Hamlet : la vérité par la folie

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
08/03/2013
(© Daniele Pierre)

Fan fervent du grand Will, Michel Dezoteux, directeur du Varia, s’attaque enfin, presque 40 ans après sa première mise en scène, à la pièce la plus culte de Shakespeare : Hamlet. Et pas n’importe comment : en ouverture d’une trilogie ambitieuse consacrée aux rapports entre l’art et la folie.

Le point de départ de ce projet de trilogie est l’art brut, l’art des marginaux, des malades mentaux... Qu’est-ce qui vous intéresse dans cette forme particulière d’art ?
Michel Dezoteux :
J’ai découvert l’art brut, le discours de Jean Dubuffet (plasticien français, premier théoricien de l’art brut, NDLR), et ce qu’il avait rassemblé comme œuvres autour de ce discours quand j’étais étudiant. Je me suis toujours demandé ce qu’il se passait pour qu’on ait un tel besoin de création. Pourquoi doit-on libérer des choses qui sont en nous, qu’on ignore et qui, d’un coup, émanent ? Certains en font un métier - on appelle ça des artistes - mais tout le monde, je crois, a plus ou moins ces pulsions. Ce qui m’intéresse dans l’art brut, c’est la rencontre entre la force de l’expression et la toute petite reconnaissance sociale qu’a cet art, en opposition avec ce qu’on peut appeler « les grandes formes de l’art », qui prennent des valeurs financières complètement délirantes. Avec quelques acteurs et l’équipe du Varia, nous avons commencé à réfléchir sur cette pulsion créatrice et sur la folie, ce que la folie est et ce qu’elle n’est pas, ce qu’elle est quand on en parle, quand on la vit, est-ce qu’elle est continue, ponctuelle... Dans cette réflexion, on s’est dit qu’Hamlet était le premier grand personnage de théâtre qui dit : « je vais utiliser la folie et le théâtre pour arriver à la vérité ». Hamlet décide d’être fou, ce qui est assez original : il ne faut pas oublier qu’à l’époque, les fous, on les brûle.

Votre Hamlet est présenté comme une pièce « d’après » Shakespeare. Vous avez changé beaucoup de choses par rapport au texte original ?
Dezoteux :
On a gardé tous les grands moments et toutes les grandes phrases de Shakespeare. La pièce est là, mais pas dans son intégralité, parce que c’est très long. Nous avons essayé de contracter toutes les diversions autour de l’histoire principale, celle d’Hamlet. On a vraiment travaillé sur la clarté de la fable, avec l’idée que la pièce repose sur la confrontation de deux familles : celle d’Hamlet, avec son oncle Claudius et sa mère, la reine, et celle de Polonius, avec sa fille Ophélie et son fils Laërte. Nous nous sommes concentrés sur une espèce de huis clos familial plutôt que d’ouvrir au côté très épique de la pièce. Ce côté épique est en partie pris en charge par la musique live, qui tend vers le jazz, avec moi au saxophone, un batteur, Sonny Troupé, et Rosario Amedeo, qui joue Laërte et qui tient les 
claviers.

(© Daniele Pierre)

Shakespeare, vous ne vous en lassez jamais ?
Dezoteux :
Shakespeare, c’est comme Bach. Comment peut-on se lasser de Bach ? Ce sont des chefs-d’œuvre de construction et de déconstruction en même temps. On a à peine trouvé une logique qu’on peut trouver la logique inverse. Les « méchants » sont gentils, les « gentils » sont méchants... Tout ce qu’on applique comme début de solution marche un temps seulement. Les clés changent continuellement. C’est ce qui fait que c’est passionnant et totalement inépuisable.

Hamlet
12 > 30/3, 20.30 (wo/me/We: 19.30), €10/12/15/17/20, Théâtre Varia, Skepterstraat 78 rue du Sceptre, Elsene/Ixelles, 02-640.82.58, reservation@varia.be, www.varia.be

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