Shakespeare à l'ère du virtuel

Nurten Aka
© Agenda Magazine
10/01/2013
(© Kurt Van der Elst)

« La lèche, ça vous ramollit le cerveau… ». C’est la fille du Fou du Roi Lear qui prend la parole. Elle revient sur sa terre natale, dévastée par une guerre civile. Elle cherche son père. À 16 ans, elle a dit « adieu la merde, je tire la chasse. Bye Bye papa ». Sauf que dans la pièce Le Roi Lear de Shakespeare, la fille du bouffon n’existe pas ! Jean-Marie Piemme a écrit une suite contemporaine pour la comédienne hollandaise Berdine Nusselder (formée à l’Insas, école francophone), dans une mise en scène de Raven Ruëll (formé au Rits, école flamande). Rencontre avec cet auteur « 2.0 ».

Depuis quand le bouffon du Roi Lear a-t-il une fille ?
Jean-Marie Piemme :
Récemment, j’ai écris cinq textes à partir de cinq pièces de Shakespeare, dont Le Roi Lear. J’avais l’idée d’aborder l’époque par le biais d’un personnage shakespearien secondaire. Par exemple dans Hamlet, j’ai imaginé son ami Horatio, au XXIe siècle, dans un TGV, qui racontait la tragédie d’Hamlet selon son point de vue. Cela me permet de mélanger les deux époques, celle de Shakespeare et celle d’aujourd’hui, d’aborder les thèmes qui m’importent : l’aveuglement (politique), la violence, la tyrannie, le désir de liberté. Ici, j’ai été intrigué par le bouffon qui apparaît et disparaît chaque fois que part ou entre Cordélia, la fille bannie du Roi Lear. De là, j’ai imaginé la fille du bouffon. Dans King Lear 2.0, elle revient, après la guerre, à la suite des événements de la pièce. Elle cherche son père, qu’elle ne retrouvera pas.

Un monologue moderne, critique du pouvoir, avec des références à des « garden-parties »…
Piemme :
En effet, la fameuse scène de partage du royaume du Roi Lear entre ses trois filles se déroule lors d’une garden-party, car à travers la figure du roi et du pouvoir, je parle de la « société du spectacle », avec une espèce de Berlusconi d’époque. Je suis intéressé par le choc des temporalités. Comment entendre les événements d’aujourd’hui - guerres, conflits de pouvoir, tyrannie… - par un imaginaire de la guerre qui nous vient de loin. Shakespeare montre la grandeur et la chute du pouvoir, avec un sens aigu des rapports de force. Le conflit israélo-palestinien ou d’autres guerres comme l’invasion américaine de l’Irak peuvent d’ailleurs résonner comme une tragédie de Shakespeare. L’écriture s’est faite dans la pulsion, avec une idée de colère et le 2.0 qui contient en soi l’idée d’une reprise actuelle, d’un monde virtuel.

(© Kurt Van der Elst)

Qu’avez-vous pensé du spectacle dévoilé au Theater Antigone, à Courtrai, en néerlandais ?
Piemme :
C’est une mise en scène très intéressante de Raven Ruëll dans sa proposition stricte et tenue où la présence du corps de la comédienne Berdine Nusselder est extrêmement valorisée. À Courtrai, la comédienne était à 2 mètres 50 du premier spectateur. Il a travaillé non pas sur une grande spatialisation de jeu, mais sur une intensité intérieure qui me plaît. De plus, Berdine porte ce monologue dans une espèce de tête-à-tête, assez violent et brutal, avec le spectateur.

King Lear 2.0 15 > 19 & 22 > 26/1, 20.30, €5/7,50/10, Théâtre Les Tanneurs, Huidevettersstraat 75-77 rue des Tanneurs, Brussel/Bruxelles, 02-512.17.84, reservation@lestanneurs.be, www.lestanneurs.be

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