite logique. Je connaissais l’école via quelques amis islandais, et de réputation évidemment ».
« Étudier ici a changé ma vision de la danse, c’est certain. On vit en Islande de manière plutôt isolée, les nouvelles tendances et les performances importantes arrivent en général assez tard chez nous. À Bruxelles, tout est beaucoup plus accessible et direct. En plus, on a à P.A.R.T.S. une très grande variété d’approches techniques et d’ateliers. J’ai le sentiment de disposer aujourd’hui d’une palette bien plus large d’outils pour travailler moi-même de manière plus consciente ».
« Pour Chatter, Clatter and Other Arrangements, nous sommes partis de la fascination pour les objets. En tant que danseurs, on travaille presque toujours dans un espace complètement vide. En fait, c’est étrange quand on considère que dans la vie ‘normale’ on est presque toujours entouré d’objets. On voulait voir jusqu’à quel point des objets très divers - une chaise, une feuille de papier aluminium, une noix de coco - pouvaient influencer notre manière de bouger. Nous avons au départ étudié à la maison quelles étaient les actions que nous exécutions souvent automatiquement, par exemple pour mettre de l’ordre. Dans le studio, nous avons testé ces mouvements sans objets, ou en relation avec des objets complètement différents. Ce qui produisait de nouveaux mouvements. Progressivement s’est développée une chorégraphie qui a parfois quelque chose de machinal, voire de maniaque. Dans ce sens, on n’est pas très loin des TOC, les troubles obsessionnels compulsifs (rires) ».
End of Studies B 25 & 26/6, 20.30, Kaaitheaterstudio’s

Thomas Vantuycom
Belgique - Another Song
Thomas Vantuycom, 25 ans, originaire de Hal, venait juste de terminer son cycle de bachelier pour devenir ingénieur commercial lorsqu’il a passé l’audition. « J’étais trop contaminé par le virus de la danse », raconte-t-il. « J’ai commencé la danse contemporaine à 17 ans, notamment chez fABULEUS à Leuven. C’est là que j’ai entendu parler pour la première fois de P.A.R.T.S.».
« J’ai commencé ici purement par besoin de devenir bon techniquement. Les choses ont pas mal évolué en quatre ans, dans le sens où on apprend ici à réfléchir sur et à parler de la danse. Et en y réfléchissant d’une certaine manière, on découvre plus, on apprend à mieux regarder la danse. On pourrait considérer P.A.R.T.S. comme une parfaite adéquation entre la danse elle-même, son côté plus artisanal, et la méta-danse, le niveau philosophique.
« J’ai choisi de participer à Another Song, le remake de The Song d’Anne Teresa De Keersmaeker. Ce n’est pas du tout une copie de ce spectacle mais nous avons établi le matériau de la danse en suivant les principes de l’original. Cela signifie que nous avons notamment travaillé à partir de trois différents centres de danse, à savoir les pieds, les hanches et la tête, pour générer le vocabulaire. Comme nous avons travaillé sur base d’improvisations, le matériau de la danse est relativement proche de nous, même si nous avons repris littéralement quelques phrases de mouvements de la chorégraphie originale. Il s’agit donc d’une nouvelle version, mais avec beaucoup de respect pour la signature d’Anne Teresa De Keersmaeker. Nous sommes onze danseurs et chacun est continuellement visible sur scène, même si on n’est pas en train de danser. Cela demande beaucoup d’implication. Une grande partie du travail pour ce spectacle réside dans le fait de rester toujours attentif, même quand on n’est pas à l’avant-plan. Ça crée aussi une ambiance de groupe très particulière, on porte cette pièce totalement ensemble. C’est une belle expérience ! »
Another Song 19/6, 20.30, Kaaitheater

(Photos: Ivan Put)

P.A.R.T.S.: Graduation Tour (End of Studies)
• 17 > 20 & 24 > 27/6, 20.30, €8/10/12, Kaaistudio’s, Onze-Lieve-Vrouw van Vaakstraat 81 rue Notre-Dame du Sommeil & Kaaitheater, Square Sainctelettesquare 19, 02-201.59.59, www.kaaitheater.be

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