Paroles de la Cité Modèle

Sur le plateau du Heysel, au pied de la station de métro Roi Baudouin, la Cité Modèle dresse ses tours d’habitation. Bien loin du rêve urbanistique qui l’a fait naître, la cité rassemble aujourd’hui une population largement défavorisée confrontée au défi du vivre ensemble dans un parc immobilier en pleine rénovation.

La Cité Modèle est au cœur d’un documentaire radiophonique réalisé à l’initiative de la structure associative Bruxelles nous appartient/Brussel behoort ons toe. « L’objectif de départ était d’aller à la recherche de l’histoire de la Cité Modèle en sondant la mémoire de ses habitants », note Séverine Janssen, coordinatrice. « On voulait aussi explorer ce rapport à la verticalité qui était vu, il y a 50 ans, comme un gage de modernité. Qu’est-ce que ça implique pour ses habitants de vivre dans une tour aujourd’hui, avec quels rapports au voisinage et à l’espace de vie ? »

L’équipe, très réduite, a pu compter sur des reporters bénévoles, habitants de la cité, qui ont arpenté les coursives, les places et les appartements pour recueillir les témoignages de ceux qui y vivent. « Les gens connaissent la Cité Modèle ou en ont entendu parler, mais ils ne connaissent pas ses habitants. C’était important pour moi de donner la parole aux jeunes et aux personnes âgées. Ils ont tous des choses à dire », précise Karim Akalay, réalisateur. La théorie des blocs, c’est ça : confronter les points de vue et les témoignages en évitant toute dérive d’exotisme. Il y a des regrets, des critiques, l’impression d’être abandonné. Mais il y a aussi du positif, un grand attachement à ce lieu de vie unique à Bruxelles. Des gens qui y habitent depuis des dizaines d’années et ne veulent pour rien au monde changer d’air. « Des jeunes qui disent ‘On n’a pas de jardin, mais on a la cité. Et en haut du 3, on a un point de vue que les bourges de Uccle n’auront jamais’ ». De cette matière foisonnante est né un récit impressionniste de 53 minutes. « Je suis a priori un gars de l’image, dire des choses avec le son était un défi. J’ai découvert comment faire comprendre par le son qu’on était à la Cité Modèle. C’était passionnant ».

La diffusion de La théorie des blocs entre dans le cycle des Écoutes radiophoniques qui propose des rendez-vous mensuels autour de créations sonores ou documentaires. « L’écoute publique nous permet d’aller vers un public qui n’a pas l’habitude d’écouter ce genre de programmes. Les gens sont parfois étonnés d’être assis à écouter ensemble un programme radio. Ils découvrent une énergie qui circule et qui n’a rien à voir avec une écoute solitaire ou distraite », précise Clémentine Delahaut de l’Atelier de création sonore et radiophonique. La théorie des blocs a fait l’objet d’une avant-première au centre Cité Culture de la Cité Modèle. « On a eu beaucoup de monde, des gens de toutes les générations. Ça a créé une dynamique positive » se réjouit Karim. « La Cité Modèle est un bel espace avec un potentiel endormi qui peut être éveillé. Il y a de véritables enjeux à réfléchir collectivement aux pistes pour revitaliser la Cité », complète Séverine.

LA THÉORIE DES BLOCS 21/12, 17.00, gratis/gratuit/free, Centre culturel Jacques Franck, chaussée de Waterloosesteenweg 94, Sint-Gillis/Saint-Gilles, 02-538.90.20, www.lejacquesfranck.be