Festival Congolisation: Panafricanisme et Diaspora

Gilles Bechet
© Agenda Magazine
14/01/2015
(Mobutu)

Entre danse et performance, les spectacles de l’allemande Monika Gintersdorfer portent un regard décalé sur l’Afrique contemporaine. Deux d’entre eux sont présentés aujourd’hui à Bruxelles dans le cadre du Festival Congolisation. Le plateau devient un lieu de rencontre et d’échanges entre artistes venus de Côte d’Ivoire, du Congo ou du Rwanda avec d’autres venus d’Allemagne ou de Hollande.
« Les mouvements ne sont pas toujours beaux et sont parfois assez fous ou drôles. L’ensemble dégage un esprit de liberté et de désinvolture. C’est ça qui m’a attirée », explique Monika Gintersdorfer au sujet du coupé-décalé, une danse et une musique nées en Côte d’Ivoire au début des années 2000, qui l’ont particulièrement séduite et qu’elle a intégrées dans ses spectacles. « Dans le coupé-décalé, il y a un lien très fort entre la parole du DJ et les mouvements des danseurs qui réagissent directement à ce qui est dit. Ce sont des mots lâchés comme des slogans plutôt qu’une narration. Ce sont des commentaires assez drôles sur la vie quotidienne. On a commencé à travailler avec les danseurs et avec les atalaku, les DJ qui font des commentaires sur la situation en boîte. Ils ont l’habitude de parler librement, de réagir sur le moment. Même quand on a continué à travailler sur d’autres sujets, comme la justice ou Sigmund Freud, ils avaient toujours cette capacité de développer une présence sur scène liée à la puissance du mot ».

Dans la musique comme dans le jeu, vous laissez beaucoup de place à l’improvisation ?
Monika Gintersdorfer : La musique n’est pas écrite, c’est le musicien qui décide d’intervenir ou pas. On ne veut pas que la musique soit au service du spectacle, elle peut couper, déranger. Elle doit avoir son caractère, pas trop discipliné. De même, les acteurs peuvent manipuler la lumière sur scène. Je viens du théâtre institutionnel allemand, où les spectacles sont beaucoup répétés jusqu’à arriver à une certaine perfection. Dans cette démarche, on essaie d’éviter de reproduire quelque chose qu’on a déjà travaillé. Pour cela, on installe certaines choses. Qu’il s’agisse de la musique, de la lumière ou de la parole, on essaie que les acteurs prennent encore des décisions à chaque spectacle. Évidemment, si on tente des choses nouvelles, on peut parfois regretter ce qu’on a fait dans un spectacle précédent. C’est le risque. La tâche de chaque soirée consiste à trouver la balance entre les acteurs et les moyens qu’ils peuvent utiliser. Le but, c’est d’avoir sur scène des gens qui sont dans le moment, qui ne reproduisent pas ce qu’ils savent déjà mais qui essaient de sentir le public, et qui essaient de sentir ce que font les autres sur scène.

Le premier spectacle, La nouvelle pensée noire, a pour thème le panafricanisme ?
Gintersdorfer : La majorité des gens qui sont sur scène ont entre 25 et 35 ans. C’est une génération qui se méfie des grands mots comme « panafricanisme ». Ils en ont fait l’expérience lors de campagnes électorales où des candidats l’utilisaient abondamment mais les actes ne suivaient pas. Ça devient vide de sens. Sur le plateau, nous avons des Ivoiriens, des Congolais et des Rwandais. Le panafricanisme est un thème naturel, pourtant il était difficile de les réunir avec une définition commune. Parler de l’Afrique n’est pas facile parce que la façon de vivre peut être assez différente en fonction des pays. Mais c’est cette pluralité qu’on a voulu confronter en ajoutant aussi le regard d’artistes allemands et hollandais.

Un autre spectacle, Mobutu choreografiert, tourne autour de Mobutu ?
Gintersdorfer : Quand on a été invités à Kinshasa par le KVS, un de nos acteurs a développé une certaine fascination pour les images et les interviews de Mobutu. On s’est dit que ce serait intéressant d’approcher le phénomène Mobutu. En travaillant dessus, on a découvert que contrairement à ce qu’il avançait, Mobutu n’était pas un produit de l’authenticité africaine. Il avait de très bonnes relations avec des hommes politiques et des businessmans en Europe ou aux États-Unis. Tout depuis sa prise du pouvoir et pendant son règne a été mis en place dans un contexte international. Il s’en est servi pour manipuler son peuple et il a aussi lui-même été utilisé par des dirigeants étrangers pour leurs propres intérêts. Mobutu est un mélange d’influences très diverses. Sur le plan esthétique, par exemple, il s’est inspiré de ses visites chez Ceausescu ou en Chine plus que de ses racines africaines.

La musique est aussi indissociable de Mobutu ?
Gintersdorfer : On a toujours beaucoup aimé la musique qui a accompagné son régime, la rumba congolaise avec des musiciens comme Franco. C’est une musique douce et agréable à l’oreille. Mobutu a fait chanter ses politiciens, il a encouragé beaucoup de gens à produire une musique de louange pour le rendre encore plus grand. Dans le spectacle, on chante quelques chansons a cappella car il est impossible de reproduire la richesse et la beauté originale de cette musique, alors on se l’approprie à notre manière.

La nouvelle pensée noire: 21 & 22/1 & Mobutu choreografiert: 23 & 24/1, 20.30, KVS_BOX

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IMAGINAIRE CONGO
La diaspora congolaise qui marque Bruxelles de son empreinte à Matonge et ailleurs n’avait pas son festival. Le voici, plein de musique, de cinéma, d’arts plastiques et de danse pour convoquer l’imaginaire de la diaspora congolaise sur le passé et sur le présent du mix Congo/Belgique. Les silhouettes habitées et brumeuses des peintures de Mufuki Mukuna au Pianofabriek avant des films piochés aux séances de Ciné-Congo, en long et court. De Juju Factory, autrement dit le quartier de Matonge, à Kinshasa Palace, l’histoire de deux frères qui voyagent, disparaissent, se retrouvent. Il faut aussi écouter les corps parler. Comme ceux des danseurs du spectacle Kusikiliza qui transposent le discours d’indépendance de Lumumba en langage des signes. Et la nostalgie ? Au moins, elle fait danser avec la musique de Planet Ilunga, label bruxellois qui s’intéresse aux musiques africaines des années 50 et 60, entre rumba congolaise et musique cubaine, chant en lingala, en tshiluba ou en espagnol. Si on ose quitter le Pianofabriek, on peut faire un tour à Bozar pour une soirée musicale avec Alpha Blondy et Ray Lema ou au Théâtre National pour Coupé-Décalé, un spectacle en deux actes sur la politique de la danse dans les boîtes d’Abidjan.

FESTIVAL CONGOLISATION • 17/1 > 17/2, Verschillende locaties/Divers lieux/Various locations, 02-248.20.85, www.skinfama.com

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