David Strosberg : la folie, ça se mérite

Gilles Bechet
© Agenda Magazine
27/09/2014
Avec la galerie de personnages perdus et fragiles, obsessionnels chroniques de Petites histoires de la folie ordinaire, l’écrivain tchèque Petr Zelenka et le metteur en scène David Strosberg proposent une plongée drolatique et humaine dans l’intimité de dix solitudes qui s’entrecroisent.

Il y a des textes qui apparaissent comme une évidence pour un metteur en scène. C’est le cas de cette pièce du tchèque Petr Zelenka qui embarque dix personnages au pays de la folie quotidienne, celle des petites lubies et autres maniaqueries qu’ils revendiquent sans vernis. La première fois qu’il l’a lue, David Strosberg a ri comme il l’avait rarement fait auparavant. Souvent attiré par les tragicomédies, il a trouvé ici un humour qui s’enracine au fond des choses, balayé par un vent de liberté. Sur scène, il a distribué ses rôles à trois générations de comédiens, de 22 à 77 ans, entre lesquels circule une parole accueillie avec bienveillance. « Dans cette pièce, il n’y a aucune mauvaise réplique. C’est un texte qui nous concerne tous. C’est une grande histoire d’amour et une pièce sur la fin des utopies politiques et parentales. Elle nous parle de l’a b c des relations humaines, de l’a b c des solitudes ».

Beaucoup décrivent cette pièce comme onirique. C’est aussi votre avis ?
David Strosberg : Moi je la prends au pied de la lettre. Ce qui m’intéresse, c’est le premier degré de la parole où tout ce qui est pensé est dit. Si un personnage dit qu’une couverture vole, je le crois. Je trouve ça plus intéressant. L’onirisme, c’est quand on se bat pour que tout soit possible.

Aujourd’hui, la folie est-elle devenue ordinaire ?
Strosberg : La folie ordinaire, c’est quand les gens sont décalés par rapport à ce qu’il faudrait dire et ce qu’il faudrait faire. La folie est traitée dans l’écriture. Je n’ai pas envie de montrer un asile sur scène. Les gens ne sont pas si fous que ça. Ils cherchent la « folie » parce que c’est la seule manière d’être libre, mais la folie, ça se mérite. Si ce monde tourne mal aujourd’hui, il y a quand même pas mal de choses qui dépendent de nous. Ce qui est magnifique dans cette pièce, c’est qu’on y trouve une grande naïveté, une grande innocence. Pour repartir vers la liberté, il ne peut y avoir aucune stratégie.

Petr Zelenka, l’auteur, est d’abord cinéaste. Cela transparaît-il dans son écriture et dans vos choix de mise en scène ?
Strosberg : Ce qui rattache le spectacle à l’univers cinématographique, c’est d’abord le rythme : il n’y a pas de pauses entre les scènes. Comme les changements de décors sont difficiles, tout repose sur la direction d’acteurs. C’est d’ailleurs ce qui m’intéresse le plus dans le théâtre depuis quatorze ans. Les lumières, les costumes et la bande-son doivent être au service des acteurs. Ce qui me lie encore au cinéma, c’est le jeu « naturel » des acteurs, qui m’intéresse beaucoup plus que le jeu déclamé. J’aime quand le comédien s’efface derrière son personnage pour le laisser parler.

Quel effet aimeriez-vous provoquer chez le spectateur ?
Strosberg : Ce serait peut-être de l’encourager à parler. Malgré tout ce qui arrive dans le monde, même quand on est en colère, nous ne devons jamais fermer la porte à ce qu’on aime et à ceux qu’on aime. C’est cette balance-là qui est à trouver. Pour continuer à s’aimer soi-même, il faut continuer à dire la vérité aux gens qu’on aime, même si ça peut contribuer à de grosses tensions politiques. Mais en d’autres termes, tout est possible.

(Photo © Michal Chelbin)

PETITES HISTOIRES DE LA FOLIE ORDINAIRE • 30/9 > 4/10 & 7 > 11/10, 20.30 (wo/me/We: 19.00), €5/8/12, Théâtre Les Tanneurs, Huidevettersstraat 75-77 rue des Tanneurs, Brussel/Bruxelles, 02-512.17.84, www.lestanneurs.be

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