L.E.A.R. : le plus noir de Shakespeare

Gilles Bechet
© Agenda Magazine
07/11/2013
(© Alice Piemme/AML)

Adapté du Roi Lear, L.E.A.R. se glisse dans les pas des personnages de Shakespeare pour mieux s’en éloigner et explorer, par la force du langage, les désillusions de cinq hommes et une femme d’aujourd’hui.

Après Les langues paternelles et Dehors, Thomas Depryck et Antoine Laubin s’approprient Shakespeare pour un nouveau spectacle où ils poursuivent leur travail sur la rythmique de la langue et sur la présence physique des comédiens. Dans sa première partie, L.E.A.R. reste fidèle au texte et à l’intrigue développés dans les deux premiers actes de King Lear. Ensuite, le cadre explose et les comédiens, comme livrés à eux-mêmes, se laissent gagner par l’introspection du vieux roi qui fait remonter leurs souvenirs personnels à la surface. On passe d’une scénographie très unitaire où le récit plus grand que les personnages rassemble et crée des liens, à un monde où l’absence de récit commun renvoie l’acteur face à lui-même. Comme si on passait d’un monde vertical et structuré à un monde horizontal où l’identité se noie dans les réseaux virtuels et l’illusion participative.

Qu’est-ce qui vous fascine dans Shakespeare ?
Antoine Laubin : La langue. Ça n’en finit pas de me surprendre qu’un texte vieux de 500 ans puisse rythmiquement et musicalement résonner encore aujourd’hui. Pour ce que j’ai lu de Shakespeare, c’est sa pièce la plus noire. Il n’y a pas d’espoir sur la nature humaine et en même temps, il s’en dégage une force vitale magnifique. C’est probablement une de ses plus violentes aussi. L’imbrication du politique et du familial me semble très juste pour aujourd’hui. On est dans une époque où on a l’impression que le pouvoir s’incarne de moins en moins. La thématique du renoncement et de l’abdication me semble aussi très intéressante.
(© Alice Piemme/AML)

Comment avez-vous travaillé avec les acteurs ?
Laubin : Une grande partie de notre travail repose sur la création collective. Dans ce spectacle, cela s’est marqué dans la deuxième partie écrite sur le plateau avec les acteurs. On voulait faire un spectacle sur le pouvoir, qu’il soit exercé ou subi, étatique ou privé. Je suis donc arrivé avec des questions et des propositions auxquelles je voulais qu’ils répondent. Chaque personnage de la pièce intègre ces questions en se demandant ce que serait un Roi Lear ou une Cordélia aujourd’hui. Dans notre dynamique de création, j’arrive avec un sujet où quelque chose n’est pas résolu. Dans mon travail de mise en scène, je commence par demander aux acteurs de me renvoyer cette matière avec leur vécu. Ce que j’attends d’eux n’est pas de l’exhibition, mais une implication au premier plan qui amènera le plaisir au premier plan.

Votre spectacle est sous-titré Les Enfants n’Auront Rien.
Laubin : J’aime l’idée de l’acronyme qui crée un lien avec le titre de l’œuvre et qui, en même temps, indique une distance. C’est aussi un jeu de langage qui invite chacun à proposer ses propres interprétations. Même si la question de la transmission et de la filiation sont importants, le sujet qui s’est imposé est celui du pouvoir. Tout se joue autour de la figure du père, mais dans son incarnation du pouvoir. C’est pour cela qu’aujourd’hui, on a gardé l’acronyme sans plus rien imposer.

L.E.A.R. • 8 > 16/11, 20.30 (wo/me/We: 19.30), €10/12/17, Théâtre Varia, Skepterstraat 78 rue du Sceptre, Elsene/Ixelles, 02-640.82.58, www.varia.be

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