Eclipse Totale: entre la vie et la mort

Catherine Makereel
© Agenda Magazine
19/03/2014

L’écriture, Céline Delbecq ne l’a pas choisie, ça lui est tombé dessus. Comme une urgence. Alors elle a fondé la Compagnie de la Bête Noire. La bête noire, c’est cet insecte qui vous volette autour et qu’on tente de chasser de la main – comme une sombre pensée à écarter – mais qui continue de vous bourdonner aux oreilles. Il faut dire que Céline Delbecq n’est pas avare de noires pensées, elle dont les trois derniers textes – Abîme, Seuls avec l’hiver et Éclipse totale - parlent du même sujet : la mort. Attention, rien de plombant pour autant. Si Éclipse totale aborde le suicide, c’est aussi pour parler de ceux qui choisissent la vie.

Quelle part de vécu y a-t-il dans ce huis clos familial autour du suicide d’une jeune femme ?
Céline Delbecq : Ça faisait longtemps que je portais ce texte en moi mais je ne savais pas par quel bout le prendre. J’avais peur que ce soit glauque. Bien sûr, j’ai connu des personnes qui se sont suicidées, mais qui n’y a jamais été confronté, de près ou de loin ? Récemment, une étude de Prévention Suicide dévoilait qu’en Belgique, six à sept personnes mettent fin à leur vie chaque jour. Pour écrire ce texte, j’ai rencontré une soixantaine de personnes, essentiellement des gens qui ont perdu un proche par suicide, mais aussi des personnes qui ont fait elles-mêmes des tentatives de suicide. J’ai par exemple rencontré une femme qui racontait qu’après le suicide de sa fille, elle disait que celle-ci était morte dans un accident de voiture, non pas parce qu’elle se sentait mal avec ça, mais parce qu’elle s’est rendu compte que le suicide mettait les gens mal à l’aise. Elle me racontait que, comme la mère dans la pièce, elle était passée par cette étape où l’on se dit « c’est pas grave, ça arrive à d’autres », avant de pouvoir avaler la chose. D’autres parents m’ont rapporté certains commentaires qu’on leur faisait, du style « ton fils n’avait pas le droit de te faire ça ! » C’est le genre de réaction qui empêche de faire son deuil, d’accepter le geste de son enfant. Pour que ceux qui restent puissent vivre en paix, ils doivent passer par une acceptation de ce choix. Je me souviens avoir lu la réaction d’une femme face au suicide de son enfant : « Il savait que j’étais prête à l’aimer jusque là ». L’aimer jusque dans ce choix-là, il y a quelque chose de magnifique.

Mais Éclipse totale est aussi une pièce sur le choix de la vie.
Delbecq : En effet. J’y écris notamment : « Combien de pas posons-nous chaque jour sans avoir conscience que nous avons fait le choix de la vie ? » Cette phrase m’a été inspirée par une femme qui avait vécu le suicide de sa mère et de deux frères et qui disait : « Mes enfants et mon mari peuvent décider de partir, moi, j’ai fait le choix de la vie ». Si tout le monde pouvait se dire « je choisis la vie » au lieu de la subir sous prétexte qu’on n’a pas choisi de naître.

Eclipse Totale > 22/3 & 25 > 29/3, 20.30, €5/7,50/10, Théâtre Les Tanneurs, Huidevettersstraat 75-77 rue des Tanneurs, Brussel/Bruxelles, 02-512.17.84, www.lestanneurs.be

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