Souvenirs du pays de l’usine

Catherine Makereel
© Agenda Magazine
23/11/2013
Jean-Marie Piemme, le dramaturge belge francophone le plus joué sur nos scènes nationales, a écrit un jour : « J’ai des racines, elles enjambent la Meuse, s’accrochent à ses flancs et là où un pont joint les deux rives, des fumées noires flottent sur les cheminées des aciéries comme autant de drapeaux crasseux. Je viens de là, je viens du pays de l’usine ». Une citation qui a titillé l’imaginaire de Virginie Thirion et Philippe Jeusette, décidés à donner corps à cette histoire d’un enfant né dans une modeste maison de Seraing. S’inspirant d’un récit autobiographique, le duo fait resurgir les fantômes du passé dans J’habitais une petite maison sans grâce, j’aimais le boudin, un titre qui annonce un mélange de rudesse et de malice pour nous plonger dans un monde ouvrier, aujourd’hui bien malmené par l’actualité.

La pièce retrace les racines ouvrières de Jean-Marie Piemme, mais ne fait-elle pas aussi écho à notre époque, avec ArcelorMittal notamment, symbole d’un monde en train de disparaître ?
Virginie Thirion : L’une des impulsions de ce projet, c’est la mort lente des aciéries. Ce qui m’a frappée dans la mort d’Alain Vigneron (un travailleur d’ArcelorMittal qui a mis fin à ses jours en octobre dernier, deux ans jour pour jour après l’annonce de la fin de la phase à chaud à Liège, NDLR), c’est sa lettre d’adieu, dans laquelle il écrit : « Monsieur Mittal m’a tout pris ». Comme s’il y avait un besoin de remettre un nom derrière des décisions dont tout le monde se lave les mains. Cette pièce, c’est comme un rappel, une manière de dire que ces hommes, ce ne sont pas que des ouvriers qui râlent parce que leur emploi disparaît. Derrière ces hommes, il y a une histoire, des lieux, des paysages.



En quoi ce récit autobiographique appelle-t-il le théâtre ?
Thirion : Il y a dans l’écriture de Jean-Marie Piemme quelque chose de très théâtral, de naturellement « vivant », qui se prête à être dit. Le travail d’adaptation a simplement consisté à sélectionner et agencer les textes, trouver un équilibre entre ce qui appartient à l’histoire familiale et ce qui appartient à l’usine à travers l’histoire parentale. C’est un récit autobiographique mais qui est aussi très polyphonique, notamment dans les interventions des parents. Le récit va de sa naissance à la perte de ses parents, en passant par l’université. C’est son père qui l’a poussé à faire l’université, à s’affranchir du monde ouvrier. Un père qui ne renie pas pour autant ses racines, des racines dont, dit-il, on n’est pas fiers, mais dont on n’a pas honte non plus. Il y dit : « Nous étions l’aile avancée du prolétariat qui rêve de ne plus l’être mais n’entend pas pour autant s’arracher à ses racines ».

Comment mettre tout cela en musique ?
Thirion : Avec un musicien justement. Eric Ronsse joue en live avec deux guitares, une contrebasse, et tout un bidouillage pour faire des boucles. Il y aura du rock, du jazz, du blues, des variations sur les musiques de l’époque ou des compositions originales. Philippe et moi jouons dans une reconstitution hyperréaliste d’un tout petit morceau de cuisine, lieu central par excellence de la famille. Nous cuisinons même sur scène.

J’HABITAIS UNE PETITE MAISON SANS GRÂCE, J’AIMAIS LE BOUDIN 28/11 > 14/12, di/ma/Tu > za/sa/Sa 20.00, €6 > 20, Petit Varia, rue Graystraat 154, Elsene/Ixelles, www.varia.be

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