Don Juan, révélateur des désirs féminins

Catherine Makereel
© Agenda Magazine
16/05/2014
© Daniel Cordova

Avec Don Juan Addiction / Elle(s), Sylvie Landuyt transforme le mythe du séducteur invétéré en interrogation sur la femme aujourd’hui. Gonflée ! Divisée en deux volets, la pièce brasse du côté de la danse, du rock et de la performance, dans une démarche féministe qui n’en exclut pas pour autant les hommes.

Les mythes sont faits pour que l’imagination les anime. En replaçant la femme au cœur du célèbre Don Juan, séducteur éternel dans l’inconscient collectif, Sylvie Landuyt frappe un grand coup. En fouillant la matière titanesque de cette fable, de Molière à Tirso de Molina en passant par Mozart, elle y a découvert que les femmes, alors qu’elles sont le sujet principal de l’intrigue, n’ont presqu’aucun droit à la parole. Leurs actes, leurs souffrances, leurs désirs sont traduits dans des dialogues d’hommes. Leur position est secondaire, réduite à l’état d’objets de convoitise, de conquête et de satisfaction physique. Avec Don Juan Addiction / Elle(s), l’auteure, metteuse en scène et comédienne brouille les cartes d’un territoire où Don Juan est devenu le révélateur des pulsions et des désirs féminins. La deuxième partie cueille les femmes au sortir de cette traversée : sont-elles devenues de nouvelles guerrières insoumises, des sujets aliénés par le besoin de reconnaissance ? Ou certaines resteront-elles orphelines de Simone de Beauvoir ?

Pourquoi monter ce projet aujourd’hui ?
Sylvie Landuyt : Don Juan répond sans doute à une obsession de ma part, pour mieux comprendre d’où l’on vient. Quel a été le parcours du mythe, quelle en a été la fonction, qu’est-ce qu’il dévoile de la situation politique de chaque époque ? Ma cible sera la femme. Quelle est sa place dans la société au fil des siècles ? Cela a-t-il évolué aujourd’hui ? Reste-t-il des résonances ? J’avais besoin de cette traversée pour mieux comprendre ce nœud qui me « chipote » et que je n’arrive pas à dénouer, ces moments de rage face à certaines situations vécues par les femmes.

Vous avez pris beaucoup de liberté avec les œuvres originales ?
Landuyt : Il y a une part de Molière et de Mozart, bien sûr, mais tout a été réécrit, voire même réinterprété. Dans le premier volet, je me concentre sur Elvire, Anna et la paysanne. Je m’attache à ce moment où la rencontre avec Don Juan les fait basculer, leur révèle quelque chose d’elles-mêmes. Il s’agit du parcours de trois femmes qui se retrouvent assignées à un seul rôle, un carcan social. Il n’y a pas vraiment de suivi au niveau du texte. Il y a bien quelques scènes théâtrales mais il s’agit surtout de mouvements chorégraphiques, de performances, de chant. Cette première partie est plus physique tandis que la deuxième est plus verbale. Une seule femme nous revient de la traversée. Il semblerait qu’il s’agisse de la paysanne mais si elle est seule, cette fois, elle refuse d’être contrainte à un seul rôle et les jouera tous : la servante, la pute, la femme d’affaires, la petite fille qu’elle fut jadis. Cette petite fille sent qu’elle porte en elle toutes les femmes, qu’elle véhicule des tonnes de clichés féminins et découvrira un nouveau désir en elle. Dans cette partie, on a une comédienne qui ne bouge presque pas : toute l’action est dans le verbe. Mais un verbe qui est presque comme un concert, avec un travail de rythmique précis sur le texte. Et l’image de la mère qui est là, en parallèle et en chansons.

Don Juan Addiction / Elle(s) • 20 > 28/5, 20.00 (wo/me/We: 19.30), €10/15/20, Petit Varia, rue Graystraat 154, Elsene/Ixelles, 02-737.16.01, www.rideaudebruxelles.be

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