Frédéric Flamand : sports pour tous

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
17/10/2013
(© P. Pipitone)

Le chorégraphe belge Frédéric Flamand, actuellement à la tête du Ballet National de Marseille, creuse le thème du rapport du corps au sport, déjà abordé avec Jean Nouvel dans Body/Work/Leisure. Sport Fiction mêle passé et présent, réflexion critique et humour au fil d’une galerie décalée de disciplines, de la natation au foot en passant par la boxe ou le cyclisme.

En mai dernier, 5000 personnes se sont rassemblées sur l’esplanade de la gare Saint-Charles à Marseille pour faire un triomphe à la nouvelle création du chorégraphe belge Frédéric Flamand, Sport Fiction. L’un des temps forts de Marseille – Provence 2013 Capitale européenne de la Culture. Sport Fiction est aujourd’hui présenté à Bruxelles en version intérieure « de poche » (mais avec un double écran vidéo de 17 mètres de long, quand même) dans la grande salle de Wolubilis.

Des footballeurs fluo encapuchonnés y croisent des haltérophiles en maillot rayé très rétro, les pointes de danseuses classiques entrent en duel avec les fleurets d’escrimeurs, le tout sur fond d’images vidéo qui intègrent aussi bien des matchs de l’OM que le loup de Tex Avery. Et avec en bouquet final un défilé de mode décalé. Un spectacle à la fois festif et critique qui « interroge les nouvelles esthétiques du corps contemporain », comme l’explique Flamand.
Pourquoi avoir abordé le thème du sport ?
Frédéric Flamand : Le sport est devenu une véritable idéologie aujourd’hui. L’architecte Le Corbusier disait d’ailleurs à son époque qu’on était en train de vivre une « sportivisation » de la société. Je crois que c’est encore beaucoup plus fort aujourd’hui. Le sport est présent dans tous les domaines. Il me semblait important d’analyser cela par rapport au statut du corps, qui est quand même l’objet de la danse. Il est aussi intéressant de remarquer que l’organisation sociale du sport s’est développée parallèlement à l’émergence de la modernité en art, autour des années 1860. Les artistes se sont alors emparés du corps au travail, du corps sportif, du corps prolétaire... Je pense à des peintres comme Courbet, Manet, Cézanne ou des photographes comme l’Américain Eadweard Muybridge, qui s’est intéressé à la décomposition du mouvement, ou Étienne-Jules Marey en France, qui a photographié les sportifs. Toutes ces recherches photographiques ont d’ailleurs mené à l’invention du cinéma. Mais ça, c’est une autre histoire.

On vous connaît pour vos collaborations interdisciplinaires, notamment avec de grands noms de l’architecture comme Jean Nouvel, Thom Mayne, Zaha Hadid, Dominique Perrault ou Elisabeth Diller et Ricardo Scofidio. Cette fois, vous avez travaillé avec des étudiants de l’école d’architecture de Mons. Pourquoi ce choix ?
Flamand : Travailler avec de grands architectes n’est pas une stratégie en soi. Ce n’est pas indispensable que ce soit systématiquement avec de grands architectes. C’était chaque fois des personnalités qui convenaient au projet. Ici, ce qui m’intéressait, c’était d’avoir l’avis de très jeunes gens, qui baignent dans cet univers sportif, dans cette créativité des cultures urbaines. On a travaillé avec une quarantaine d’étudiants qui ont proposé des idées. Tout n’a pas été réalisé mais je me suis inspiré de certains de leurs projets.

Sport Fiction pose-t-il un regard critique sur le sport ?
Flamand : On peut se poser beaucoup de questions sur le sport : le dopage, le rapport du sport à l’argent, l’instrumentalisation du sport par les régimes totalitaires, les débordements collectifs, la folie médiatique, l’obsession de la performance… Tout cela est évoqué, mais de manière légère, avec beaucoup d’humour. Je crois que c’était la manière la plus forte d’aborder le spectacle, avec ce côté décalé, et pas en ayant une théorie trop nette, trop définitive. Il y a des choses négatives dans le sport, mais il y a aussi énormément de convivialité et une sorte de réinvention d’un lien social à travers les pratiques sportives.

Photos © P. Pipitone

SPORT FICTION • 23 > 25/10, 20.30, €23/31/35, Wolubilis, cours Paul-Henri Spaakpromenade 1, Sint-Lambrechts-Woluwe/Woluwe-Saint-Lambert, 02-761.60.30, www.wolubilis.be

Fijn dat je wil reageren. Wie reageert, gaat akkoord met onze huisregels. Hoe reageren via Disqus? Een woordje uitleg.

Read more about: Podium

Iets gezien in de stad? Meld het aan onze redactie

Site by wieni