La nanodanse de Michèle Anne De Mey et Jaco Van Dormael

© Agenda Magazine
01/03/2012
«Où vont les gens quand ils disparaissent de notre vie, de notre mémoire?»: Kiss & Cry déroule cette question avec des doigts, des miniatures et un grand écran. Un spectacle-cinéma de la chorégraphe Michèle Anne De Mey et du réalisateur Jaco Van Dormael. Émotion garantie.

La scène flirte avec le studio de tournage. L’écran trône au-dessus d’un bric-à-brac de caméras, de rails de travelling,
de décors miniatures. Ils ont tous là, interprètes et machinistes, à papoter en attendant les spectateurs.
Moteur. Kiss & Cry / Prologue. Deux mains qui se rencontrent, deux doigts qui se chevauchent, au bord d’un arbre, pris en grand écran, sur un tube de Händel. Ultra émouvante et sensuelle, cette danse miniature de Michèle Anne De Mey, glissée dans l’univers du réalisateur Jaco Van Dormael, nous emmène, en douceur, dans une chorégraphie/tournage artisanal, sur un scénario de Thomas Gunzig. Le thème ? Le temps qui passe, les amours et l’oubli. Toute l’équipe voltige discrètement pour dérouler les histoires de l’héroïne, Gisèle. Comme un retour vers le futur, les mains et les doigts vont danser les amours passées, dans des décors miniatures filmés en gros plan. Drôle et émouvant. La musique nous emporte dans ce voyage singulier, d’une délicate mélancolie, à travers une chorégraphie contemporaine de doigts. En solo, l’index glisse et tournoie comme une patineuse sur glace. En duo, deux doigts dansent une rencontre automnale sur Les Feuilles mortes d’Yves Montand. Les mains apparaissent et disparaissent dans le noir sur un poignant Nothing compares 2 U, version Jimmy Scott. Kiss & Cry est un travail d’orfèvre, qui éblouit petits et grands. Dans sa tournée internationale, il s’arrête six soirs à Bruxelles. Attention au succès de foule…

Qu’est ce qui vous poussés à mélanger vos arts?
Jaco Van Dormael: On voulait faire, à art égal, un spectacle vivant qui réunirait le théâtre, le cinéma et la danse. Dans Kiss & Cry, tout se passe en direct, avec les caméras sur scène qui agissent comme une loupe. Elles se resserrent sur la chorégraphie des doigts, ou sur un monde encore plus petit que les mains, un monde de miniatures, invisible à l’œil nu.
Michèle Anne De Mey: On a commencé un travail d’improvisation presque sur notre table de cuisine, à la maison, avec les jouets des enfants. On avait ce langage-là et pas encore d’histoire. On a mené des explorations dans notre « magasin », avec du sable, des jouets et des fiches de recherche du genre : « Tiens, on va essayer d’illustrer une chanson. Tiens, comment peut-on renverser la caméra sous table. Tiens, on va filmer une danse des mains avec un jeu de miroir ». À partir de là, l’histoire s’est doucement dessinée. On savait que le spectacle parlerait de la mémoire. Peu à peu, nous avons agrandi notre équipe de création avec notamment Thomas Gunzig qui proposait de courts textes. C’est une aventure collective où l’enjeu était de réaliser à la fois un film, un ballet et un spectacle.
Un film-spectacle?
Van Dormael: En fait, c’était un double challenge. Pour moi : comment peut-on faire un long métrage sur une table ? Et pour Michèle Anne : comment peut-on danser avec les mains ? On s’est rendu compte qu’en faisant du tout petit, on arrivait à faire du tout grand. Sur une table, on peut filmer le désert, la lune. Avec un artisanat d’effets spéciaux, on peut créer une inondation, inverser la pesanteur, traverser les saisons, etc. Et dans les mains qui dansent donner l’impression de corps entiers. Toute la précision de la danse se déroule de façon toute petite. C’est pour cela que notre premier titre était Nanodanse.
Kiss & Cry raconte «Gisèle assise sur un quai de gare»?
Van Dormael: Oui, c’est apparu parce qu’on filmait toujours cette petite dame assise sur son quai de gare. Thomas Gunzig, en voyant ça, lui a donné un prénom, une histoire. L’histoire a avancé comme nous, par tâtonnements.
Danser «seulement» avec les mains, est-ce différent pour une danseuse?
De Mey: C’est la même chose. Si on veut faire passer une musicalité, la totalité du corps est impliquée. Même si la caméra ne filme que les mains, les corps des marionnettistes sont aussi montrés sur scène. La musculation du mouvement est différente mais la sensibilité du danseur ne change pas. Les mains « transmettent » mais tout le corps est investi.
Est-ce que la scénographie dépend de la caméra?
Van Dormael: L’œil, c’est la caméra. L’avantage, c’est qu’on peut créer de l’illusion, comme par exemple une scène de voisins qui dansent à l’intérieur d’une maison Playmobil. Le décor, très « pensé », donne l’impression d’être bricolé par des amateurs.
Kiss & Cry pourrait devenir un film?
Van Dormael: Il n’y a ni DVD ni captation. On ne peut pas le télécharger. Kiss & Cry est juste dans la mémoire des gens qui l’ont vu. C’est quelque chose qu’il faut refaire chaque soir et qui disparaît. Il y aurait moyen d’en faire une adaptation, mais pour l’instant, c’est sur scène. Une création éphémère.

Kiss & Cry
3, 4, 6 > 9/3 • 20.15 (4/3: 15.00, 7/3: 19.30), Sold out!
Théâtre National boulevard E. Jacqmainlaan 111, Brussel/Bruxelles,
02-203.53.03, www.theatrenational.be

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