Ivan Mosjoukine : le cirque explosé

(© Ivan Mosjoukine)

Acrobates, équilibristes, manipulateurs et comédiens, les quatre membres du collectif français Ivan Mosjoukine - du nom d’un acteur russe de cinéma muet - proposent une première création qui retourne joyeusement les traditions du cirque dans un feu d’artifice virtuose.

Poussant à l’extrême la logique de fragmentation et d’association du cirque traditionnel, De nos jours [notes on the circus] se compose d’une succession de formes plus ou moins courtes qui intègrent des mots, de la parole, de la comédie et des objets du quotidien. Le langage du cirque s’en trouve tout renouvelé.

Pour ce premier spectacle, aviez-vous une ligne directrice, des envies particulières ?
Maroussia Diaz Verbèke : Au départ du travail, nous nous sommes intéressés à la question de la parole au cirque. Au XIX^e siècle, la parole était interdite parce qu’elle était réservée aux comédiens. Plusieurs choses ont été mises en place pour détourner cette interdiction : les gromelots, les mots écrits sur des pancartes... Aujourd’hui encore, imposer des mots à l’intérieur d’une pratique de cirque reste difficile. Dans ce contexte se pose la question du corps. La question de l’équilibre, par exemple, paraît simple mais résonne différemment chez chacun.

Vous avez envie d’un cirque qui fait réfléchir. Du cirque intello ?
Diaz Verbèke : On a besoin de réfléchir et de chercher pour proposer quelque chose de nouveau. Mais dans notre réflexion et notre interrogation, nous ne perdons jamais le contact avec nos sensations. C’est avec elles que nous travaillons. Notre spectacle est tout sauf chiant. Nous avons fixé nos balises et nous savons que nous ne devons jamais nous éloigner du concret. On garde un rythme hyper soutenu, du coup, le spectateur n’a pas le temps de se poser des questions, car le temps qu’il se les pose, on est déjà passés à autre chose.

(© Ivan Mosjoukine)

Le spectacle se compose de 69 notes. La brièveté est-elle un gage d’efficacité ?
Diaz Verbèke : Avec la succession des différents numéros, le cirque traditionnel adopte déjà une écriture fragmentée. Avec ces notes, nous avons voulu pousser cette logique à l’extrême. Sur le moment, ça n’a pas l’air de former un tout mais au final, il y a une unité qui s’en dégage et cette cohérence peut aussi venir de la répétition. C’est comme dans le monde, la cohérence naît de la diversité.

Le montage de séquences courtes est-il un des outils pour renouveler le langage du cirque ?
Diaz Verbèke : Dans le cirque traditionnel, il y a déjà la logique du choc des sensations. On va rire avec un numéro de clown qui succède à un numéro de haute voltige qui inspire la peur. Le cirque fonctionne par jaillissements. Dans notre spectacle, les juxtapositions peuvent être furieuses et les passages subtils. On intègre des émotions, des moments-fictions, des notes, des numéros d’acrobatie, d’équilibre, des objets du quotidien, un escalier roulant de 4 mètres, et beaucoup d’autres choses. Il y a une volonté d’accueillir le monde en une heure et demie.

Votre spectacle n’est pas particulièrement destiné aux enfants. Une rupture avec la tradition ?
Diaz Verbèke : C’est vrai qu’on a pensé aux adultes et pas aux enfants. Il y a des moments où nous sommes nus sur scène et on est dans un monde qui ne permet pas de faire ça. Les réactions vont dans tous les sens. Certains adultes ont été choqués et des enfants ont adoré. C’est le spectateur qui trace les frontières. Je vois dans le cirque une similitude avec ce qui s’est passé avec la bande dessinée. Elle vient d’une culture pour enfants et s’est aujourd’hui développée dans une expression complètement adulte.

DE NOS JOURS [NOTES ON THE CIRCUS] • 11 & 12/10, 20.30, €13/20/22, Wolubilis, cours Paul-Henri Spaakpromenade 1, Sint-Lambrechts-Woluwe/Woluwe-Saint-Lambert, 02-761.60.30, www.wolubilis.be