Laure Adler : dans le cœur de Marguerite

Gilles Bechet
© Agenda Magazine
13/06/2014
À l’occasion du centenaire de Marguerite Duras, la journaliste, écrivain et productrice française Laure Adler, qui a signé l’an dernier Marguerite Duras, la biographie illustrée après une première biographie en 1998, tente de démêler les mensonges et les vérités qui s’entrelacent entre sa vie et son œuvre.

Une enfance et une adolescence indochinoises, les premières pages d’écrivain et l’engagement politique dans le Paris de l’Occupation et de la Libération, une carrière de femme de lettres qui culmine avec un Prix Goncourt et un immense succès pour L’Amant, des films à l’écriture de plus en plus radicale et une posture d’écrivain narcissique qui en ont agacé plus d’un.

À l’heure de son centenaire, Marguerite Duras demeure toujours aussi insaisissable et sans doute indépassable, comme le confirme Laure Adler.

Plus que bien des écrivains, Marguerite Duras a fait de sa propre vie le matériau obsessionnel de son œuvre. Un rêve pour une biographe ?

Laure Adler: C’est une grande difficulté, il faut démêler le vrai du faux. Elle a rêvé et inventé sa vie. Vérités et mensonges se rejoignent.

C’est par son travail d’écriture qu’elle transforme l’intime en universel ?

Adler : Par l’écriture, elle va progressivement magnifier sa vie et la rendre plus supportable. Elle a vécu des choses très difficiles avec le Chinois - un moment-clé qui s’est beaucoup modifié avec le temps dans son écriture - mais aussi au sein de sa famille, avec son frère aîné qui était très violent avec elle, comme avec sa mère, avec qui elle n’a jamais eu des liens très chaleureux.

Le personnage qu’elle a construit ne brouille-t-il pas parfois l’accès à son œuvre littéraire et cinématographique ?
Adler : Elle a construit un personnage d’écrivain surtout après le Prix Goncourt, qui était jugé comme extrêmement narcissique. On disait qu’elle parlait d’elle à la troisième personne. Elle a construit une fiction de Marguerite Duras écrivain. Elle a brouillé elle-même la pureté de son personnage d’intellectuelle et d’écrivain en intervenant sur tout et en disant n’importe quoi.

Y a-t-il encore dans sa vie et son œuvre des zones d’ombres qui vous fascinent ?
Adler : On ne saura jamais la vérité sur l’Amant. Qui était-il ? Était-ce le Chinois très laid d’Un barrage contre le Pacifique ou le jeune Chinois très beau et très sensuel de L’Amant ? Il y a encore beaucoup de mystères sur sa vie. Elle m’avait dit qu’elle n’avait jamais été en psychanalyse, mais après la publication de ma biographie en 1998, j’ai reçu des lettres de gens qui m’ont dit que c’était bien le cas et que cette analyse l’avait fortement influencée. Sur ses amours, il y a encore beaucoup d’interrogations. Yann Andréa, son dernier compagnon, a disparu, on ne sait pas où il est. Donc le romanesque continue.

N’y a-t-il pas un paradoxe entre la radicalité de la forme de certaines de ses œuvres et son énorme popularité ?
Adler : C’est peut-être parce qu’elle a été radicale que l’on fête son centenaire avec un succès fou et une allégresse remarquable. Elle a inventé plusieurs formes d’écriture.

Que nous a-t-elle laissé ?
Adler : Elle a laissé un style, une manière de parler de l’amour, du désespoir et de la solitude. Et au cinéma, elle a apporté une nouvelle forme d’écriture avec la non-coïncidence entre l’image et le son. Son cinéma est lui aussi très important mais pas assez fêté, je trouve.

Photo: © Fonds Marguerite Duras Imec

LAURE ADLER RACONTE DURAS • 17/6, 20.00, €7/5, La Bellone, Vlaamsesteenweg 46 rue de Flandre, Brussel/Bruxelles, 02-226.04.54, www.passaporta.be

Fijn dat je wil reageren. Wie reageert, gaat akkoord met onze huisregels. Hoe reageren via Disqus? Een woordje uitleg.

Read more about: Podium

Iets gezien in de stad? Meld het aan onze redactie

Site by wieni