Éclosion des pulsions

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
01/09/2012
(© Sebastien Fernandez)

30 ans après avoir créé cette pièce qui lui a donné son nom, le Théâtre de l’Éveil remonte L’Éveil du printemps, de l’auteur allemand Frank Wedekind. On y suit les destins croisés d’adolescents découvrant la sexualité et les réactions des adultes qui les entourent. « C’est une œuvre remplie de touches d’humour et de poésie, qui parle de la vie », explique Jasmina Doueib, à la barre de cette re-création anniversaire.

La pièce a été écrite à la fin du XIXe siècle. En quoi est-elle encore actuelle aujourd’hui ?
Jasmina Douieb :
L’Éveil du printemps parle de l’éclosion de la sexualité chez les ados : cette thématique-là est forcément universelle. Ce qui a changé depuis, c’est que le discours autour de la sexualité n’a fait que s’accroître. Aujourd’hui, on n’arrête pas de parler de sexualité, de voir des images, des documentaires, des reportages... Entre-temps, il y a eu Mai 68. Aujourd’hui, on a de plus en plus d’injonctions à jouir. Mais ce n’est pas parce qu’on en parle tout le temps et qu’on est dans une soi-disant libéralisation des mœurs que ce n’est pas tout aussi compliqué qu’autrefois pour les jeunes d’accéder à la sexualité.
Freud s’est beaucoup intéressé à cette pièce...
Douieb :
Wedekind y fait une sorte d’état de la question de la sexualité. Il traite différents aspects : l’onanisme, l’envie de se couper de son désir - il y a un personnage qui ne veut plus de son corps qui l’encombre -, l’homosexualité, le sadomasochisme... Pour Freud, commenter cette pièce était aussi à l’époque une façon pour lui de dire que si on ne parle pas de sexualité, s’il n’y a pas un minimum d’éducation, c’est la porte ouverte à des dérives. Moi, ce n’est pas vraiment cela que je défends : je ne pense pas que si on n’en parle pas, les gens vont devenir pervers. Ce que j’essaie de montrer, c’est que ce ne sont pas spécialement des perversions, mais simplement des approches différentes de la sexualité. Je n’ai pas envie de mettre une couleur morale là-dessus, même sur le sadomasochisme. Il y a un certain rapport à la domination qui est inhérent aux relations sexuelles.
C’est la première pièce que Wedekind a écrite.
Douieb :
Il avait 27 ans. Il y a quelque chose de très beau dans les premières pièces de certains auteurs : c’est très foisonnant, jaillissant, libre, un peu fou. Ce sont des thèmes graves qui sont abordés, mais en même temps, les situations sont un peu cocasses. Il y a du comique qui côtoie du tragique, du grotesque qui devient tout à coup très sérieux, du lyrisme à côté d’un passage très trivial... L’Éveil du printemps présente aussi une forme théâtrale très particulière : ce sont vraiment des tableaux, avec un côté très « mosaïque » et cinématographique. Il n’y a pas de narration linéaire, les scènes sont prises en cours. C’est à la fois très cérébral, parce qu’il y a de nombreux moments où les personnages philosophent, mais ils philosophent à partir de leurs pulsions. Il y a une espèce de point de jonction entre le corps et l’esprit.
Vous placez l’action dans une sorte de terrain vague.
Douieb :
C’est un décor contemporain, très réaliste mais la juxtaposition des éléments - une cabine téléphonique, un cimetière, un salon... - ne l’est pas. On est dans une sorte d’espace mental, un terrain de jeu où tout se passe. Comme un grand bac à sable de l’imaginaire.

L’éveil du printemps 4/9 > 20/10, 20.30, €8 > 25, Théâtre Le Public, rue Braemtstraat 64-70, 
Sint-Joost-ten-Node/Saint-Josse-ten-Noode, 0800-944.44, www.theatrelepublic.be

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