Fouic Théâtre : leçon de cuisine

Gilles Bechet
© Agenda Magazine
29/01/2015
(© Ledroit Perrin)

En s’inspirant d’un fait réel romancé par Jean Teulé, le Fouic Théâtre raconte dans Mangez-le si vous voulez l’histoire d’un homme battu, lynché, brûlé et en partie mangé par les habitants de son village pris de folie. Cela s’est passé dans le Périgord, en 1870. Sur scène, la terrible anecdote s’illustre alors qu’un fumet appétissant se dégage d’une rutilante cuisine des années 50.

Par un beau jour d’été en 1870, Alain de Monèys, un villageois du Périgord, se fait agresser par la foule, jusqu’à la mort, jusqu’au cannibalisme. De ce fait divers atroce, Jean Teulé a écrit un roman porté à la scène par le Fouic Théâtre. Mais ici, point de minutieuse reconstitution historique, la mise en scène de Jean-Christophe Dolé donne la vedette à une cuisine des années 50. L’époque a changé mais la monstruosité reste.

Qu’est-ce qui vous a intéressé dans ce fait divers et le récit qu’en a tiré Jean Teulé ?
Jean-Christophe Dolé : C’est une histoire dramatiquement vraie. À travers ce qui peut paraître une anecdote de l’histoire de France, il y a toute l’histoire de l’humanité : la folie collective, le thème du bouc émissaire, la violence gratuite, des thèmes qui me paraissaient importants à raconter au théâtre. Et puis il y a le style et l’écriture de Jean Teulé. Il y a chez lui cette espèce de cynisme et la conviction qu’on peut rire de tout, même des pires horreurs. C’est une manière de dénoncer les choses dans laquelle je me retrouve.

Au centre du surprenant dispositif scénique il y a cette rutilante cuisine des années 50. C’est pour donner faim au spectateur ?
Dolé : Dès qu’on a commencé à réfléchir à la mise en scène, on s’est dit qu’il fallait que cela tourne dans un univers culinaire. Pour aller au bout de l’horreur et du cynisme. Il fallait pouvoir faire à manger sur scène et que les gens perçoivent petit à petit des liens avec ce qui est raconté dans l’histoire. En envoyant dans la salle de bonnes odeurs de nourriture, d’oignons frits, de carottes, de pop-corn, on plonge le spectateur dans cette espèce d’entre-deux où les gens ont faim et en même temps se disent « non, ce n’est pas possible, on ne peut pas manger en entendant des choses pareilles ! » C’était une manière de mettre le public dans une position inconfortable mais active par rapport à ce qu’il est en train de voir.

Le travail du son est important pour le spectacle. C’est bien plus qu’un décor ?
Dolé : C’est un travail qu’on poursuit depuis une dizaine d’années à travers tous nos spectacles. Avec Mangez-le si vous voulez on a eu pour la première fois les moyens d’aller jusqu’au bout de ce qu’on avait envie. On a sur scène deux musiciens qui jouent pendant tout le spectacle mais qui interviennent aussi comme acteurs. Et puis il y a un ingénieur du son qui crée des nappes sonores, envoie des sons et mixe en direct ce qui est capté par les micros cachés dans le décor. Ainsi, quand la cuisinière se met à découper ses oignons, tout à coup, ça fait un grondement énorme parce qu’un micro caché juste en dessous décuple la puissance du son du couteau qui frappe la planche à découper. On a aujourd’hui des possibilités qu’on n’avait pas il y a quelques années encore, il faut que le théâtre s’en empare. Ça crée une atmosphère, quelque chose de très fort qui est dû d’une part à l’effroi du récit mais aussi à l’atmosphère sonore lourde et pesante qui enveloppe vraiment le spectateur.

MANGEZ-LE SI VOUS VOULEZ • 29/1, 20.30, €25/27/29, Wolubilis, Cours Paul-Henri Spaakpromenade 1, Sint-Lambrechts-Woluwe/Woluwe-Saint-Lambert, 02-761.60.30, www.wolubilis.be

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