Ici Mimouna : entre émancipation et tradition

Catherine Makereel
© Agenda Magazine
13/01/2014
(© Ph. Mullier)

Quand on parle d’immigration marocaine en Belgique, il est souvent question des hommes, arrivés pour répondre à la demande de main-d’œuvre, et rejoints ensuite par leurs épouses. On parle peu, par contre, de ces femmes venues sans mari, hors regroupement familial. Il y en a eu pourtant, comme la mère de Farida Zouj, comédienne et chanteuse, qui raconte le destin de ces femmes hors du commun dans Ici Mimouna. Qui étaient-elles ? Des féministes d’avant-garde ? Des frondeuses fuyant les mariages forcés, la polygamie, la soumission, pour chercher la liberté ? Ont-elles transmis ce désir d’émancipation à leurs filles, les ont-elles pour autant libérées du joug des traditions, du regard de la communauté, les délivrant d’une schizophrénie identitaire ? Ce sont ces questions qu’aborde Farida Zouj, entre théâtre et musique, entre ici et là-bas.

Cette pièce, finalement, c’est votre histoire ?
Farida Zouj : Je me suis nourrie de mon histoire, mais ce n’est pas complètement autobiographique. Je me suis aussi inspirée de témoignages de femmes rencontrées dans le cadre de mon métier de psychothérapeute. Ma mère a quitté l’Algérie - où de nombreux Marocains s’étaient exilés pour travailler - quand son mari a décidé d’être polygame. Elle a prétexté un voyage pour aller voir sa mère malade, à Avignon, pour partir et ne jamais revenir. J’avais 3 ans et j’étais avec elle. D’Avignon, elle est montée jusque Bruxelles et y a travaillé toute sa vie. Malgré ce parcours, elle, et d’autres femmes, ont cultivé un paradoxe dans l’éducation de leurs filles : d’un côté, elles les incitaient à l’émancipation, prônant qu’une femme devait être l’égale de l’homme, dans les démarches administratives ou sociales par exemple, mais de l’autre, elles continuaient de craindre le regard de la communauté, reproduisant des schémas de domination machiste. Moi, j’ai vécu ce tiraillement dans la confrontation, et j’ai choisi de lui dire qui j’étais tout en assumant les conséquences. Mais j’ai vu d’autres filles craindre d’être reniées par leur famille et jouer le jeu de la double identité : vivre sa liberté tout en faisant semblant de rien devant sa famille. C’est comme cela que des femmes se font refaire l’hymen après avoir eu des relations sexuelles libérées. Mères et filles ont du mal à se raconter, à se construire dans la paix.

Avec Ici Mimouna, vous créez une passerelle entre les générations et les cultures ?
Zouj : J’y campe deux personnages : Mimouna, la mère, et Jamila, sa fille universitaire maroxelloise. Mais il y aura aussi de la musique qui rappellera à la fois les chansons populaires arabes que ces femmes écoutaient au pays et des chansons françaises qu’elles ont découvertes en venant ici : Piaf, Brel, Nana Mouskouri. Tout ceci en lien avec un film documentaire qui retrace le trajet de ma mère en 1968, pour venir à Bruxelles, et le voyage que j’ai accompli en sens inverse avec elle, l’année dernière, de Bruxelles à Nador, au Maroc, où ma mère est née, en passant par Avignon où sa mère à elle est morte, et Oran, où je suis née.

ICI MIMOUNA 16/1 > 15/2, di/ma/Tu 19.00, wo/me/Wo > za/sa/Sa 20.15 (18/1: 19.00, zo/di/Su 2 & 9/2: 16.00), €9/10,50/13/14/14,50/16,50, Théâtre de la place des Martyrs, Martelaarsplein 22 place des Martyrs, Brussel/Bruxelles, 02-223.32.08, www.theatredesmartyrs.be

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