Dominique Rongvaux : Pierre Desproges ressuscité

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
29/11/2012
(© Fabrice Gardin)

Toujours en tournée avec Éloge de l’oisiveté, son seul en scène acclamé partout et Prix de la Critique en 2010, Dominique Rongvaux s’empare des (bons) mots de l’humoriste français Pierre Desproges dans Vivons heureux en attendant la mort. Une injonction positive, finalement.

À une époque que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, Pierre Desproges faisait rire la France (et une partie de la Belgique) avec son humour noir de noir et son indécrottable cynisme. C’était le temps du Petit Rapporteur, vrai-faux journal télévisé présenté par Jacques Martin, du Tribunal des flagrants délires sur France Inter et de La Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède sur FR3. Desproges est mort d’un cancer en 1988. Ses textes revivent aujourd’hui, par la bouche du comédien Dominique Rongvaux

D’où est venue cette idée de porter à la scène des textes de Desproges ?
Dominique Rongvaux :
Le projet a été initié par Fabrice Gardin, le metteur en scène. Depuis toujours, il voulait monter un spectacle avec des textes de Desproges. Moi, j’avais 14 ans quand il est mort. J’avais vu certains de ses sketches à la télévision. J’ai toujours bien aimé ce style : l’humour intelligent. Mais je n’ai vraiment découvert Desproges que quand Fabrice m’a proposé ce projet. J’ai approfondi les textes, en me forçant à ne revoir 
aucune vidéo.

Mais vous aviez quand même une image de lui. N’est-ce pas difficile de dire du Desproges sans faire du Desproges ?
Rongvaux :
Je ne me suis pas vraiment posé la question. Je l’ai abordé comme n’importe quel auteur de théâtre. C’était un interprète, mais c’était d’abord un grand auteur. Ses textes ont vraiment une valeur intrinsèque. Ils sont d’ailleurs techniquement très difficiles. Desproges construit notamment des phrases très longues et remplies d’incises. Dans cette espèce de labyrinthe, il faut aller jusqu’au bout. Ça demande un gros travail sur la diction, le rythme, le souffle. J’adore ça.

Vous avez choisi des textes dans les 1.500 pages de son œuvre complète. Comment les avez-vous sélectionnés ?
Rongvaux :
En fonction de notre propre plaisir. Il y en a qui me plaisaient moins, que je n’avais pas envie de défendre ou qui ne me faisaient pas rire. Il y a beaucoup de haine chez lui finalement. Par exemple, il tape sur les footballeurs, moi je n’ai pas envie de passer ma vie à dénoncer le football. Dans les textes choisis, il y en a plusieurs qui traitent du racisme, de la bêtise ordinaire, du rejet de l’autre. Il y a aussi une série de textes « de compassion ». Notamment sa fameuse Lettre ouverte à monsieur le chauffeur de taxi immatriculé 790 BRR 75, où il décrit un chauffeur de taxi qui s’est arrêté devant lui. Une vieille dame, semi-grabataire, essaie péniblement d’en sortir. Et le chauffeur ne bouge pas. Il y a à la fois de la compassion pour cette dame et une haine féroce pour le chauffeur. Un autre texte parle d’un type de son village, un alcoolique profond dont les gens se moquaient. Desproges fait le parallèle avec Gainsbourg dans ses dernières années, qui était aussi une espèce d’homme malade qu’on sortait de sa boîte pour le mettre sur scène et le regarder massacrer ses chansons.
Ces textes parlent, sans s’en moquer, de la faiblesse des gens - de la sienne aussi - de la vieillesse qui vient, du corps qui se détruit... L’humanité qu’il y a là-dedans, je trouve ça vachement intéressant. Desproges parle souvent de la mort et de la maladie, il a cette espèce de conscience de notre finitude et de notre fragilité à tous. Mais il en fait quelque chose de comique. Pour lui, il faut rire de tout, notamment de la mort, surtout de la mort. D’autant plus rire qu’on est désespéré.

Vivons heureux en attendant la mort • 4 > 22/12, di/ma/Tu > za/sa/Sa 20.30, wo/me/We: 19.00, €7,50/11/14, Les Riches-Claires, Rijkeklarenstraat 24 rue des Riches Claires, Brussel/Bruxelles, 
02-548.25.80, www.lesrichesclaires.be

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