La vraie vie : la schizophrénie du voyageur

Catherine Makereel
© Agenda Magazine
19/09/2014
(© Gilles-Ivan Frankignoul)

Après un formidable Hors-la-loi, l’auteur Régis Duqué signe La vraie vie, où l’on devrait retrouver le même humour décalé pour questionner l’homme occidental et ses désirs d’évasion, sa soif d’exotisme et d’authenticité même si ses fantasmes se heurtent souvent à la réalité.

Régis Duqué s’est inspiré à la fois de ses voyages lointains et de ses lectures romanesques pour imaginer sa pièce La vraie vie. Deux voyageurs débarquent dans un coin perdu d’Amérique latine, en quête d’authenticité, loin de la modernité. Après des heures de route, ils font la rencontre d’un guide avisé et d’une bourlingueuse endurcie. Chacun se retrouve confronté à ses propres questions existentielles. Poursuite du fantasme ou épreuve initiatique ? Que reste-t-il de notre esprit d’aventure ?

Ce voyage est en partie autobiographique ?
Régis Duqué : Depuis que je voyage, je n’ai jamais trouvé que c’était une activité naturelle. Je me souviens de ce voyageur suisse qui m’avait dit : « Le premier jour, on se demande toujours ce qu’on fout là ». La pièce est en partie née de ma propre expérience, notamment au Costa Rica, mais aussi de mes lectures, de récits de voyage, d’essais aussi comme ceux de l’anthropologue français Jean-Didier Urbain qui a écrit sur le tourisme contemporain. C’est la combinaison de deux projets, l’un sur l’idée romantique du voyage, et l’autre sur l’histoire de touristes désillusionnés par le voyage. L’histoire de ces touristes compose la partie essentielle de la pièce, mais il y a deux intermèdes qui tranchent dans la forme et le style. Je pense qu’on retrouvera le même type de décalage et d’humour que dans Hors-la-loi, surtout qu’on retrouve Jérôme Nayer à la mise en scène et Eno Krojanker parmi les comédiens.

La pièce aborde notre rapport schizophrénique au voyage ?
Duqué : La recherche de l’authentique est quelque chose d’illusoire. C’est Urbain qui dit qu’on doit sans cesse articuler nos fantasmes d’un pays et la réalité de ce pays. On doit sans cesse réajuster. Régis Airault, dans Fous de l’Inde, parle même de gens qui sont devenus fous. Il a par exemple soigné des Japonais qui venaient à Paris avec le syndrome Amélie Poulain, avec une représentation idéalisée de Paris, et qui se retrouvaient confrontés à la réalité de Montmartre. Quand j’avais 14 ans, je suis allé à Londres avec mes parents. À l’époque, j’étais fan de Blake et Mortimer, j’avais lu La Marque Jaune, j’étais baigné de cette ville mystérieuse où tout se passait la nuit. Quand je suis arrivé à Piccadilly Circus avec tous ces panneaux lumineux, ces pubs, ces punks, j’ai senti pour la première fois l’écart entre la représentation que je m’étais faite par la fiction, et la réalité.

C’est ce décalage que creuse la pièce ?
Duqué : Quand on voyage, on se trimbale forcément avec des représentations a priori des pays visités. Ces représentations peuvent venir des bandes dessinées de Tintin, des émissions de Nicolas Hulot, des affiches publicitaires, des tableaux des peintres orientalistes... Or, ces représentations sont fantasmatiques. Le Tahiti que peint Gauguin par exemple, n’existait déjà plus à son époque : il payait les Tahitiennes pour qu’elles se dénudent, il s’inspirait de vieilles cartes postales et effaçait toute trace de modernité. Les personnages de La vraie vie ont cela : ils vivent avec des représentations fantasmées de « l’authentique ».

LA VRAIE VIE • 23/9 > 11/10, 20.30 (wo/me/We: 19.30 & 5/10: 15.00), €10/15/20, Rideau de Bruxelles, rue Goffartstraat 7A, Elsene/Ixelles, 02-737.16.01, www.rideaudebruxelles.be

Fijn dat je wil reageren. Wie reageert, gaat akkoord met onze huisregels. Hoe reageren via Disqus? Een woordje uitleg.

Read more about: Podium

Iets gezien in de stad? Meld het aan onze redactie

Site by wieni